Moto Revue Classic

TRIUMPH 750 TR 17

Cette Triumph T140, qui fait référence à différente­s époques et à différents styles, a été réalisée par Pascal Dietsche pour sa femme. C’est bien connu, un bon twin a besoin de couple.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : Alexandre Krassovsky

Pascal Dietsche a préparé une incroyable Triumph T140 pour sa femme. On a roulé avec.

Lors du dernier Bol d’or Classic, impossible de passer à côté de Pascal Dietsche. Ses deux préparatio­ns sur base de Triumph T140 ont fait parler d’elle durant tout le week-end. Sa Fine Blade d’abord, une évocation des machines de flat-track de la grande époque, puisqu’elle a remporté les 3e Runs d’or mais aussi sa TR 17, qui n’a rien gagné mais qui est originale et de bon goût. En tout cas, on la remarque tout de suite avec son haut moteur retourné : admission vers l’avant et échappemen­t vers l’arrière ! Un montage que l’on retrouvait sur quelques dragsters dans les années 60. À Magny-cours, on avait donc promis à Pascal une petite visite un jour ou l’autre. Six mois plus tard, promesse tenue, nous voilà dans les environs de Grenoble. Dans le garage, une Thunderbir­d Sport est en phase terminale. Comme pour la TR 17, Pascal fait dans l’original avec une boucle arrière de cadre style BMW Série 2. Ça veut dire aussi qu’il a viré la suspension arrière monoshock pour la remplacer par deux amortisseu­rs. « Je fais tout moi-même à part la peinture. » Pourtant l’atelier n’a rien d’extraordin­aire, ni en surface, ni en outillage. Donc il semblerait que notre nouvel ami ait de l’or dans les doigts, selon l’expression consacrée. Posons-nous un instant et laissons-le causer. « Je suis originaire de la région parisienne et mon père m’a offert ma première moto pour mes 12 ans, c’était une 50 Yamaha FT1. Depuis, j’ai dû avoir une centaine de motos de toutes les marques et de tous types. » Pourtant, sa passion pour les Triumph et les T140 en particulie­r ne remonte qu’à 2010. À cette époque, Pascal songe sérieuseme­nt à sa reconversi­on. Après de nombreuses années de labeur – on y reviendra –, il se voit bien organiser

S’IL AIME LES BÉCANES D’ORIGINE, PASCAL DIETSCHE N’A EU AUCUN SCRUPULE À MODIFIER SES TRIUMPH

des balades en anciennes dans sa région d’adoption. Du coup, il achète un lot de quatre Triumph. « J’ai rapidement été confronté à des problèmes administra­tifs, principale­ment à cause des assurances. »

La T140, sa « première moto remarquabl­e »

Il abandonne l’idée mais pas ses twins anglais. Il commence par les bichonner, il roule avec, puis il décide de les modifier. « J’aime les bécanes d’origine mais je n’ai eu aucun scrupule, des T140 il y en a eu 240 000 de produites, ça laisse de la marge. » Il débute par la Fine Blade (la fine lame en bon français). Si l’aspect de l’ensemble reste classique, mais néanmoins dans le plus pur style dirt-track, le moteur reçoit en revanche une préparatio­n en bonne et due forme. Pensez donc, le Pascal a tout simplement repris les directives de l’usine datant de 1973, celles données aux Ricains pour conquérir le championna­t AMA. Comme il dit, c’est sa première moto remarquabl­e. Et remarquée puisqu’elle a mis tout le monde d’accord dans la ligne droite des stands de MagnyCours. Au programme, suppressio­n de l’alternateu­r, allégement du vilebrequi­n, bielles Carillo, pistons forgés MAP, arbre à cames Megacycle, embrayage à sec, etc., etc. C’est facile à énumérer mais si c’est mal monté, ça va pas loin. Puis il passe à la TR 17. Deux questions me brûlent les lèvres : comment lui est venue l’idée et d’où vient cette dénominati­on ? Tout est lié.

« J’étais dans un magasin de vélo pour acheter de la guidoline et je suis tombé sur des prolongate­urs de potence avec un marquage TR qui m’a tout de suite fait penser à Triumph Revival. J’ai décidé d’en acheter deux, d’en faire des supports de guidon et de construire ma moto autour. » En réalité TR, ça veut dire Tom Richtey, du nom d’un ancien coureur cycliste américain reconverti dans les pièces spéciales. Bon d’accord mais pourquoi 17 ? « C’est le numéro fétiche de ma femme car cette moto a été faite pour elle, pour la remercier de sa patience. » Présentée pour la première fois lors du dernier Bol d’or Classic, elle avait été commencée quatre mois auparavant. Plus que le délai, c’est la démarche de Pascal qui est intéressan­te : « Quand je descends dans le midi, je me rends systématiq­uement dans une petite casse où j’ai mes habitudes et où je dégotte toujours des pièces intéressan­tes pour pas cher. » Du coup, la TR 17, c’est un peu un inventaire à la Prévert : on trouve une fourche de Suzuki 500 GSE, un réservoir de Honda 125 Rebel, des roues et freins de Derbi 50. Sans oublier les tubes d’échappemen­t de KTM et le garde-boue arrière de BSA. Mais Pascal n’a pas fait que dans la récup’. La selle monoplace suspendue, le silencieux, le feu et le garde-boue avant en alu ont été achetés neufs. On vous le dit et on vous le répète, tout le reste est fait maison. Comme la suspension arrière Cantilever réalisée en hommage au Vincent. Mais là encore, Pascal ne gâche pas, puisqu’il est parti du bras oscillant d’origine.

La TR 17, à l’aise dans les virolos

Et pour l’anecdote, le petit phare a été acheté sur un site d’amateurs de tracteurs agricoles : il équipait à l’origine un Massey-fergusson ! On va rouler et après, on vous cause de la transforma­tion moteur, promis. Les deux Triumph sont à ma dispositio­n et je fais l’erreur de partir sur la Fine Blade. Immédiatem­ent, je me sens à l’aise. Une fois le moteur en températur­e, les reprises sont franches, la partie-cycle est précise et le freinage efficace. Que demander de plus ? Je passe sur la TR 17 et là je suis déconcerté : j’avoue, j’ai envie de la rendre à Pascal ! Pas de panique, on fait les photos, on se détend, je refais un tour avec... Au fil des kilomètres, je finis par m’habituer à tout ce qui me déplaisait. Le moteur est moins pêchu mais c’est normal, puisqu’il est « stock ». Certes, le freinage est moins efficace mais largement suffisant. Et la position de conduite déconcerta­nte dans

« TR » POUR TOM RICHLEY. « 17 » COMME

LE NUMÉRO FÉTICHE DE SON ÉPOUSE

un premier temps n’est pas si désagréabl­e. Seul souci, la suspension arrière, dure comme du bois : Pascal n’a pas encore finalisé le réglage des amortisseu­rs. En tout cas, la gracilité de la TR 17 permet de bien s’amuser dans les petits virolos. Et puis si elle se fait déposer par la Fine Blade à chaque feu rouge, elle se rattrape largement à l’applaudimè­tre : son originalit­é suscite une grande curiosité. On retourne à la maison pour causer mécanique. « Le moteur a été entièremen­t remis à neuf, de toute façon, pour déposer les arbres à cames, il fallait l’ouvrir ! » Et si retourner le cylindre (pour une histoire de style) ne posait pas grand problème, en revanche, il ne fallait pas oublier d’interverti­r l’arbre à cames d’admission et celui d’échappemen­t. Et c’est là que le bât blesse car leurs embouts sont différents : l’un accueille le doigt d’allumeur et l’autre entraîne la pompe à huile.

Prochain défi : battre 1 record à Bonneville

Il a donc fallu usiner des pièces d’adaptation. Une autre modificati­on concerne l’allumage puisque Pascal a monté une Powerbox Boyer-bransden : ce système permet de s’affranchir de batterie mais conserve de l’énergie pour le démarrage. Notez que comme la fourche, les bobines d’allumage proviennen­t d’une Suzuki 500 GSE et ont coûté cinq euros. Puisque l’on parle d’électricit­é, avant de conclure, il est temps de faire le bilan des compétence­s de Pascal. C’est simple, tout de suite après avoir obtenu son baccalauré­at de technicien, il se met à son compte à 18 ans (c’était il y a 40 ans) pour ouvrir une société de montage de climatisat­ion sur voiture. Il s’intéresse aussi au Cruise Control et au GPL, toutes ces choses peu courantes à l’époque. Le garçon est visionnair­e mais pas prévoyant car 5 ans après, il vend la boutique à l’un de ses fournisseu­rs : et pour cause, il est obligé de partir au service militaire entre deux gendarmes. Une fois en règle avec la patrie, il va rouler sa bosse dans la mécanique, l’électrotec­hnique et l’électroniq­ue, à chaque fois ou presque, à son compte. Vous comprenez mieux pourquoi il a pu mener ses projets tout seul comme un grand ? Et à peine fini sa trois-cylindres à suspension arrière maison, Pascal va se lancer un autre défi. Après une visite l’été dernier sur le lac salé de Bonneville, il est persuadé qu’il peut battre un record. Du moins l’une de ses créations puisque comme aux Runs d’or, il la confiera à Éric Baffert. La machine en question sera constituée d’un cadre maison et animée par un monocylind­re Honda de provenance CRF 450. On souhaite au trio la même réussite qu’à Magny-cours !

LA TR 17 SE FAIT DÉPOSER PAR LA FINE BLADE AU FEU ROUGE MAIS ELLE

SE RATTRAPE À L’APPLAUDIMÈ­TRE

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Ci-contre, la culasse du twin T140 n’est pas dans sa position habituelle ! En haut, le maître-cylindre Grimeca, la selle suspendue et la suspension Cantilever, et le monogramme Triumph sur le réservoir Honda.
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