En mai, roule là où il te plaît
Il y a comme une petite brise qui vient souffler sur nos visages. Un léger filet d’air frais, vous savez, celui qu’on ressent lorsqu’on relève à peine l’écran du casque. La bonne nouvelle, c’est ce fichu rayon des 10 km qui est tombé lundi dernier. Comme une délivrance. L’étrange impression de ne pas pouvoir passer la 6e dans ce cercle si étriqué s’évapore enfin. Ça tombe à pic. Avec le retour des beaux jours, les journées qui s’étirent plus tard le soir et la perspective d’un long week-end de l’ascension, il est grand temps de reprendre le guidon. Sonnez démarreurs, résonnez silencieux… Inutile d’être grand clerc pour deviner que les quatre jours de la mi-mai vont voir défiler des cohortes de motos. Il va y avoir du levé de bras gauche, des doigts en V, de l’appel de phares, de l’appel à leds (ouarf). Vous n’y croiserez pas encore la toute dernière Harley-davidson, la Pan America que nous avons choisi de mettre à la une pour toutes les interrogations qu’elle soulève. Vous l’avez forcément vue en photo depuis le temps qu’elle s’affiche. Et vous avez forcément une opinion sur elle. Forcément très tranchée. Car Harley n’a pas fui ses responsabilités sur le coup. Venir jouer sur les plates-bandes de BMW, Ducati, KTM et consorts, quand on s’est revendiqué pendant des décennies du cruising jambes tendues-bras en l’air, les pieds en avant, c’est gonflé. Tout comme son style délibérément différent du reste de la production. Clivant à l’évidence. On entend les mauvaises langues : « On ne peut pas tout miser sur le physique, surtout elle, mais sur un malentendu, on sait jamais, ça peut marcher. » Sauf que de retour d’essai, notre essayeur a dissipé tout malentendu justement. À tous points de vue. Au niveau de prestations proposées, comme sur le prix carrément en deçà des concurrentes et, plus généralement, de la valeur du métal habituellement estimée par la marque américaine. C’est l’autre bonne surprise. Reste à voir de quelle façon cette étrange machine sera accueillie par les amateurs de gros trails voyageurs. En attendant, ceux qui ricanaient par anticipation vont devoir changer d’attitude. Attitude, ce mot est revenu naturellement dans la bouche de celui qui est en train de plancher sur un livre célébrant les 50 ans de Moto Journal à paraître à la rentrée. Alors que l’on devisait entre anciens, nous avons abordé l’inévitable question des différences entre les époques. « Vous faisiez ce que vous vouliez dans les années 70-80, il n’y avait quasiment pas de limites. Le boulot se confondait avec vos vies privées, vous n’aviez pas de gosses… » lui disais-je. Ce à quoi il répondit : « Oui c’est vrai, mais quand je vous entends à la rédaction parler entre vous, je constate que c’est beaucoup plus organisé, plus anticipé, mieux réparti. Nous, on passait un paquet de temps au rade du coin à discuter, boire des coups et jouer au flipper ; après on se mettait à bosser jusqu’à pas d’heure s’il le fallait ». Pour conclure que la passion de la moto, sans doute vécue de différentes façons selon les époques et les générations, reste bel et bien la clé de voûte de notre job. On pourrait écrire un bouquin là-dessus. Ça tombe bien, il est sur les rails.