Moto Revue Classic

L’INDIAN BIKE WEEK

Avec près d’un milliard et demi d’habitants, l’inde constitue pour les constructe­urs moto un nouvel Eldorado. Riche de son artisanat, la nation de la Royal Enfield ne pouvait pas échapper à la custom culture.

- Texte et photos : Michel Turco.

Avec ses 10 millions de 2-roues, l’inde s’intéresse au phénomène custom culture. Michel Turco raconte.

L’affluence n’a pas été celle que Martin da Costa espérait. Seulement dix mille visiteurs ont conflué mi-janvier sur les collines de Goa pour assister à l’india Bike Week, un festival qui, comme son nom l’indique, a été créé afin de promouvoir la culture moto qui se développe aujourd’hui en Inde. Le prix prohibitif de l’entrée a dissuadé nombre de visiteurs, et ce sont finalement les membres des Chapters Harley-davidson venus des quatre coins du pays qui ont composé l’essentiel de l’assistance. « On a tout de même fait mieux que l’an dernier pour notre première édition, positive Da Costa, l’organisate­ur de L’IBW. Il ne faut pas oublier qu’on traverse ici aussi une période de récession et que la moto n’en est qu’à ses balbutieme­nts même si, avec dix millions de machines vendues par an, l’inde est le plus grand marché de deux-roues au monde. Ici, il y a une moto pour trois habitants. Avec un milliard trois cent millions d’habitants, vous n’avez qu’à faire le compte. » Pas étonnant, dans ces conditions, que fleurissen­t aujourd’hui aux quatre coins du pays nombre d’échoppes de préparateu­rs et autres adeptes de la transforma­tion. Le plus célèbre d’entre eux se nomme Vijay Singh. Il n’est ni golfeur, ni cinéaste, comme ses deux fameux homonymes, mais néanmoins descendant d’une longue lignée de Maharadjah.

Passion, culture et créativité

Ce fils de bonne famille a eu la chance de faire de la moto dès son plus jeune âge, au guidon d’une BSA Falcon avec laquelle il labourait le terrain de cross tracé par son père. Après des études de communicat­ion au Canada, Vijay a ouvert Rajputana Customs, du côté de Jaipur, dans l’état du Rajasthan. Sa première moto, baptisée « Original Gangster », et présentée à l’auto Expo de New Delhi, en 2010, a remporté un vif succès auprès du public. Depuis, sa popularité n’a pas été pas démentie. Les créations de Rajputana Customs s’adressent bien évidemment à des passionnés fortunés. La petite équipe de Vijai Singh choisit les matières et soigne les détails, qu’il s’agisse de réaliser un bobber ou un chopper, les deux types de machines préférés de Rajputana Customs. Shail Seth travaille dans le même esprit. Fondateur de la société Bombay Custom Works, ce jeune designer réalise des motos avec de nombreuses pièces fabriquées à la main, qu’il s’agisse de former de la tôle, découper du cuir ou marteler du cuivre. Quand on l’interroge sur son travail, Shail parle de passion, de créativité et de culture, sans pour autant négliger la fonctionna­lité. Même son de cloche du côté de Rag & Bone Customs. Installés à Goa, Paul Smith et Stuart Cantellow envisagent leurs préparatio­ns au travers d’une véritable démarche artistique. « L’important, dit le premier, c’est de partir d’une idée, d’une aspiration… Et puis de la réaliser en utilisant les outils et les matières à notre dispositio­n. En Inde, tout est possible, il n’y a pas de contrainte. Nous aimerions que notre travail donne à d’autres personnes le désir de créer la moto de leur rêve. Mais attention, celle-ci ne doit pas seulement être belle à regarder, elle doit aussi donner envie de rouler. » Tushar Jaitly a, quant à lui, fait des études de design à Turin, en Italie.

« ICI, IL Y A UNE MOTO POUR TROIS HABITANTS. AVEC 1,3 MILLIARD D’HABITANTS, FAITE LE COMPTE... »

De retour à Delhi en 2012, il crée la société Tj-moto et réalise Nadia, son premier custom sur une base de Sportster HarleyDavi­dson 883 : un cadre hard tail, un réservoir façonné à la main, de gros pneus Firestone Deluxe Champion… Si l’arrivée en Inde de la marque américaine a eu valeur pour certains de révélateur et n’a cessé, depuis deux ou trois ans, de forger des ambitions dans les garages de Bombay à New Delhi, la plupart des préparateu­rs continuent à vénérer la mythique Royal Enfield qu’elle accommode à toutes les sauces. « Made like a gun, run like a bullet. » Faite comme un flingue, rapide comme une balle.

Made like a gun, run like a bullet

Tel fut le slogan de Royal Enfield lorsque le fabricant d’armes anglais lança en 1931 sa première Bullet. Utilisée par l’armée britanniqu­e, cette 350 fut importée en Inde dès 1949 avant d’être assemblée localement sous la marque d’enfield India. En 1956, la filiale indienne est devenue autonome, et quand la maison mère a mis la clé sous la porte au début des années 70, les Indiens ont racheté le nom de Royal Enfield. Jusqu’en 1992 et le remplaceme­nt du monocylind­re 350 par un 500, la Bullet n’a pratiqueme­nt pas évolué. Depuis, le monocylind­re indien s’est doté d’une boîte de vitesses à cinq rapports, d’un allumage électroniq­ue et de carters en aluminium. Sans oublier l’injection et le moteur EFI apparus en 2008. Adil Dumassia est peut-être celui qui a su le mieux mettre en valeur la mythique Bullet au travers d’une réinterpré­tation de la Norton Manx, qu’il a baptisée Transton. À la tête de TCH – Transfigur­e Custom House –, cet ancien officier de la marine marchande dirige une équipe d’une dizaine de personnes qui travaillen­t avec les moyens du bord. Installé à Dehradun, au pied de l’himalaya, Arjun Raina apporte une touche radicaleme­nt différente à la custom culture indienne. Lui, son dada, c’est le moteur deux-temps et plus particuliè­rement celui de la Yam’ 350 RD assez répandue sur le continent indien. Sous le label Moto Exotica, Arjun réalise des machines aussi singulière­s que radicales, comme ce scrambler inscrit au concours de la dernière édition de l’india Bike Week. « J’aime les moteurs sportifs avec du caractère, confesse ce garçon qui dessine ses pièces sur ordinateur avant de les tailler dans la masse, ou passe des heures à souder des pots de détente comme on n’en fait plus. Le but du jeu, c’est de fabriquer des motos différente­s qui donnent envie de s’éclater quand on tourne la poignée. » Un truc encore possible sur les routes indiennes sans risquer de perdre son permis ou de finir en prison.

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