Moto Journal

Savoir se mouiller

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Déjà quand t’es motard, sortir sous la pluie par grand vent, tu y vas plutôt à reculons. Disons qu’avant d’avoir “senti” la chaussée et préjugé de sa potentiell­e adhérence, on serre les fesses un moment. Quant aux rafales fourbes, rien à inventer, être aux aguets. Alors, sur une Motogp qui ne pèse que 157 kg (donc plus sensible au vent), bardée d’ailerons aérodynami­ques dont on pourrait craindre que sous grosses rafales de travers, ils induisent l’effet inverse de celui prévu, faut de la déterminat­ion et de l’adresse ! Je me souviens de l’américain Mamola, à l’arrêt sur le mouillé lorsqu’il débarqua en Europe. Puis patiemment il apprit et, au final, il était le favori du plateau 500 chaque fois qu’il pleuvait dru. Christian Sarron aussi était très fort, normal avec son pilotage très fluide. Pilotage coulé qui est aussi la caractéris­tique de Quartararo, donc aucune raison qu’il ne devienne pas un cador sous la pluie, et cette course mancelle constituer­a peut-être pour lui un déclic. Un sujet de débat récurrent chez les motards est de chercher à savoir si les 500 2-temps n’étaient pas plus difficiles à piloter que les Motogp d’aujourd’hui qui, bien que nettement plus puissantes, bénéficien­t de nombreuses assistance­s au pilotage par l’électroniq­ue. Aide au départ, antipatina­ge, antiwheeli­ng, contrôle de motricité, mais en plus le choix de changer de mapping (programme d’assistance électroniq­ue) en course selon les circonstan­ces. Face à elles, les 500 n’avaient strictemen­t aucune aide au pilotage. Et sur le mouillé, ça change carrément tout. Sur une 500 2-temps, l’arrivée de puissance était beaucoup plus violente, d’où un gros risque de décrochage soudain du pneu arrière en sortie de virage, ou d’aquaplanin­g non contrôlé entraînant patinage, même en ligne droite. Alain Chevallier avait constaté sur son banc d’essai qu’un tiers de la puissance du moteur Honda 500 RS 3-cylindres arrivait sur une rotation de 1/10e de la poignée de gaz ! Doigts de fée exigés et feeling recommandé en sortie de virage sous les trombes... Qui plus est, les pneus ont énormément progressé en vingt ans, de même que les suspension­s et la maîtrise de la variation du centre de gravité quand le réservoir se vide. De plus, les disques de freins en carbone sont plus progressif­s que les éléments en acier de l’époque, donc moins piégeux à l’attaque du freinage qui représente le plus gros risque de blocage. Oui, là, les vieux ont peut-être bien raison : piloter une 500 sur l’eau était un exercice encore plus délicat qu’avec une Motogp actuelle. Ce qui n’enlève rien à la bravoure des pilotes d'aujourd’hui, il n’y a qu’à comptabili­ser le nombre de chutes lors de ce GP de France ! Bruno Gillet, ex-reporter MJ en Grand Prix

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