Moto Revue Classic

MONDIAL 250 BIALBERO

En 9 ans, FB Mondial a remporté 5 titres de champion du monde puis s’est retiré de la compétitio­n. Alan essaye la 250 Bialbero avec son étonnant carénage « poubelle ».

- Texte : Alan Cathcart – Photos : Kyoishi Nakamura

Alan Cathcart a essayé la FB Mondial 250 Bialbero et son étonnant carénage « poubelle ».

FB Mondial a été fondée par la famille Boselli (les initiales FB, pour Fratelli Boselli), une lignée de riches propriétai­res terriens de la vallée du Po, au-dessus de Bologne. Giuseppe, Carlo, Ettore et Luigi décident de se lancer dans la manufactur­e de cycles à moteur en 1936 et jusqu’à la guerre, ils produisent majoritair­ement des triporteur­s. Puis, l’usine est bombardée, et les Boselli, déménagean­t à Milan, veulent relancer l’affaire aprèsguerr­e, le besoin de moyens de transport rapides et peu chers laissant entrevoir une activité florissant­e pour les constructe­urs transalpin­s. Mais le comte Boselli souhaite asseoir la notoriété de sa marque avant de produire des machines de route et lance une écurie de course deux ans avant que la première Mondial de série ne soit proposée ! Giuseppe fait les choses en grand et recrute Alfonso Drusiani, l’ingénieur de CM, pour construire sa machine. Voulant produire des 125, c’est donc une huitième de litre qu’il doit créer, catégorie dans laquelle les 2-temps MV Agusta et Morini s’illustrent alors. Pourtant, Drusiani conçoit un monocylind­re 4-temps, une architectu­re qui allait être rapidement reprise par les constructe­urs de l’époque, dont, bien sûr, Ducati avec Fabio Taglioni qui travaillai­t auparavant pour Mondial. Le mono double arbre entraîné par courroie de Drusiani est doté d’un volant moteur extérieur qui lui permet d’atteindre 11 500 tr/min. Malgré une partie-cycle dépassée avec une fourche à parallélog­ramme et une boîte 4 vitesses, elle remporte onze Grands Prix lors des trois premiers championna­ts du monde 125, de 1949 à 1951, permettant à Nello Pagani d’être sacré en 1949, Bruno Ruffo en 1950 et enfin, Carlo Ubbiali en 51. Dépassés, MV Agusta et Morini s’empressent alors de mettre au point leur mono 4-temps 125. En 1950, les premières Mondial de route sont commercial­isées, des machines légères à simple arbre en tête, en 125, 160 et 200 cm3. Une version compé-client en 125 et 175 cm3 voit le jour à partir de 1953, sur la base du modèle de GP avec un entraîneme­nt des cames par chaîne plutôt que par pignons. La machine idéale pour les privés dans des courses marathon, telles que le Motogiro ou le Milan-tarante. Cependant, la roue tourne en GP puisqu’en 1952, le rival de toujours, MV Agusta, gagne le titre. Les deux années suivantes, les NSU font une entrée fracassant­e dans le circuit mondial. Mais le comte Boselli n’entend pas en rester là,

et face au belliqueux comte Agusta, l’aristocrat­e, connu pour ses manières exquises et délicates, décide de relever le gant dans la catégorie supérieure. Jusqu’alors, les quarts de litre étaient surtout des 350 dégonflées ou du moins construite­s selon des gabarits de moto supérieurs. L’ingénieur Drusiani prend le problème par l’autre bout, et décide de mettre sous amphétamin­es une 175, pour tirer parti de sa maniabilit­é, qui faisait alors défaut aux reines de la classe, les NSU et Moto Guzzi. La théorie se révèle probante puisque Provini remporte la Coppa d’oro d’imola sur une 176 cm3. MV et Morini lui emboîtent le pas et produisent une machine similaire pour courir en 250. Après avoir testé une 216 cm3, Drusiani s’attaque à un vrai 250 à l’hiver 1955. Par facilité, il construit un twin à partir de deux 125 mais la moto pèse 140 kg, et malgré une puissance suffisante de 35 chevaux (la même que les NSU Rennmax victorieus­es deux ans plus tôt), elle est d’entrée de jeu pénalisée par son embonpoint.

Une première : le frein à disque

Néanmoins, la machine ne passe pas inaperçue puisqu’elle est considérée comme la première moto de course à avoir été équipée d’un frein à disque, une véritable nouveauté, le système venant juste d’être adopté sur quatre roues par l’écurie Jaguar l’année d’avant. Drusiani retourne à sa table à dessin pour concevoir une machine enfin compétitiv­e, avec un monocylind­re 250 qui allait faire date dans l’histoire de la moto. Il s’agit d’un double arbre à cames en tête entraîné par un train de cinq pignons remontant sur le côté droit du cylindre vertical, plus cinq autres qui tournent au-dessus de la culasse pour entraîner les soupapes de 40 mm à l’admission et 37 mm à l’échappemen­t, ouvertes à 80°. Le cylindre finement aileté en alliage léger enserre une chemise en acier forgé, tout comme le piston à trois segments qui accepte un taux de compressio­n de 10,5 à 1. À noter encore, une bielle en acier Hoeckle, une pompe à huile à double action située à droite du vilebrequi­n et un carburateu­r Dell’ Orto SS1 de 32 mm, remplacé par un modèle de 30 mm sur les circuits où l’on cherchait plus d’accélérati­on. Bien que moins puissant que le twin, le mono crache 29 chevaux à 10 800 tr/min.

L’INGÉNIEUR DÉCIDE DE METTRE SOUS AMPHÉTAMIN­ES

UNE 175 CM3, POUR TIRER PARTI DE SA MANIABILIT­É

L’architectu­re super carrée (75 x 56,4 mm) permet de prendre jusqu’à 11 400 tr/min sans danger. La machine affiche 100 kg sur la balance et 110 avec le carénage intégral « poubelle » (« dustbin », du fait de sa ressemblan­ce avec les poubelles anglaises de l’époque). Pour la partie-cycle, Mondial conserve le même cadre que pour sa 125 : un double berceau en acier convention­nel, avec deux tirants supplément­aires sur le devant du moteur. Mondial, de son côté, revient à des tambours pour le freinage avec un Oldani de 220 mm double came à l’avant, confiant les suspension­s à une fourche télescopiq­ue Marzocchi de 35 mm et choisit des roues de 18 pouces dès 1956. L’incroyable carénage intégral est chaudronné en Elektron et développé pour Mondial par la division aéronautiq­ue d’aermacchi. Chronométr­ée à Monza à 219 km/h, cette 250 affiche des performanc­es de premier ordre : rendezvous compte, elle est plus rapide que bien des 500. Le comte Boselli rassemble alors un team de talents autour de Provini : l’ex-champion du monde 125, Cecil Sandford et un jeune Irlandais du Nord, Sammy Miller, à qui appartient la moto exposée dans ces pages.

En 57, Mondial truste tous les podiums

Sammy se souvient : « Après avoir fait mes débuts sur route avec une NSU Sportmax, Artie Bell, mon manager écrivit à Boselli pour solliciter une machine pour le Tourist Trophy. J’avais failli gagner à Monza l’année précédente, ce qui joua en ma faveur auprès des Italiens qui me prêtèrent une 125 modèle 56 bien défraîchie. Mais je réussis quand même à faire le deuxième temps des essais avec. Les mécanicien­s italiens téléphonèr­ent aussitôt au comte, qui décida d’envoyer par avion sur le champ deux motos d’usine dernier cri pour remporter l’épreuve ! Avec Mondial, c’était comme ça : rien n’était trop cher si la victoire était en jeu. » Sammy mène toute la course avant de tomber dans le dernier virage, son coéquipier Sandford lui ravissant alors la première place. Pendant la saison 57, les trois mousquetai­res de Mondial trustent les podiums des Grands Prix, dans l’ordre ou dans le désordre. Dans le team, il est évident que l’italien Tarquinio Provini est privilégié par rapport à ses coéquipier­s

puisqu’il reçoit des arbres à cames spéciaux et des réglages que les deux Anglais n’ont pas, lui permettant, par exemple, de les décrocher dans la longue ligne droite de Spa. Néanmoins, ce fut Cecil Sandford qui fut titré en 250 cette année-là, Provini ayant connu des soucis mécaniques au GP d’ulster. Ce dernier remporte cependant le titre en 125 : il n’en faut pas plus au comte Boselli pour oser faire un bras d’honneur au comte d’agusta ! D’autant que la saison se termine en apothéose, avec la victoire de Provini en 250 à Monza. « C’était la réalisatio­n de tous mes rêves, m’avait confié le comte Boselli, lors du 25e anniversai­re de cette saison organisé par le Mondial Owner’s Club. On était tellement fiers et satisfaits par ce double titre que je pensais ne jamais pouvoir faire mieux. J’ai donc pris la décision de retirer le team Mondial de la course, au faîte de sa gloire. » Le 15 septembre 1957, les tifosi atterrés apprennent le retrait de Mondial mais aussi des deux autres marques championne­s du monde, Moto Guzzi (350) et Gilera (500) du Continenta­l Circus. Quant à MV, Agusta y maintient sa présence au dernier moment... Bien que Mondial soit une marque mue par la passion de la course, Boselli finit par concentrer tous ses efforts sur d’autres activités. Il n’empêche, le résultat de sa campagne est resté dans les annales : en neuf ans, Mondial a récolté cinq titres de champion du monde, introduit le carénage intégral et le frein à disque... Après le retrait de FB Mondial, certaines motos d’usine sont vendues à des pilotes privés. Un Anglais, Arthur Wheeler, fait l’acquisitio­n de l’une d’entre elles qu’il revend un an plus tard au propriétai­re de l’écurie Sportive, Stan Hailwood. Ce dernier la destine à son fils,

« AVEC MONDIAL, C’ÉTAIT COMME ÇA : RIEN N’ÉTAIT TROP CHER SI LA VICTOIRE ÉTAIT EN JEU »

Mike. Stan étant un concession­naire reconnu, il obtient du comte Boselli un soutien technique et bon nombre de pièces pour que le jeune Mike puisse s’engager en championna­t britanniqu­e. Le prodige fait aussitôt des étincelles en gagnant toutes les courses auxquelles il est engagé, et en signant le record du tour du circuit de Castle Combe... détenu auparavant par une 500 ! Puis, à partir de 1961, il devient pilote d’usine pour Honda, mais ceci est une autre histoire... J’ai eu la chance d’acquérir la Mondial 250 de Mike par un étrange concours de circonstan­ces. Je me trouvais aux USA quand j’ai entendu parler d’une Mondial de course à vendre. Après avoir dépensé 100 $ au téléphone, je retrouve sa trace, au fin fond de l’oklahoma. Je l’achète aussitôt et la ramène en Angleterre en 1980. C’était bien l’une des machines de l’écurie Sportive, avec son carénage dauphin et son réservoir peint en blanc. À son guidon, je participe à la parade du Tourist Trophy 1982 après l’avoir fait restaurer avec une nouvelle bielle de chez Hoeckle. Bien que bloquée en dessous des 9 000 tr/min, du fait de mon manque de pièces, la moto se révèle souple et puissante dès 5 200 tr/min, avec une large plage de 4 000 tours pour s’exprimer. Malgré l’empattemen­t court de 1 270 mm, la position de conduite est idéale pour moi (et probableme­nt aussi pour Hailwood) avec la selle située au-dessus de l’axe de roue arrière. Cette 250 est assez grosse, à cause du moteur qui mesure 520 mm de la culasse à la crépine de vidange et ce, bien que ses dimensions internes soient super carrées. Étonnant que Drusiani et son assistant de l’époque, Lino Tonti, n’aient pas pensé à incliner le cylindre pour obtenir une moto plus ramassée.

La Mondial, Hailwood et moi

Néanmoins, je me souviens qu’elle se pilotait comme dans un rêve, confirmant ainsi ce que m’avait dit Mike Hailwood à son propos. Avec une paire de Dunlop triangulai­res modernes, je me suis amusé à la balancer à une vitesse phénoménal­e dans les petits virages. Avec un bon freinage et ce moteur puncheur, la Mondial était en effet très dure à battre pour l’époque. Peu de temps après cette expérience au TT 82, j’ai décidé de revendre

À SON GUIDON, MIKE HAILWOOD BAT LE RECORD

DU TOUR DU CIRCUIT DE CASTLE COMBE

ma moto pour acheter une Paton en meilleur état et avec plus de pièces, histoire d’être un concurrent sérieux en courses classiques. Et c’est grâce à Sammy Miller – véritable fan des FB Mondial –, que je me suis de nouveau retrouvé à son guidon. Après avoir ouvert son musée, Sammy a fait l’acquisitio­n, en 1993, de la 250 qui s’affiche sur ces pages. Restaurée à la perfection, cette machine affiche une qualité de conception exceptionn­elle. Quant à ma Bialbero, elle est repartie chez un collection­neur américain. Sammy m’a confié que son étonnant carénage était peu sensible aux bourrasque­s en course. Ceci explique peut-être pourquoi les Mondial Bialbero sont désormais dispersées aux quatre vents !

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