MOTOCROSS À SUGO
Quand les Japonais font du motocross à l’ancienne, ils ne négligent aucun détail. Le pilote doit être aussi beau que la moto. Action !
Quand des Japonais fans du motocross des seventies se retrouvent, chaque détail a son importance.
Là, on croise une Yamaha de 1972 parfaitement restaurée, même si elle va être traînée dans la poussière. C’est l’une des vedettes du rassemblement de motocross à l’ancienne de Sugo au Japon, une vraie pièce historique. Au pays du Soleil levant, les pilotes valent aussi le détour, ils poussent le détail très loin pour chevaucher les machines d’époque. Ils ont pillé les vieilles armoires, les anciennes boutiques et les sites internet pour coller à l’esprit de leurs machines. Ils arborent des protections de la grande époque style hockey sur glace sur ou sous des maillots années 70 personnalisés. Sans oublier les casques jet Bell, Shoei ou Arai certes très beaux, mais qui ne répondent pas forcément aux dernières homologations en vigueur.
On en voit de toutes les couleurs
La bouche est couverte par l’incontournable pare-pierre Jofa, un bout de plastique suédois qui a sauvé de nombreuses incisives. Un accessoire, lui aussi emprunté à la panoplie des hockeyeurs des seventies. Autre détail, les chaussettes qui doivent dépasser de la tige de la botte et être rabattues dessus. Marrant de voir comme les vieilles Alpinestars Victory sont encore aptes à sauvegarder les tibias des pilotes. Ça reste les plus belles même si, là encore, on fait beaucoup mieux aujourd’hui en termes de protection. Au moins, vous êtes à peu près tranquille lors des retours de kick provoqués par les allumages capricieux. Mais ça fait partie du jeu. Côté moto, on en voit de toutes les couleurs. En réalité, vous risqueriez d’être déçu car il y a peu de
LES PILOTES ARBORENT DES PROTECTIONS DE LA GRANDE ÉPOQUE STYLE HOCKEY SUR GLACE
motos des années 60 et beaucoup de pilotes se contentent de trail-bikes coursifiés. Ça va de la Yamaha AT1 de 1969, en passant par un scrambler Honda SL 90 affublé d’un réservoir de l’encore plus vieille CS 90 de 1967. En fait, ça rappelle les débuts du motocross aux États-unis, lorsque tout était possible dans la catégorie amateur : jetez un oeil sur les images du début de On any Sunday. Les gars roulaient sur n’importe quelle machine pourvu qu’elle ait deux roues et un moteur. Par la suite, les premières motos de cross japonaises étaient destinées au marché américain, alors que la vieille Europe roulait encore en Husqvarna, CZ, Maico, KTM ou Bultaco. Avec leurs débattements ridicules, ces nippones étaient plus des machines de route avec des pneus à tétines que de vraies bécanes de tout-terrain. Avec leur petit moteur deux-temps, elles avaient succédé aux grosses Triumph, BSA ou Matchless, reines des années 60. La première marque japonaise à ouvrir le feu fut Kawasaki en 1963 avec sa 125 B8M, très chic dans sa livrée bordeaux. Puis, cinq ans plus tard, la première « grosse cylindrée », la 250 F21M. Suzuki répliqua quelques mois plus tard avec sa TM 250. Curieusement, les deux géants Yamaha et Honda ont mis plus de temps à réagir puisque c’est seulement en 1972 que furent présentées les MX et Elsinore 250. Il est vrai qu’elles étaient plus abouties.
PEU DE VÉRITABLES MOTOS DES ANNÉES 60 MAIS BEAUCOUP DE TRAIL-BIKES COURSIFIÉS
Pourtant, loin d’être les meilleures à leurs débuts, ces machines ont bénéficié, au fil des ans, de toute la puissance industrielle nippone et n’ont pas tardé à monopoliser les grilles de départ dès la fin des années 70. En 1980, comme un symbole, tous les titres mondiaux étaient attribués aux marques japonaises : catégorie 500 pour Honda, 250 et 125 pour Suzuki. C’est assez logique puisque la « marque jaune » est la première à avoir tenté l’aventure des championnats européens dès 1965. Précisément lors du Grand Prix de Suède. Kazuo Kubo roulait sur le prototype RH 65 et se souvient : « La différence avec les motos européennes était importante. On était comme un bébé qui aurait dû affronter un adulte. Dans le championnat japonais, notre moto était compétitive mais en Europe, on ne pouvait pas lutter. » Pourtant, cinq ans plus tard, le championnat allait être dominé par Joël Robert et Sylvain Geboers avec une nouvelle 250 développée par le Suédois Olle Pettersson.
Les concurrents rêvent de HVA
Comme on l’a vu, les pilotes américains se laissèrent séduire rapidement puis ne tardèrent pas à faire entrer la discipline dans les stades. Quelques pilotes européens (comme le Suédois Hallman et le Belge De Coster) n’ont pas tardé à migrer vers le Nouveau Monde ayant compris que le futur de la discipline allait s’écrire de l’autre côté de l’atlantique. Puis, les fabricants européens ont été submergés par la vague nippone et se sont contentés d’animer les spéciales d’enduro. C’est cette histoire que commémore à leur manière cette poignée de japonais qui se retrouvent en plein mois d’août sur le terrain de cross de Sugo qui, au passage, jouxte le circuit de vitesse, lui aussi chargé d’histoire. Et si cette manche du Japanese Veteran MX n’accueille que des motos japonaises, ce n’est pas par nationalisme mais simplement parce que les motos européennes de la fin des années 60 et du début des années 70 sont introuvables au Japon. Pourtant, la plupart des concurrents ne rêvent que de rouler sur des HVA ou des Greeves !
AU JAPON, LES MOTOS EUROPÉENNES
DES SIXTIES SONT INTROUVABLES