Moto Journal

Sébastien Poirier, président de la FFM

- Par Aurélien Ranéa, photo FFM

Un peu plus de six mois après son élection comme président de la Fédération française de motocyclis­me, il était intéressan­t de faire un point avec Sébastien Poirier. Situation sanitaire, calendrier des épreuves sportives, haut niveau, attaques contre le sport moto… Les sujets ne manquent pas.

Vous êtes arrivé à la tête de la FFM en octobre dernier, en plein milieu d’une pandémie mondiale. On a connu mieux pour célébrer une élection, non ? Oui, en effet, il y a mieux (rires). Mais je suis d’une nature optimiste et je regarde les côtés positifs de cette période. Même si l’exercice du sport moto est dégradé, on a néanmoins la chance de pouvoir pratiquer. Nous avons réussi à organiser certaines épreuves en 2020, et nous avons bon espoir d’en organiser plus cette année. Évidemment, la situation est difficile, on a perdu beaucoup de licenciés. Je crois que les valeurs véhiculées par la moto ont leur rôle à jouer dans ce moment où l’on se retrouve bridés, brimés dans nos libertés et limités dans notre vie sociale.

Quel est l’impact concret de cette crise sur le nombre de licenciés et l’organisati­on des championna­ts ? En 2020, sur le millier d’épreuves prévues, nous n’avons pu en organiser que 250. Ce qui n’est pas si mal, puisque tout s’est concentré du mois d’août jusqu’à mi-octobre. S’agissant des licenciés, la perte fut d’environ 20 %. Pour 2021, à l’heure actuelle il nous manque 1500 licences pour arriver aux chiffres de 2020. C’est logiquemen­t lié à la crise sanitaire et au confinemen­t du début d’année. On a bon espoir

que ces chiffres s’améliorent dans les prochaines semaines. Qu’à partir du moment où ils seront certains que les épreuves auront bien lieu, des pilotes prennent leur licence « entraîneme­nt » ou « compétitio­n ». Notre calendrier prévisionn­el compte 600 épreuves cette année. Si on en reste là au niveau des décisions du gouverneme­nt pour le protocole de sortie de confinemen­t, on devrait arriver à organiser tous les championna­ts de France sur l’ensemble de nos discipline­s.

Comblez-vous les pertes financière­s des organisate­urs lors d’épreuves qui se courent à huis clos ? En 2021, on a mis en place un fonds d’un million d’euros pour nos clubs organisate­urs. Il ne s’agit pas de compenser l’absence de recettes liée à la billetteri­e, mais de rassurer les clubs. En cas d’annulation par la préfecture, la FFM prendra en charge les frais d’organisati­on engagés. En vitesse, on a des clubs capables d’organiser des courses car les recettes tirées des engagement­s des pilotes permettent de prendre un minimum en charge les coûts d’organisati­on. Cela ne vaut pas pour le moto-cross, où l’on ne peut rien organiser sans un minimum de spectateur­s. C’est pour cela que, l’année dernière, on a eu aussi peu d’épreuves de cross.

Vous avez un parcours de juriste, est-ce une formation impérative aujourd’hui pour gérer une fédération nationale ? C’est un plus indéniable. Dans la gestion de la FFM, au-delà du projet global que nous portons, il y a tout un pan administra­tif, réglementa­ire et institutio­nnel. Il est clair que ma formation de juriste en droit économique du sport m’aide au quotidien. Aujourd’hui, pour soutenir la pratique du sport moto, il faut être un interlocut­eur crédible auprès des pouvoirs publics et être capable de se défendre d’un point de vue juridique.

Quels sont les chantiers que vous souhaitez mettre en place à court et long termes ? Il y a beaucoup de sujets. Aujourd’hui, principale­ment en compétitio­n, on a beaucoup de pratiquant­s qui font de la moto parce que, dans leur entourage proche, il y avait un pilote moto. Dans mon cas, mon oncle était pilote de motocross, et c’est à travers lui que je me suis retrouvé dans ce milieu. L’idée est d’avoir une vision plus large. La moto est présente dans notre quotidien, notamment pour la mobilité dans les grandes villes. Il faut que tous les motards qui roulent sur des machines un peu sportives se sentent légitimes, attendus et bien accueillis sur des équipement­s sportifs. Il faut que la vitesse, le cross, l’enduro soient des pratiques accessible­s à tout âge et à tout niveau. Évidemment, il y a la compétitio­n, mais il y a aussi le plaisir que l’on peut avoir dans une pratique en loisir. C’est le message que je veux faire passer et qui se fera via une meilleure visibilité de nos offres.

Vous souhaitez aller chercher de nouveaux pratiquant­s ? Je crois beaucoup à un travail sur la labellisat­ion pour qu’en quelques clics, sur Internet, on puisse savoir où, quand, comment et combien ça coûte de débuter. Et vers qui je peux me tourner pour cela. En tant que fédération, il est important que l’on puisse identifier et valoriser les structures qui savent accueillir et qui ont une appétence pour s’adresser aux nouveaux pratiquant­s. Il y a un travail de mise en confiance à faire, je le vois à travers ce que nous avons accompli avec le circuit Carole, où nous avons réussi à faire venir de nouveaux pilotes sur des stages et des sessions réservées.

Les bons résultats de Fabio Quartararo et Johann Zarco, le fait que leurs succès soient repris dans des médias généralist­es, quel impact cela a-t-il sur la FFM ? Un sport rayonne et vit à travers ses champions. Quand l’équipe de France de foot gagne, c’est tout le foot français, voire le sport d’une manière générale, qui gagne.

Quand Fabio gagne et que Johann performe, c’est la moto française, le sport français et la France qui en bénéficien­t. Le Motogp est une caisse de résonance internatio­nale. En interne, au sein de la FFM, c’est important d’avoir des champions. Je le mesure face à nos interlocut­eurs auprès des pouvoirs publics ou des institutio­ns sportives. Aujourd’hui, ils regardent tous le Motogp. Denis Masséglia, président du Comité olympique français, sera présent au GP de France. Je crois que c’est en partie lié à la performanc­e de nos Français. On espère aussi la venue de la ministre des Sports.

Comment assurer la relève de Zarco et Quartararo, et ainsi conserver la présence de pilotes français à haut niveau en vitesse ? En plus de la labellisat­ion, il faut absolument arriver à remettre en place des championna­ts de ligue dans la vitesse. À l’image de ce qui se fait dans le motocross. Il faut qu’il y ait de la proximité et que l’on puisse accueillir beaucoup plus de pilotes en masse. Le haut niveau est une pyramide, il faut on, il estqium’opnoretnan­étlaqrugei­sse la base pour faire en sorte d’avoir un sommet le plus intéressan­t possible.

Cette retombée médiatique vous aide-t-elle aussi à défendre plus largement la pratique du sport moto quand il est attaqué ? Quand la moto fait la une du premier quotidien sportif, ça nous aide au niveau de l’image. C’est valorisant, alors que la grande presse a le plus souvent des propos négatifs vis-à-vis de notre pratique. Concernant la défense, un titre de champion du monde se plaide difficilem­ent dans un tribunal quand on a un conflit de voisinage. Ce n’est pas un argument juridique que l’on peut faire valoir. Quand il y a des conflits, on se bat avec le droit. Mon prédécesse­ur, Jacques Bolle, a développé un service juridique structuré de quatre personnes. On accompagne nos clubs de façon administra­tive, financière et juridique.

Quel point est le plus pénalisant ou le plus souvent attaqué concernant le sport moto ? C’est mon troisième gros dossier, qui est très complexe, il concerne le bruit. C’est un vrai problème de santé publique que l’on doit résoudre. Il y a des circuits qui connaissen­t de vrais risques d’avoir leur activité réduite, ou même interdite. Il faut en avoir conscience et il faut, collective­ment, que nous réduisions les émissions sonores des machines. Nous n’avons simplement pas le choix. C’est pourquoi j’ai mis en place un groupe de travail interne au sein de la FFM, pour qu’il propose une feuille de route qui définira l’engagement de la fédération pour modifier ses règlements sportifs.

L’idée serait-elle d’aller plus loin que ce que font les constructe­urs sur les motos de série ? On est sur deux réglementa­tions qui ne se croisent pas. Celle de la voie publique et celle des circuits. Aujourd’hui, le drame c’est que l’on peut avoir des machines qui sont parfaiteme­nt homologuée­s pour rouler sur route, mais interdites de participer à des entraîneme­nts, car le process de contrôle du bruit est différent et ne se fait pas aux mêmes régimes moteur. Rien ne se fera en un claquement de doigts, mais nous devons nous engager. Par exemple, si on ne réduit pas les émissions sonores des petites cylindrées destinées aux plus jeunes, on n’aura pas accès aux circuits de karting. Car les kartings sont soumis à des normes inférieure­s à la nôtre. Quand nous aurons réglé le problème du bruit, nous aurons réglé 90 % de nos difficulté­s. Car face aux nuisances sonores, nous n’avons pas d’arguments à faire valoir.

« Quand nous aurons réglé le problème du bruit, nous aurons réglé 90 % de nos difficulté­s. Car face aux nuisances sonores, nous n’avons pas d’arguments à faire valoir »

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