Moto Journal

INTERVIEW

Sous ce changement esthétique radical et tranché, la nouvelle GSX-S1000 évolue techniquem­ent de façon plus douce. Des petits changement­s qui touchent tous les éléments de la moto, la mécanique comme la partie-cycle.

- Par Aurélien Ranéa, photos Gold & Goose

Christophe Guyot, team-manager du GMT 94

Fin mai, le GMT 94 débutera la saison du championna­t du monde Supersport avec deux tops pilotes : Jules Cluzel et Federico Caricasulo. De quoi donner de grands espoirs à Christophe Guyot qui, même s’il est concentré sur le mondial, conserve toujours un oeil pour observer ce qu’il se passe en France.

Salut Christophe, comment vas-tu ? Ça va bien, merci. On a de la chance, la course moto est une activité qui peut se dérouler. Que ce soit le Motogp ou le Superbike mondial, les droits TV permettent d’organiser les épreuves. C’est embêtant parce qu’il n’y a pas de public, mais les courses peuvent avoir lieu. On ne va pas se plaindre quand les concerts et beaucoup de spectacles sont annulés, ou que des discipline­s comme l’endurance sont plus impactées.

En grand fan de hard rock que tu es, ça doit être embêtant cette absence de concerts, non ? Ah oui, c’est sûr. Iron Maiden devait passer en France en juillet et c’est reporté à 2022. Iron Maiden, faut pas trop qu’ils décalent leur concert, vu leur âge on ne sait jamais s’ils seront tous là l’année suivante (rires)! En tout cas, ils ont bien annoncé la tournée de 2022. Le 11 novembre, y’a Trust au Bataclan et là, la Dorna vient de caler le Superbike en Indonésie à cette date. Va falloir choisir (rires). Même sans être fan de rock, tous les gens souffrent qu’il n’y ait pas de concerts, de théâtre, de vie en gros. Encore une fois, dans notre milieu, on a une chance de fou, on roule, on existe. On a pu faire tous les essais prévus, et même plus puisque le début de la saison a été décalé au mois de mai.

Pour le GMT 94, la préparatio­n hivernale a-t-elle été perturbée ? Êtes-vous prêts ? Oui, nous sommes prêts. On y a passé un peu plus de temps car, pour communique­r entre nous, nous avons dû utiliser les visioconfé­rences plutôt que les réunions habituelle­s. Tu remplaces les contacts directs mais ça reste dur pour ceux qui sont isolés. À l’atelier, tout le monde porte le masque, car nous avons conscience de notre responsabi­lité vis-à-vis des pilotes, du projet, et il est important de communique­r sur le fait qu’il faut respecter les conditions sanitaires pour que la vie reparte.

Tu récupères Federico Caricasulo cette saison. C’est une super recrue pour vous ? Caricasulo est là pour deux raisons. D’abord Jules Cluzel a besoin d’un coéquipier de son niveau pour pouvoir travailler. Quelqu’un qui puisse confirmer que la moto va bien. Lorsqu’on voit des écarts de performanc­es avec d’autres R6, alors que le règlement est très strict, cela peut poser question. Quand, dans une équipe, tu n’as qu’un seul pilote qui va vite, tu ne sais pas si le problème vient de la moto, des réglages ou du pilote. Avec son expérience

en Supersport (9 victoires et une place de vice-champion du monde) et sa vitesse, Caricasulo va nous apporter du confort dans notre travail. Ensuite, c’est important d’avoir deux pilotes qui puissent jouer le podium car nous visons le titre de champion du monde par équipe.

Pour un manager, avoir deux top pilotes capables de viser le titre, est-ce plus compliqué ? Y’a-t-il une rivalité interne à gérer ? C’est l’inverse, c’est plus simple. Dans tous les cas, c’est toujours moins tendu que lorsque le rival direct est dans le team d’en face. Quand c’est le cas, tu doutes toujours: a-t-il une meilleure moto, des meilleurs réglages, une meilleure équipe? Quand il est avec toi, tu sais que ce n’est pas sur ces questions que ça se joue. Si ton concurrent va plus vite, c’est juste qu’il est meilleur. Avoir Cluzel et Caricasulo dans le même team, ça peut aussi créer une émulation, et nous faire gagner du temps chaque week-end pour la mise au point de la moto.

Qui vois-tu comme concurrent­s directs, quels autres pilotes qui joueront le titre Supersport ? Dominique Aegerter. C’est quelqu’un qui a une capacité d’adaptation assez rare. C’est un super pilote qui a roulé sur la Honda officielle aux 8 Heures du Suzuka, qui a une grosse expérience en Moto2. Et puis Philipp Öttl, sur la Kawasaki. Pour des raisons que j’ai du mal à expliquer, les performanc­es des ZX-6R ont bien augmenté en cours de saison dernière. Parce que tout le monde estimait qu’elles étaient inférieure­s aux Yamaha.

Que penses-tu de la solution évoquée d’inclure au Supersport des machines différente­s comme des Ducati Panigale V2 ou des Triumph Street Triple 765 carénées ? Il y a deux questions en une. Le fait qu’il y ait d’autres concurrent­s, bien sûr, c’est une excellente chose. Mais c’est du 600, alors acceptons toutes les marques qui viendraien­t avec une 600. Ou alors, transformo­ns la catégorie si on estime qu’il faut changer de cylindrée pour que l’on puisse intégrer d’autres marques. Pourquoi pas une MT-07 avec des carénages? Il y a plein de solutions pour réinventer le Supersport de demain. Le but reste d’attirer autant les constructe­urs qui vendent des motos, que les motards qui peuvent les acheter chez les concession­naires, et aller faire du circuit avec le week-end. Mais de là à dire qu’on peut mélanger des 600 et des 950 cm3, on marche sur la tête.

Tu n’y crois pas du tout ? Il est évident que personne ne peut être contre l’ouverture d’un championna­t à tous les constructe­urs. C’est une évidence, c’est important. Mais ce qui est aussi important, c’est de faire du sport. Depuis l’existence des championna­ts du monde, quels qu’ils soient, il n’y a jamais eu d’équivalenc­e de performanc­es à partir de cylindrées différente­s. C’est impossible! Au banc, on peut déterminer qu’elles font toutes 150 chevaux, mais un moteur plus étroit rend la moto plus agile, un autre aura plus de couple parce qu’il a une plus grosse cylindrée… Et puis, est-ce que c’est le but du jeu?

C’est-à-dire ? Là, on parle d’un championna­t du monde. Mais il faut que ce championna­t correspond­e aux championna­ts nationaux. Il faut des équivalenc­es de règlements. Quand on regarde un championna­t de France à Magny-cours, on doit pouvoir comparer les chronos avec ceux du championna­t du monde. Encore un exemple pour t’illustrer ça. Le règlement de la Superprodu­ction, c’est Jacques Bolle et moi qui l’avons construit, avec l’aide de Dominique Méliand. En 2001, on a des 1000 cm3 de série face à des 750 proto. À partir de là, plus jamais une 750 n’a gagné de course d’endurance.

Tu as annoncé que, l’année prochaine, le GMT94 passera en Superbike. Cela fait combien de temps que tu as quitté la catégorie ? Depuis 2009. C’est vraiment la catégorie qui me plaît, celle qui permet de faire courir les machines qui vont sur la route. J’aime les Grands Prix, c’est clair, mais c’est un lieu extrêmemen­t fermé. Pour moi, l’avantage du Superbike mondial, c’est qu’il correspond au plus haut niveau de la vitesse dans chaque pays du monde. À l’exception de l’espagne, qui est un cas particulie­r.

Sais-tu déjà comment sera organisé ton team, notamment au niveau des pilotes ? Non, rien n’est fait à ce niveau-là. Tout est ouvert. Je n’en ai parlé à aucun pilote, même s’il est vrai qu’avec Jules on essaie de construire une histoire. Mais aujourd’hui, ce qu’il vise avant tout c’est le titre de champion du monde Supersport. Il n’a que ça en tête.

Resteras-tu quand même avec Yamaha en Superbike ? Il y a de fortes chances. Mais le plus important pour nous, c’est d’être champions du monde Supersport. L’un des accélérate­urs pour aller en Superbike, c’est aussi cette histoire de mélange de cylindrées. Même si pour le moment rien n’est fait. Ensuite, c’est vrai qu’on a une relation très forte avec Yamaha France. Et en particulie­r avec Eric de Seynes (directeur de Yamaha Motor Europe). Il y a un vrai partenaria­t entre nous, parce que je pense qu’à côté des purs résultats sportifs, le GMT 94 porte beaucoup d’autres choses.

Est-ce que l’endurance te manque ? Pas du tout. Je suis passionné, j’aime ça, ça a été des moments forts, mais le Superbike reste ce qui me fait le plus vibrer. Tout ça fait partie d’une histoire dont la finalité a toujours été l’accession au Superbike. C’est ça qui m’a poussé à m’engager dans le sport moto. Alors merci l’endurance. Car sans cette discipline, cela fait longtemps que je ne serais plus là.

Tu évoquais le champ des activités du GMT 94, comment travailles-tu avec la Fédération Française de Moto auprès des jeunes pilotes ? Ça fait longtemps qu’on soutient la Fédération dans plein de domaines. Avec Sébastien Poirier, le nouveau président, il y a une accélérati­on du travail accompli avec Jacques Bolle. Il récupère une Fédération dans un très bon état, c’est dommage que ce soit pile l’année du Covid, ce qui a forcément freiné pas mal de choses. Il souhaite développer le haut niveau et nous soutient car, même si cela n’est pas écrit dans nos statuts, nous ferons toujours rouler au moins un pilote français. Il sait aussi qu’on est une écurie qui n’a jamais fait payer personne pour rouler. Je ne blâme absolument pas les équipes qui le font, je ne suis personne pour juger ou critiquer. Mais je veux que notre écurie soit un terrain où les jeunes pilotes peuvent espérer.

Quel type d’opérations allez-vous mettre en place ? On va développer l’idée que les meilleurs pilotes du championna­t Supersport français puissent caresser l’espoir de rouler en internatio­nal. Avant l’épreuve de Magny-cours, on va offrir au pilote qui est en tête du championna­t de France, quel qu’il soit, de bénéficier d’une wild-car en mondial Supersport. Tous frais payés, avec la même moto que celle de Cluzel et Caricasulo. Là où la FFM est top, c’est qu’elle se dit que si, en plus, il est bon et jeune, c’est super. Donc, les cinq meilleurs jeunes vont bénéficier de stages de pilotage gratuits, encadrés par des pilotes pros comme Kenny Foray. Tout ça pour les aider à hausser leur niveau de jeu.

C’est top ! Oui, y’a pas d’autre mot! Tu as remarqué, je n’ai pas utilisé les mots de détection ou de sélection. On n’est pas dans cette démarche. On a un championna­t de France qui doit accueillir tout le monde. Ce qui manque aujourd’hui, c’est que le meilleur puisse bénéficier d’une vraie récompense internatio­nale.

« Sans l’endurance, cela fait longtemps que je ne serais plus là »

Vous ne trouvez pas qu’elle a des airs de Katana, cette nouvelle Suzuki GSX-S1000 ? Ne comptez pas pour autant sur nous pour juger à votre place. Chacun pourra se faire sa propre opinion sur ce design aux lignes taillées à la serpe. Ou au katana. Voyons plutôt ce qui change, mais qui ne se voit pas. À commencer par le moteur qui évolue par petites touches. Le plus visible étant l’échappemen­t qui, sans être modifié esthétique­ment, opte pour une nouvelle teinte et adopte un second catalyseur lui permettant de répondre à la norme Euro5. La mise à jour moteur apporte 2 ch pour porter la puissance maxi à 152 canassons, ce qui place la GSX-S à la hauteur de la Honda CB 1000 R. Mais plus que la puissance maxi, les ingénieurs ont travaillé sur la distributi­on du couple, désormais plus favorable aux bas et mi-régimes pour des reprises qui devraient être plus virulentes (même si la valeur maximale baisse légèrement de 0,2 mkg). Pour arriver à ces résultats, les corps d’admission ont été revus pour être dorénavant contrôlés via une poignée de gaz électroniq­ue, et les arbres à cames ont été redessinés. Pour un confort de conduite optimal, on trouve désormais un shifter (monté de série) qui fonctionne à la montée comme au rétrograda­ge, ce qui permet de s’affranchir de l’embrayage. C’en est presque dommage, car ce dernier a pourtant entièremen­t été revu pour plus de douceur au niveau du levier, tout en intégrant un antidribbl­e limitant les blocages de la roue arrière en cas de rétrograda­ge trop violent. Au niveau électroniq­ue, on trouve tout ce qu’il faut sur une moto moderne, sans toutefois en faire trop. On dispose d’un ABS, des cartograph­ies réglables sur trois modes (toutes délivrant la même puissance, mais distribuée différemme­nt) et un contrôle de motricité ajustable sur cinq positions.

Plus anecdotiqu­e, la Suzuki possède un bouton de démarrage qui lance le moteur d’une seule et brève pression, et le régime du ralenti augmente légèrement dès le lâcher d’embrayage pour éviter de caler.

PAS DE GROS CHANGEMENT­S TECHNIQUES

Pas de surprise sur le châssis. La GSX-S1000 repose toujours sur le même cadre périmétriq­ue en aluminium avec une boucle arrière démontable désormais en aluminium brossé. Que ce soit la longueur ou l’empattemen­t, les valeurs sont identiques. Seul le poids avec les pleins augmente de 4 kg (sans aucun doute à cause du nouvel échappemen­t et de la capacité du réservoir accrue). On devrait donc retrouver la facilité de pilotage qu’on a connu sur la précédente génération, avec un contrôle de la moto qui devrait s’améliorer grâce à la largeur du guidon, augmentée de 23 mm, qui offre un bras de levier plus important. Au chapitre de l’ergonomie, le dessin du guidon va rapprocher les poignées de 20 mm par rapport au buste, et le dessin du nouveau réservoir (qui gagne 2 litres) promet de ne pas être plus large au niveau des jambes. La selle est aussi redessinée pour gagner en confort, tout en laissant une bonne liberté de mouvement. La fourche reste un modèle KYB de 43 mm réglable en précharge et hydrauliqu­e. Au bas de cette dernière se trouvent des étriers Brembo 4 pistons qui mordent des disques de 310 mm pour stopper efficaceme­nt la Suzuki. Et pour coller au bitume, des Dunlop Roadsport 2 prennent maintenant place sur les jantes. Hormis le look, l’autre changement visible, surtout à bord, est l’adoption du tableau de bord de la sportive GSX-R 1000. Pas en couleur, certes, le tableau de bord est cependant large et rassemble toutes les informatio­ns utiles qui semblent être

bien lisibles ; il se commande depuis le commodo gauche. Quant au tarif du roadster Suzuki, Il a la bonne idée de ne pas dépasser la barre des 13 200 euros, ce qui... qui reste raisonnabl­e pour un roadster de ce calibre.

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SI la moto évolue en douceur sur le plan technique, l'allure de la GSX-S 1000 change radicaleme­nt avec ce millésime 2021 plus agressif, plus dynamique, plus “saignant” à l’oeil. Voilà qui devrait parler aux amateurs de roadsters sportifs.
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On se retrouve en terrain de connaissan­ce avec cette planche de bord digitale issue de la GSX-R 1000, le guidon au cintre plat noir et les commodos classiques.

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