Honda CMX 1100 Rebel DCT
Le custom est devenu une denrée rare chez les constructeurs japonais, sans doute lassés de produire de pâles imitations. Honda profite de ce vide pour dégainer la CMX 1100, un chouette écrin pour l’excellent gros twin à boîte DCT emprunté à l'africa Twin.
Àl’évocation du nom Rebel, on pense tout de suite à un truc qui envoie du lourd. Un engin à effrayer les petites filles à la tombée de la nuit, une bestiole carrée d’épaules, une bête de foire à faire trembler les mi-portions qui traîneraient après le couvre-feu sur les trottoirs. Il n’en est rien. En découvrant la bête sur le parking chez Honda-france, où elle m’attend sagement, la grosse CMX (elle existe déjà en 500 cm3) me fait plutôt l’effet d’une moto relativement sage, même si sa teinte intégralement noire lui donne un petit air bad boy juste ce qu’il faut. Sa silhouette avachie sur l’arrière, avec la ligne du cadre en oblique et le petit réservoir de 13,6 litres semblant suspendu en l’air, accentue le trait. Un bobber la Honda? Disons que oui, si on considère la largeur de 130 du pneu avant légèrement supérieure à la norme. Ses mensurations sont parlantes: avec un empattement de 1520 mm qui correspond peu ou prou à celui d’un gros roadster, son poids tout à fait contenu de 223 kg (10 de plus avec la boîte DCT), la CMX a l’air très accessible. Elle l’est tout particulièrement grâce à sa selle à seulement 700 mm de hauteur. À cette distance du sol, on peut mesurer moins de 1,65 m et prétendre toucher les deux pieds par terre. Un argument souvent décisif pour les clients de ce genre de motos qui, au-delà du style US de leur acquisition, cherchent avant tout à se rassurer. La Honda est ici dans sa version DCT 6 rapports, une boîte à double embrayage qui accompagne déjà le twin sur la moto d’où il est issu, l’africa Twin 1100.
SIMPLICITÉ AVANT TOUT
Mais avant de parler de ce moulin (avant donc!), allons-y pour le tour du proprio. Comme l’oeil le remarque, la fabrication est sérieuse, une constance chez Honda à défaut de finition léchée. Ici, le bon vieux gros tube d’acier est de mise, même si le traitement anodisé DLC noir de la fourche fait illusion. Un seul disque de frein, deux amortos arrière à bonbonne séparée, un bloc compteur digital monochrome, le contacteur déporté sur le flanc gauche, un silencieux acier peint en noir mat tout ce qu’il y a de plus standard, on voit bien que Honda l’a joué sobre avec son gros cruiser. C’est volontaire. Car la technique déployée ici permet au prix de rester à un niveau très acceptable: 10499 € pour la version à boîte méca, 11499 € en version CDT, il n’y a pas de quoi crier au scandale compte tenu de la cylindrée et de l’ensemble mécanique. Et puis il y a de bonnes choses à relever: l’étrier de frein à fixation radiale, le régulateur de vitesse de série, sîouplait, une prise USB, l’éclairage full leds… Le moteur, lui, occupe la place du chef, comme il se doit sur un custom. C’est le twin de l’africa Twin, simple arbre 8 soupapes mais légèrement assagi. La puissance baisse de 102 à 87 ch et le couple ne perd qu’une poignée de Nm (7 comme les nains) mais il est obtenu dès 4750 tr/mn contre 6250 tr/mn sur le trail. Pas de quoi s’inquiéter dans ce châssis de cruiser, encore moins même puisqu’il délivre ses 98 Nm dès 4750 tr/mn, quasiment 2000 tr/mn plus bas que sur le trail. On ne va pas y perdre au change, donc. Qui dit DCT dit absence de levier d’embrayage et de sélecteur. La commande de boîte propose deux gâchettes au guidon pour passer à volonté en mode manuel. Mais la boîte auto, quand on y a goûté, on a moyennement envie de jongler avec les rapports. Surtout sur une meule comme la Rebel où la position de conduite à la coule se satisfait de ne pas se servir du pied et de la main gauche.
ELLE AIME LE SINUEUX
Certes décontractée, ladite position n’est pas idéale pour le dos avec les jambes plus qu’à l’équerre, les pieds avancés au-delà de l’axe du bassin. Moi qui étais en souffrance avec mes pauvres lombaires la semaine de l’essai, j’ai mangé ma quiche au passage du moindre revêtement déformé.
Aïe, ouille! D’autant plus que le débattement ridicule des deux combinés arrière ne sert pas le confort. Bref, j’avais de bonnes raisons de prendre en grippe la Rebel durant la semaine. Et pourtant non. Pourquoi? Parce que la Honda possède deux atouts maîtres dans sa musette. D’abord sa partie-cycle ultra agile et maniable qui se laisse apprivoiser très facilement et qui permet de balancer la moto d’un virage à l’autre sans forcer, d’une simple impulsion sur le guidon.
La Rebel n’est pas une moto de voyou. Plutôt un bon cruiser sympa à emmener dans le sinueux.
On bénéficie en fait d’une sorte d’effet culbuto du fait d’un centre de gravité placé au plus bas. Par rapport à de nombreux customs pas très excitants à emmener ailleurs qu’en ligne droite, la CMX 1100 révèle du coup une réelle appétence pour le sinueux. Pas trop large, le guidon est un cintre presque plat, façon roadster, qui offre une excellente ergonomie même si l’assise est basse. La Rebel est très à l’aise en ville, son domaine qui devrait être celui de prédilection. Sauf qu’avec son châssis très alerte, on n’a qu’une envie, c’est d’aller se tailler un bout de route pour profiter de l’allant de la machine. Les repose-pieds courts n’entachent pas trop la garde au sol, de sorte qu’on peut prendre un peu d’angle dans les petits virolos sans tout frotter. Pas de souci non plus de stabilité ou de précision, la moto va là où on lui dit d’aller, les pneus signés Dunlop offrant pour leur part un grip correct sur le sec. Le freinage, lui aussi, est convenable, notamment à l’arrière, mais un peu de puissance, de niaque en plus seraient les bienvenus. La faute à un moteur qui ne lambine pas quand on le titille.
BON TWIN, SUPER BOÎTE
Deux trois reprises gaz généreusement ouverts suffisent pour oublier les quelques canassons perdus.
Parfaitement contrôlé par une boîte DCT qui a su évoluer depuis son apparition, le twin s’exprime librement, avec générosité. Et ça pulse ! Sur le mode standard qui convient parfaitement en usage normal ou, mieux, en mode sport où le DCT passe les rapports plus haut dans les tours, l’efficacité est totale, le plaisir bien présent aussi. Si vous vous retrouvez en 4e, voire en 5e très tôt, vers 50 km/h, une ouverture de gaz franche relance instantanément la machine avec un temps de latence assez restreint. De fait, on évolue toujours sur le bon rapport en sachant que la réserve de puissance est à portée de main. Le mode « Rain », très mollasson, n’est pas vraiment utile, et celui dit « User » permet de se programmer sa configuration en réglant le frein moteur, l’arrivée de la puissance et l’intervention de contrôle de couple. Quant à l’anti-cabrage, on ne sait pas trop ce qu’il vient faire ici. En croisant à 4000 tr/mn, le moteur vous emmène à 115 km/h, allure où la tête supporte encore la pression de l’air. Et comme sur l’africa, sa conso est des plus réduites: 5,5 l/100 en roulant raisonnablement. Un autre avantage du DCT est sa mémoire, qui le fait agir suivant la façon dont vous conduisez, comment vous ouvrez les gaz, de sorte que le moteur réagit selon votre humeur. Ce twin souple à bas régimes et onctueux est véritablement parfait pour la Rebel. Mais évidemment, face à cet agrément, on se prend à rêver de le voir installé sur un roadster type BMW F900 R, pas trop radical pour offrir un certain confort mais assez dynamique pour s’amuser. Allez, on signe où?