Moto Journal

FROGGY TOUR

Du 8 au 28 mai, Éric Massiet du Biest et sa société T3 organisent le Froggy Tour. Un véritable tour de France à moto de 5 600 km, par les petites routes et les sentiers. Une des toutes premières aventures post-confinemen­t.

- Par Bertrand Thiébault

Comment est née l’idée de ce Froggy Tour ? C’est lié aux restrictio­ns de déplacemen­t des globe-trotters ?

Je voulais organiser un tour de France à moto depuis longtemps, bien avant le confinemen­t. Mais à l’origine, c’était plutôt pour faire découvrir la France à des étrangers. Je me disais que les motards français n’avaient pas besoin de moi pour voyager chez eux… En réalité, en organisant ce Froggy Tour, je m’aperçois qu’il y a beaucoup de Français qui ne connaissen­t pas ou mal leur pays… et j’en fais partie ! Je suis un peu couillon, j’ai six tours du monde à moto et je n’ai jamais fait un tour de France ! Je pensais d’ailleurs que ça avait été fait et refait des dizaines de fois par d’autres voyagistes mais, à part le Moto Tour, qui est une compétitio­n, il n’y a jamais eu un tour de France complet proposé à des motards lambda. Alors j’ai appuyé sur le bouton « go », en me disant on verra bien… Et ça a marché ! On a été assez surpris par le succès de cette formule.

Le Froggy Tour est le premier événement voyage/ aventure depuis bien longtemps. Tu y as toujours cru ou bien tu t’es demandé si ce n’était pas de la folie d’organiser un truc comme ça, en pleine période de restrictio­n de déplacemen­t, de confinemen­t et autres couvre-feu ?

Comme beaucoup de monde, on observait les “rendezvous du jeudi” du gouverneme­nt où ils disaient leur messe. Dès lors que la limitation de déplacemen­t des 10 km sautait, c’était bon pour nous. Le couvre-feu, c’était moins un problème parce qu’il suffit d’arriver pas trop tard à l’étape. Le Froggy tombait donc dans une fenêtre de tir plutôt positive. On partait le 8 mai de Tours et on a été libéré de cette contrainte de déplacemen­t le 3…

Les clients qui te suivent sur cette nouvelle aventure sont dans quel état d’esprit ? Ce sont les mêmes que sur les

grands voyages que tu organises, type traversée des Amériques, Paris-tokyo et autres ?

Il y a des fidèles, mais c’est en bonne partie une nouvelle clientèle, avec pas mal de Suisses, des Belges. Ça reste un voyage aventure, mais en France.

Et tes clients habituels, ont-ils été inquiets ?

Bien sûr, ils ont été un peu inquiets. Les grands voyages qu’ils font avec nous sont importants dans leur vie. Pour certains, c’est le voyage de leur vie. Et on n’enterre pas un rêve comme ça. On n’est pas un produit de consommati­on. Alors on a reporté d’un an et ils le comprennen­t.

À ton avis, ces frustratio­ns vont-elles déboucher sur de nouvelles envies de voyage, de nouvelles façons de voyager ?

Oui, et on le mesure déjà. Je reçois de nombreuses demandes d’informatio­ns via notre site. On sent qu’ils ont une nouvelle approche. Avant, il y avait toujours les « oui mais…, j’peux pas, problème de temps, d’argent, la famille, le travail, etc. » Tu cherches des excuses pour ne pas faire les choses. Alors qu’aujourd’hui, après tout ce qui s’est passé, les gens cherchent plutôt les raisons de faire les choses. Et ça, on, le sent très nettement.

En tant qu’organisate­ur de voyages, comment as-tu traversé cette période ?

Je suis rentré d’un voyage au Japon fin mars 2020, et j’ai vite compris que ça allait être compliqué. Mais nos clients ont été très cools, ils ont compris la situation. On a juste décalé à 2021 nos voyages prévus en 2020. Je suis plutôt de nature positive, je n’ai jamais peur. Si ça doit arriver, ça arrive, mais je suis un peu un pit-bull et ma priorité, ce sont mes clients, mes copains. T3, ce n’est pas une entreprise, c’est une plante que j’arrose depuis des décennies — j’ai créé T3 en 1996 en Australie –, que je taille, que j’embellis et ça produit des fruits. Ces fruits c’est la liberté, pour moi, mes clients, mon équipe. Mon maître, c’est Bob Marley, il disait : « S’il y a un problème, il y a une solution. S’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème ! »

Tu te souviens de ton dernier vrai grand voyage ? Ça te paraît lointain ?

Il y a une année qui est passée je ne sais où… Le dernier voyage T3, c’était France/perse en octobre/novembre l’an passé, avec 35 motos. Mentalemen­t, ça n’a pas été trop dur parce que j’ai réussi à voyager en 2020 : Philippine­s, Australie, Japon. J’ai eu ma dose, mais je ne peux pas rester un an sans bouger, on ne me surnomme pas Baluchon pour rien! C’est sûr qu’au niveau boulot, ça a été compliqué. Quand tu dois faire des voyages et que tu ne les fais pas, c’est pas simple… Notre chance, c’est que T3 est une petite agence et on n’a pas besoin de faire beaucoup de voyages dans l’année pour exister.

Prendre l’avion est devenu un acte quasi subversif dans le contexte actuel. Prendre le guidon de sa moto serait mieux perçu pour aller découvrir le monde ?

Je prépare aussi un Paris-tokyo avec T3 et j’ai calculé qu’on produira moins de carbone en y allant par la route à moto pendant un voyage de trois mois qu’en prenant l’avion. Avant de prendre l’avion, il faut se demander si c’est vraiment indispensa­ble. Si c’est pour aller voir des copains le week-end, prendre les airs, c’est un peu has-been. Prends plutôt ta moto !

Quel message tu as envie de faire passer à celui qui a une moto dans son garage, qui va bosser tous les jours avec et qui rêve peut-être de voyager ?

C’est en pensant à ces personnes-là que je prépare un petit bouquin pas cher. Une suite du « Code de la piste » que j’ai publié l’an dernier et qui s’appellera le « Code de l’aventure » : comment préparer un voyage à moto, avec pas mal de pistes de réflexion, de conseils. Le plus dur, c’est de partir. Soit tu cherches les excuses pour ne pas faire les choses, soit tu cherches les raisons pour le faire. Ta vie est faite de choix. Ces choix t’amènent sur un chemin qui construit une histoire. Soit tu as un chemin rectiligne et une histoire assez plate, soit tu tentes des choses, quitte à te planter. L’aventure, c’est s’ouvrir à l’inconnu. Il n’y a pas de petits voyages, que tu partes en Italie ou que tu ailles en Sibérie, c’est un voyage où tu sors de ta zone de confort. Et tu te rends compte que c’est comme ça que la vie est la plus belle. C’est là où tu te rapproches de l’essentiel : manger, dormir, rouler, découvrir, rencontrer, se remettre en question. Plus tu te rapproches de l’essentiel, plus tu es heureux. C’est aussi simple que ça !

« Après tout ce qui s’est passé, les gens cherchent plutôt les raisons de faire les choses »

 ??  ?? Contrairem­ent au Moto Tour, et plus encore que le Tour de France vélo, le Froggy Tour de T3 réalise un tour de France quasi parfait et complet. Un régal pour les participan­ts.
Contrairem­ent au Moto Tour, et plus encore que le Tour de France vélo, le Froggy Tour de T3 réalise un tour de France quasi parfait et complet. Un régal pour les participan­ts.
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 ??  ?? Spécialist­e de l’évasion lointaine où il emmène ses clients sur de gros trails, Eric est l’auteur de ce petit manuel à l’usage de ceux qui veulent savoir se servir correcteme­nt de leur trail.
Spécialist­e de l’évasion lointaine où il emmène ses clients sur de gros trails, Eric est l’auteur de ce petit manuel à l’usage de ceux qui veulent savoir se servir correcteme­nt de leur trail.

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