L’european Bikes
Avec la création de l’european Bikes en 2012, Thierry Capela a choisi d’organiser une compétition uniquement réservée aux motos européennes. Si l’attrait pour ces marques est indéniable dans le petit monde de la moto, c’est surtout l’ambiance de la formule que les participants saluent. Découverte.
Le soleil finit sa journée sur Magnycours. Dans la voie des stands, alors que les pointures du championnat de France Superbike enchaînent les séances photos dans leurs combines rutilantes, plusieurs concurrents de la catégorie European Bikes s’affairent à préparer la table de camping pour casser une graine dans une heure ou deux. L’ambiance est joyeuse, façon colonie de vacances. Pour le repas, chacun a apporté un solide ravitaillement avec une myriade de spécialités culinaires propres à sa région. Rapidement, autour d’un verre, les vannes fusent. Ça chambre, ça rigole. Pendant ce temps, certains décident de refaire la course et de parler un peu plus sérieusement technique et trajectoires. D’autres participent à tout ça à distance, les mains encore dans le cambouis, en attendant d’en avoir terminé avec leur séance de mécanique. D’ailleurs, quand l’opération se révèle un peu plus complexe, il n’est pas rare qu’un collègue/ concurrent, voire deux, arrivent spontanément pour filer un coup de main. Ici, le sport existe, bien entendu, la performance aussi, évidemment, mais l’entraide reste toujours en toile de fond. Julien Brun, ancien pilote en championnat de France d’endurance, connaît cette ambiance et cette série sur le bout des doigts pour y avoir disputé les six dernières saisons. Il résume l’esprit en deux phrases : « Ça arrive qu’on se chiffonne en piste mais il n’y a jamais d’animosité. Il y a surtout énormément de camaraderie ! » Frédéric Rudelle est sur la même longueur d’onde. Tailleur de pierre dans le civil, cet Agenais à l’accent rocailleux du Sud-ouest est avant tout là pour passer de bons moments après sa semaine de boulot. Dans la Nièvre, après avoir pris connaissance de sa position sur la grille de départ à l’issue de la première séance qualif’, il a tranquillement filé sous sa guitoune et s’est allongé sur sa chaise longue, les doigts de pied en éventail. Il a parlé de tout et de rien avec son entourage et avec Alain Mugnier, un de ses concurrents. On ose l’interrompre pour qu’il nous donne son avis sur la formule et la convivialité qui y règne. « Ce que je
trouve bien ici, c’est que ce n’est pas l’esprit de compétition à tout prix. Il y a également de la solidarité entre les concurrents. Et puis on a aussi la chance de se produire en même temps que le Superbike; donc quand on ne roule pas, on peut aller les voir en piste. On passe un bon week-end, tout simplement! »
LA COMPÉTITION MOTO POUR TOUS
La solidarité dont parle Rudelle peut parfois aller jusqu’à des niveaux insoupçonnables. Il y a deux ans, Thierry Mulot avait carrément été jusqu’à prêter sa seconde Ducati Panigale V4 à Axel Aynié, qui jouait alors la deuxième place du championnat face à Jonathan Germany. Thierry Capela, le créateur et organisateur
Quand on ne roule pas, on peut aller voir les superbikes en piste. On passe un bon week-end, tout simplement !
de l’european Bikes, adore raconter ces petites anecdotes. D’autant plus qu’elles correspondent parfaitement à ce qu’il voulait mettre en place quand il a commencé l’aventure. Il souhaitait par exemple avoir une véritable variété des profils de ses pilotes, calée grosso modo sur le modèle des gentlemen driver en auto. Alexandre Leleu apprécie justement cette disparité entre les concurrents, allant de l’ancien pilote qui veut continuer à user ses cuirs encore quelques années jusqu’au petit jeune dont l’ambition est de prendre l’european Bikes comme un tremplin avant d’aller tenter sa chance en Superbike. Sans oublier l’amateur éclairé qui vient ici pour chercher quelques résultats sans se prendre la tête, tout en faisant le plein de sensations. Courtier en prêt immobilier du côté de Toulouse, Alexandre Leleu, qui bénéficie du soutien technique de Tecmas, une structure qui évoluait auparavant en Grand Prix, résume la philosophie de l’european : « On est là pour se faire plaisir. Il ne faut pas se leurrer, on sait tous que personne ici ne deviendra pilote en Motogp. Du coup, on relativise beaucoup de choses et on se concentre sur notre amusement ! » Même si le niveau est forcément différent entre les premiers et les derniers, la force de l’european Bikes est que chacun, à de rares exceptions près, parvienne à trouver un adversaire avec qui se tirer la bourre en course. Capela, qui a roulé pendant des années en endurance, se frotte les mains de l’équilibre que sa série a trouvé. « Nos pilotes ont de 18 à 63 ans. Le spectre est donc large. Et puis, dans le paddock,
on vit de bons moments. Moi, tu ne peux même pas imaginer comment je suis content quand je vois un gamin qui parle avec un ancien, ou quand les anciens se racontent leurs histoires de vieux combattants entre eux. C’est un joli mélange. Et comme je voulais que cette formule soit conviviale, je ne peux qu’être content de la tournure des événements. »
L’AURA DES MACHINES EUROPÉENNES
Chaque année, les places de sa grille partent comme des petits pains. Il faut dire que Capela met les petits plats dans les grands en choyant ses pilotes du mieux possible. Sur chaque circuit, le maître d’oeuvre installe une imposante hospitality. Véritable point de ralliement, elle permet d’analyser dans de confortables fauteuils les résultats des différentes séances d’essais et des courses. À l’intérieur du camion, un kiné est dédié aux pilotes de la série, histoire d’enlever quelques noeuds le soir, après une bonne journée de bastons. Capela est aussi très paternaliste avec ses ouailles. Ancien compagnon de route de Sébastien Charpentier à l’époque de la CB 500 Cup, Laurent Beguelin, qui a aussi roulé en endurance, notamment dans le Junior Team de Damien Saulnier ou avec National Motos, confirme : « Il est toujours là pour nous, que ce soit au niveau technique ou quand tu as un peu de mal quand ton week-end ne se passe pas comme prévu. Il est vraiment à l’écoute. » Enfin, la réussite de la formule peut aussi s’expliquer par l’attrait et l’aura exercés par les motos européennes. « Quand j’ai mis sur pied l’european Bikes, à partir de 2012, le marché de la sportive européenne se développait. Il y avait Guzzi, BMW qui était là avec la S 1000 RR, Aprilia, avec la RSV4, et bien entendu Ducati, explique Capela. Surtout, en organisant cette formule avec uniquement ce type de machines, je me démarquais car j’avais remarqué que cela n’existait tout simplement pas. Et puis, ces motos, ce sont des objets de plaisir et de passion ! » Aujourd’hui, aucune marque n’est réellement dominante. Mais plus que les machines, c’est surtout la formule en elle-même qui est plébiscitée par ses protagonistes, notamment son ambiance familiale et conviviale, sans prise de tête. Du reste, on vous laisse, le p’tit gueuleton qui était en préparation dans la voie des stands vient de démarrer...
Les pilotes peuvent compter sur l’expérience et le côté paternaliste de Thierry Capela, le promoteur de la formule !