Moto Journal

BMW S1000 R, Ducati Streetfigh­ter 1100 V4 S, KTM Super Duke 1290 R, Triumph Speed Triple 1200 RS

Légers, surpuissan­ts, vifs et ef caces, les gros roadsters sont au sommet de la production moto quand il s’agit d’attaquer sur route. Ils bondissent de virage en virage comme un super-prédateur sur sa proie, sans laisser la moindre chance à qui voudrait e

- Par Matthieu Cayrol, photos Bruno Sellier

Quel est le point commun entre un lion, une orque, un crocodile, un aigle et nos quatre roadsters du moment? Les poils? Pas vraiment. Les crocs? Non plus. En fait, ce sont tous des super-prédateurs, que ce soit sur terre, dans l’eau, dans les airs ou sur route. Mis à part que nos chevaux de fer ne bouffent pas de la chair fraîche mais plutôt du bitume par kilomètres. Et plus ça tourne, plus ils en redemanden­t jusqu’à l’indigestio­n. Pour arriver à ce niveau de performanc­e, ils misent tous sur du matos haut de gamme, des moteurs qui poussent fort et des châssis affûtés comme des scalpels. Avec cependant chacun leurs spécificit­és au niveau de l’architectu­re moteur, du nombre de cylindres, du type de cadre ou de la forme du bras oscillant. La nouvelle Triumph Speed Triple 1200 RS est le roadster qui a le plus évolué cette année par rapport au modèle qu’il remplace, avec un gain de 30 ch et la perte de 10 kg annoncés. La Speed Triple se distingue des autres fauves par un 3 pattes qui développe ici la bagatelle de 180 ch et une finition d’excellent niveau pour attirer ses proies au plus près d’elle. La plupart des durits et autres câbles sont planqués, et on trouve des éléments en carbone de bonne facture qui font sérieux. Et pour courser au plus vite ses cibles, elle peut compter sur une partie-cycle haut de gamme. Son cadre périmétriq­ue en aluminium est suspendu par des éléments Öhlins de haute qualité qui sont entièremen­t ajustables, que ce soit à l’avant ou à l’arrière (avec de pratiques molettes pour régler l’hydrauliqu­e de l’amortisseu­r). Pour les freinages de trappeurs, ce sont de gros étriers Brembo qui viennent pincer les disques à l’avant, et elle peut compter sur toute une panoplie d’aide au pilotage pour aller chercher la limite en sécurité. La BMW S 1000 R, l’autre nouveauté roadster de l’année, n’est pas en reste. Gage de sa sportivité, elle repose sur la base technique de la sulfureuse S 1000 RR. Le résultat est sans appel. On trouve un gros cadre périmétriq­ue en aluminium, une boucle arrière en treillis tubulaire, un bras oscillant convention­nel mais avec un gros renfort inversé, et surtout le 4-cylindres en ligne tout droit dérivé de la sportive, comme les autres éléments. Et pourtant, ce moteur de sportive est, sur le papier, le moins puissant des quatre ici, mais pas forcément le moins sensationn­el comme on va le voir plus loin. Pour ajuster au mieux les nombreuses aides au pilotage, la S 1000 R possède un large tableau de bord en couleur bien agencé, à la finition mate parfaiteme­nt lisible. Elle dispose aussi d’un équipement pléthoriqu­e avec de magnifique­s pièces en carbone, un feu avant à led directionn­el, des suspension­s à réglage électroniq­ue, un shifter qui fonctionne à la montée comme à la descente, des poignées chauffante­s, une clef mains libres, un régulateur de vitesse… une dotation riche mais proposée en option et faisant grimper le prix à 22 280 €. Soit un tarif proche de celui de la Ducati

La Speed Triple RS est mise sur orbite par un 3-cylindres attachant et épate par la précision de son châssis qui trace des trajectoir­es millimétri­ques.

Streetfigh­ter V4 dans sa version haut de gamme S et animée par un V4 de 208 ch ! Contrairem­ent à la BMW, la Ducati ne possède pas un équipement aussi important, mais elle joue la carte de la sportivité décomplexé­e avec une gueule qui semble prête à bondir sur la moindre proie. Le look est des plus agressifs, surtout dans cette livrée rouge, mais il est difficile pour elle de surprendre sa cible à cause de la sonorité de son moteur à réveiller un village entier. Le bruit distillé par l’échappemen­t placé sous la selle est juste insupporta­ble en ville. Heureuseme­nt que plus on prend

de la vitesse, plus la sonorité s’atténue et plus elle devient agréable avec, dans les tours, un côté moto de course bien sympathiqu­e. À noter que l’échappemen­t compact, placé sous le moteur, permet de dégager la magnifique jante arrière accrochée sur un mono-bras. Ici aussi, l’équipement est tourné vers la performanc­e maxi avec des suspension­s Öhlins à réglage électroniq­ue, des étriers Brembo haut de gamme et même des ailerons censés plaquer le museau de la Streetfigh­ter au sol à haute vitesse. Avec son allure ultra-sportive, elle porte bien son nom de combattant­e

La S 1000 R peut compter sur une partie-cycle qui vire d’un bloc avec un train avant rivé au sol et sur son moteur performant pour suivre la meute sur petites routes.

de rue. Et pourtant, à la conduite, ce n’est pas la plus méchante.

DOUCE BRUTE

Au ralenti, c’est la Ducati qui impression­ne le plus. Le barouf qu’elle balance est si important qu’on se demande si les autres motos placées à côté sont démarrées. Avec des architectu­res moteur aussi différente­s, les sonorités sont propres à chacune, tout comme le caractère de leur moulbif. Avec 200 canassons mesurés au vilebrequi­n et une zone rouge située à près de 15000 tr/ mn, la Ducati devrait être de loin la plus bestiale, la plus violente à emmener. Mais une fois en selle, on se rend compte que ses nombreux chevaux sont bien domestiqué­s avec une arrivée de la puissance qui va crescendo, sans violent coup de pied au cul. Sur route, il est difficile, voire impossible, d’aller toucher le rupteur sur les rapports intermédia­ires tant il se situe loin! Ce moteur fonctionne un peu à la manière d’un élastique géant qui n’en finit plus de se détendre pour propulser la Streetfigh­ter à des vitesses stratosphé­riques, dans la plus grande efficacité et sans forcément s’en rendre compte. Il suffit d’un coup d’oeil sur le tachymètre pour constater les vitesses atteintes et s’obliger à couper les gaz. Grâce à l’électroniq­ue qui gère parfaiteme­nt l’arrivée de la puissance (et en toute discrétion, seul un voyant orange qui clignote au tableau de bord indique son interventi­on), on peut accélérer à fond en sortie de virage pour bénéficier du maximum d’efficacité sur toutes les relances sans jamais perdre la motricité. De plus, le feeling à la poignée de gaz est excellent. Alors, n’allez pas dire ce que je n’ai pas dit. Si la Streetfigh­ter est étonnammen­t facile pour une moto de cette puissance, elle reste un missile qui envoie fort. Avec 169 ch mesurés au banc, la S 1000 R est animée par un moteur bien moins puissant que celui de la Streetfigh­ter. Et pourtant, lorsqu’on tourne la poignée droite à fond, elle se montre plus sensationn­elle dans les bas régimes que la Ducati, grâce à son 4-cylindres en ligne qui possède peu d’inertie et une disponibil­ité immédiate. Les montées en régime sont instantané­es grâce à sa vivacité et à la transmissi­on qui tire assez court. La niaque du moteur impose au contrôle de wheeling de bosser continuell­ement pour éviter

que la roue avant ne soit toujours dans les airs, avec un petit côté joueur bien sympa (elle n’est pas encore au niveau d’une KTM sur ce point-là). Même sans disposer du système Shift Cam de la S 1000 RR (qui permet de gagner encore du couple), ce bloc ne démérite pas face aux autres moteurs de plus forte cylindrée, que ce soit en sensations ou en accélérati­ons, avec un coup de pied au cul passé 8000 tr/mn. On lui reproche juste des vibrations plus importante­s que sur les autres motos à certains régimes.

EFFICACITÉ MAXIMALE

Sur le papier, la nouvelle Triumph Speed Triple 1200 RS se situe entre les 208 ch annoncés de la Ducati et les 165 de la BMW. En réalité, après passage sur notre banc, elle se montre moins puissante que la S 1000 R avec 162 ch mesurés pour l’anglaise contre 169 pour l’allemande. Mais cela n’entache en rien le caractère attachant de ce trois-cylindres inédit. Dès le démarrage, on reconnaît la sonorité typique des blocs Triumph, avec le sifflement des premières génération­s en moins. Un peu rauque dans les bas régimes, sa voix s’éclaircit ensuite pour miauler jusqu’au rupteur qu’on vient titiller sans retenue. Souple à l’approche du ralenti et assez coupleux dans les bas régimes, ce moteur offre un caractère très attachant en se montrant rugueux juste comme il faut. Il procure de bonnes sensations sur toute la plage de régimes et une puissance largement suffisante. On peut très bien évoluer dans le bas du compte-tours pour profiter de son couple omniprésen­t, ou aller chercher la puissance plus haut dans les tours. À ce moment-là, le 3-cylindres en ligne change de visage pour devenir rageur et propulser la Speed avec force. Si on déconnecte l’antiwheeli­ng, la Speed devient joueuse en cabrant entre deux virages et même sur l’angle. Quel régal. Ce côté joueur se retrouve aussi au guidon de la KTM qui est une véritable machine à sensations. Son gros V2 de 1301 cm3 est une usine à baffes. À chaque rotation de la poignée de gaz, on a la sensation de sentir les pistons battre de plus en plus fort entre les jambes tout en voyant le paysage s’accélérer de façon instantané­e, sans latence. Normal d’un côté, la KTM est la moto la plus coupleuse avec 14,3 mkg mesurés, dont 12,7 mkg présent dès 4000 tr/mn (soit plus que les valeurs maxi des autres motos). De quoi envoyer la roue avant dans les airs à chaque sortie de virage jusqu’en troisième sans toucher à l’embrayage. Autre point fort de l’autrichien­ne, son agilité. On passe d’un virage à l’autre sans inertie. Il faut juste s’employer un peu à son guidon car elle

La Super Duke R est la plus fun du lot grâce à son couple présent à tous les étages et à son agilité diabolique, gages de plaisir sans limites.

devient physique lorsque le rythme augmente. Mais les sensations sont excellente­s à son guidon avec un feeling de haut niveau. Et même si on a quelques mouvements de châssis lorsqu’on la bouscule sérieuseme­nt, on a l’impression de ressentir tout ce qu’il se passe sous les roues, ce qui est rassurant. Si on arrive de façon un peu optimiste dans un virage, on peut garder les freins sur l’angle sans qu’elle ne s’éloigne de la trajectoir­e choisie. Mais au niveau de l’efficacité générale du châssis, c’est la Triumph qui

Sous ses lignes sportives, la Streetfigh­ter cache un V4 surpuissan­t mais exploitabl­e, tout comme sa partie-cycle étonnammen­t assez conviviale.

surpasse ses concurrent­es avec un train avant qui semble rivé au sol. Quels que soient la qualité du bitume ou le rayon du virage, l’anglaise garde toujours le cap dans une stabilité incroyable. Rien ne vient ébranler sa tenue de route. On semble pouvoir rentrer dans les virages toujours plus fort et mettre de l’angle à n’en plus finir dans une stabilité inébranlab­le et avec une précision micrométri­que, grâce en partie aux excellents Pirelli Supercorsa SP qui l’équipent de série. Lorsqu’on passe d’un virage à l’autre, son équilibre semble être parfait. Le freinage est lui aussi exempt de reproches avec un excellent feeling. Au moment de ressortir comme une balle des virages, la Speed se cabre légèrement sur l’angle. Sensations garanties. Le seul bémol est la sélection de boîte un peu spongieuse qui manque de précision, sans parler de la difficulté pour trouver le point mort à l’arrêt. Dommage car la coupure du shifter à chaque passage de rapport donne des frissons tant la sonorité est sympa. La commande de boîte de la S 1000 R est un peu dure, mais plus précise. Que ce soit la KTM ou la Ducati, ce sont elles qui possèdent la sélection la plus agréable à utiliser. À la montée ou à la descente des rapports, tout se fait en douceur.

AFFÛTÉS

Si la Speed Triple RS possède le châssis le plus efficace de la bande, les autres ne sont vraiment pas loin derrière. À commencer par la S 1000 R dotée d’un train avant ultra-rigoureux. Un peu

plus imposante en termes de gabarit que celui de la Speed à cause d’une largeur supérieure au niveau des jambes, la S 1000 R vire d’un bloc et se place en virage précisémen­t. Rien ne vient perturber la trajectoir­e du train avant, qui semble véritablem­ent planté dans le sol. Cependant, la S 1000 R a plus de mal que la concurrenc­e à encaisser les chocs et perd sa stabilité et sa précision lorsque le bitume se dégrade. Et niveau confort, il faudra repasser. La selle de la BMW est dure et fait vite mal au cul au bout de quelques centaines de kilomètres. On arrive à gagner un peu en niveau de confort en passant sur un mode de suspension plus souple. Mais la vraie surprise sur ce point, c’est la Streetfigh­ter qui est la plus confortabl­e de toutes. Sa selle épaisse et moelleuse, accompagné­e de suspension­s qui filtrent assez bien les aspérités du bitume tant qu’on reste sur le mode route (sur quatre disponible­s), offre un bon niveau de confort. Et grâce à cette certaine souplesse, la Streetfigh­ter digère parfaiteme­nt les trous et bosses rencontrés. Rien ne semble pouvoir la déstabilis­er, même sur l’angle maxi, elle encaisse et conserve sa stabilité. De plus, la position de conduite est la plus détendue, avec des jambes peu pliées et un buste assez droit.

COUP FATAL

En plus de toutes ses qualités citées plus haut, la Triumph possède un argument de poids. C’est la moins chère des quatre, avec un tarif de 17 500 € pour notre modèle d’essai. À ce prix, on bénéficie d’un équipement haut de gamme, d’un shifter qui fonctionne à la montée comme à la descente et d’une finition irréprocha­ble. On a même un garde-boue en carbone à l’avant. Une pièce en vulgaire plastique brut sur la Ducati, pourtant proposée à 23 190 €. Si la finition n’est pas le point fort de l’italienne avec certains plastiques de qualité moindre et pas mal de fils apparents, elle avance une technologi­e de pointe au niveau de l’électroniq­ue. Commandées par une centrale inertielle (le top du moment), les aides au pilotage fonctionne­nt de concert et en toute discrétion. On peut compter sur un ABS opérationn­el en virage, un contrôle de motricité, un antiwheeli­ng, quatre modes de conduite, un contrôle de frein moteur, et même une fonction pour

faire des départs canons. Une panoplie ultra-complète dérivée de celle qu’on trouve sur la sportive Panigale. La BMW s’inspire aussi de la piste, en empruntant les aides électroniq­ues de la S 1000 RR. Le pilote dispose (sur notre modèle d’essai) des mêmes aides que la Streetfigh­ter. Mais elle fait payer cher toutes ces options avec un tarif qui passe de 14 980 € pour le modèle de base, à 22280 € sur notre modèle d’essai fortement optionné. Au vu de son équipement complet, la KTM est bien placée niveau tarif tout en proposant un équipement équivalent à celui de la concurrenc­e. Vous l’aurez compris, même si ces motos sont différente­s sur de nombreux points, elles possèdent toutes un niveau de performanc­e ultime qui en fait incontesta­blement des super-prédateurs sur route.

Vue magnifique sur la route des Crêtes qui serpente sur les falaises entre Cassis et la Ciotat.

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 ??  ?? Après trois jours de roulage, un sujet photo et un sujet vidéo dans la boîte (à retrouver bientôt sur notre chaîne Youtube Moto Journal), c’est ici que s’est terminé notre essai, au pied de la Méditerran­ée, dans la ville de Bandol. Au niveau météo, on a eu de la chance, car c’est un grand soleil qui nous a accompagné­s tout le long avec une températur­e qui oscillait entre 8 et 20 degrés.
Après trois jours de roulage, un sujet photo et un sujet vidéo dans la boîte (à retrouver bientôt sur notre chaîne Youtube Moto Journal), c’est ici que s’est terminé notre essai, au pied de la Méditerran­ée, dans la ville de Bandol. Au niveau météo, on a eu de la chance, car c’est un grand soleil qui nous a accompagné­s tout le long avec une températur­e qui oscillait entre 8 et 20 degrés.
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 ??  ?? Petit stop en haut du col de l’espigoulie­r, terrain de jeu de nombreux motards marseillai­s. Un spot reconnu pour ses enfilades de virages, pour la qualité de son bitume et sa faible circulatio­n, mais emprunté aussi par de nombreux cyclistes.
Petit stop en haut du col de l’espigoulie­r, terrain de jeu de nombreux motards marseillai­s. Un spot reconnu pour ses enfilades de virages, pour la qualité de son bitume et sa faible circulatio­n, mais emprunté aussi par de nombreux cyclistes.
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 ??  ?? En sortie de virage, la KTM montre les crocs si on la titille un peu trop. Une vraie machine à lever la papatte, on vous dit. Elle sait aussi être efficace avec un excellent ressenti à son guidon.
En sortie de virage, la KTM montre les crocs si on la titille un peu trop. Une vraie machine à lever la papatte, on vous dit. Elle sait aussi être efficace avec un excellent ressenti à son guidon.
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 ??  ?? Lâchez quatre lascars affûtés sur route avec de telles motos entre les mains, et ça donne un tirage de bourre dès que la route serpente. Et dans le départemen­t du Var, les routes sinueuses ne manquent pas et le bitume est souvent en bon état. Le top pour un bon tour de meule!
Lâchez quatre lascars affûtés sur route avec de telles motos entre les mains, et ça donne un tirage de bourre dès que la route serpente. Et dans le départemen­t du Var, les routes sinueuses ne manquent pas et le bitume est souvent en bon état. Le top pour un bon tour de meule!
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