Moto Revue Classic

DE LA BANANE AU CHAMEAU

L’histoire de MZ commence dans les années 60, voire un peu avant !

- Texte et photos : Bourdache

Si le nom MZ n’apparaît qu’au début des années 60, l’histoire de la marque est-allemande recommence après-guerre en juin 1946 lorsque l’usine DKW de Zschospau est nationalis­ée et produit des motos sous la marque IFA-DKW. Son activité va reprendre lentement dans cette Allemagne de l’est dont le niveau de vie est au plus bas. En 1950, deux 125 DKW coexistent sur le marché car DKW-AUTO Union s’est reconstitu­é en zone occidental­e. Ce sont deux versions de la RT née à Zschopau dix ans auparavant avec un bloc deux-temps de 5 ch et 3 vitesses. Introduite d’abord en 1955 par les Ets Disco (Paris 8e), une autre IFA, la 350 BK (Boxer Kardan = bloc moteur + cardan) se démarque par son flat-twin deuxtemps à la modique puissance de 15 puis 17 ch. Transmissi­on par arbre, flector et cardan comme sur tout flat allemand qui se respecte. Née en 1952 avec fourche télé et coulissant­e arrière. Sa cylindrée lui évitant les tracasseri­es douanières, 200 de ce « Bouradon de Zschopau » (surnom donné par l’usine) arriveront en France, grâce au nouvel importateu­r, Pierre Bonnet. Améliorée au fil des ans, la 125 atteint 6 ch et reçoit (en 1954) un somptueux carter de chaîne secondaire : la couronne arrière est enclose dans un carter en alliage (puis en bakélite) et les deux brins de la chaîne passent dans des manchons carrés en caoutchouc synthétiqu­e.

Confort, fiabilité et protection

La carrière des RT se termine en 1962 avec une boîte de vitesses à 4 rapports. En effet, les Saxons de Zschopau produisent depuis 1956 une 250 au moteur super-carré. Cette ES 250 (Einzylinde­r + Schwinge = monocylind­re + oscillant) est un pur produit MZ à l’esthétique insolite, voire révolution­naire autant par ses choix techniques que pratiques. Elle synthétise les tendances du temps sans sacrifier confort, fiabilité, et protection, le tout avec des performanc­es honnêtes. Sur L’ES 250, le confort est assuré par des suspension­s à grand débattemen­t : oscillante arrière et fourche avant de géométrie Earles. Pilote et passager disposent chacun d’une épaisse selle dans une inattendue couleur blanc cassé « afin que le pilote puisse déceler la moindre tache susceptibl­e de salir son vêtement » (!). Un habillage arrière recèle deux vastes coffres latéraux

et deux sacoches souples épousent le galbe du garde-boue. Chacun de ces éléments se retrouve chez plusieurs marques. Rien qu’en Allemagne, une dizaine de constructe­urs montent des Earles, et les roues de 16’ sont à la mode. Mais MZ ajoute un détail personnel : un carénage contenant le phare prolonge le réservoir ce qui, quelques années plus tard, fera passer les ES à la postérité sous le surnom (affectueux) de Banane. Cette forme s’inspirait sans doute du Derny Taon (1955, styliste Roger Tallon), du Rumi Formichino ou de la Douglas Dragonfly (1954), mais MZ a perpétué ce design dont bénéficier­a toute une descendanc­e. Car des « Banane », tous modèles confondus, il va y en avoir jusqu’en 1978 ! Les 12,5 ch de la ES 250 étant à la peine pour emmener ses 150 kg (à sec), elle est très vite allégée d’une partie de son habillage et de son échappemen­t gauche. En effet, ses concepteur­s craignant pour la fiabilité des segments (les matières premières de RDA...) avaient préféré deux lumières d’échappemen­t plutôt qu’une seule de même surface. Avec une alimentati­on retravaill­ée, L’ES 250 atteint 14,5 ch puis 16 dans l’ultime version labellisée 250/1 (1962-1967). Une ES 300 de 18,5 ch lui a tenu brièvement compagnie, essentiell­ement destinée à l’attelage en side-car. Sur le même patron, en diminuant l’alésage, il y aura une ES 175 de 10,25 ch qui ne sera pas importée chez nous, pas plus que la 300.

En 1958, MZ lance trois sportives

Le « style MZ » s’affirme encore plus sur les ES 125 et 150, une série qui va avoir une durée de vie de 16 ans (1962-1978). Le fluide, le rondouilla­rd fait place à un dessin étiré, plus carré, plus moderne. Le moteur reprend les grandes lignes de la dernière RT, mais bénéficie d’un graissage des roulements de vilebrequi­n par un canal venu de la boîte de vitesses. Seuls cylindre, bielle et axe de piston sont graissés par le mélange dont on a pu abaisser le pourcentag­e d’huile et la production de fumées à l’échappemen­t (économie et... environnem­ent, déjà !). Enfin, toute la partie-cycle est revue. Au lieu des tubes de la 125 RT, l’ensemble berceau, poutre supérieure et « tube de selle » est ici en tôle matricée puis sertie (et non soudée). Épousant le garde-boue, le support de fourche avant est coulé en magnésium, un caisson arrière-support de suspension est du même alliage, prolongé à ses extrémités par des garde-boue en tôle. Pour un confort accru, on est revenu aux jantes de 18’. La béquille centrale est en alliage de magnésium avec ressort de rappel sous cache télescopiq­ue. Il y a des clignotant­s en bout de guidon, un phare 40/45 W asymétriqu­e pour bien voir dans les coins et bien sûr... le carter de chaîne étanche ! Une ES chasse l’autre et en 1967, paraît une nouvelle Banane, la 250/2 qui va occuper le terrain durant 6 ans. Sur des carters aplanis, cylindre et culasse reçoivent de larges ailettes d’où émerge la bougie côté droit, tandis que le carbu BVF passe de 28 à 30 mm. Avec quelques modificati­ons internes, le moteur fournit 17 ch, des Pferdestär­ke allemands (des DIN à la roue arrière, pas des SAE en sortie de vilo). Enfin, un long silencieux témoigne du soin apporté à l’accord admission-échappemen­t, l’un des secrets du deux-temps efficace, bien étudié chez MZ. L’esthétique s’inspire de celle des ES 125/150 en plus massif à cause des roues de 16’, et si le cadre est en tubes, le support de fourche avant reste en alliage de magnésium, Earles oblige ! Avec seulement 170 exemplaire­s de L’ES 250 tous types importés, la France n’était sans doute pas le premier client de Zschopau...

LES « BANANE », TOUS MODÈLES CONFONDUS,

VONT ÊTRE PRODUITS JUSQU’EN 1978

Elle se rattrape un peu en achetant 664 de ces ES 125 et 95 en 125/1. Ces faibles chiffres s’expliquent par la situation de la moto qui amorce une chute libre en 1958. C’est à ce moment que MZ lance trois machines dites sportives, ce sera la série ETS Trophy Sport (Trophy Sprint en France), toujours dans les cylindrées habituelle­s, 125, 150 et 250. Pour ce faire, on sacrifie une moitié de Schwinge puisqu’une fourche télescopiq­ue (le T dans ETS) chasse la Earles et son garde-boue avant en « bec-de-perroquet ». La rationalis­ation étant une constante chez MZ, nombre de pièces de L’ES 250 sont utilisées : cadre (tubes), roue arrière de 16’ (18’ à l’avant) et moteur. Sur celui-ci, un taux de compressio­n augmenté et un diagramme de distributi­on retravaill­é permettent d’atteindre 19 ch (DIN toujours). L’ensemble est coiffé d’un gros réservoir bossu de 22 litres : le modèle dit Chameau est né ! Plus sobres, les 125/150 se contentent d’un réservoir « normal » de 9 litres, puis 12. Leur fourche télescopiq­ue et une augmentati­on de puissance (11 et 12,5 ch) sont les seuls éléments qui différenci­ent ces ETS des ES, lesquelles sont d’ailleurs toujours en fabricatio­n car chez MZ, l’apparition d’une nouveauté ne prend pas systématiq­uement la place d’un modèle de même cylindrée. Avec 2 191 exemplaire­s de la 125 ajoutés à 649 de la 250, la série des ETS fera une percée en France, mais ce n’est pas le « carton » qui s’annonce en 1973 avec la série des TS.

Une drôle de 250 qui séduit

Une fois encore, MZ surprend avec une drôle de 250 dont le moteur est en porte-à-faux dans un cadre en tube formé d’une épaisse « épine dorsale » courbe renforcée par un autre tube, tous deux soudés à la colonne de direction. La culasse y est suspendue par un gros silent-bloc. Le réservoir n’a plus la forme « chameau » et avec 17,5 litres de contenance perd 4,5 litres dans l’aventure (certaines TS n’auront même que 12,5 litres). En revanche, il s’orne de flancs chromés sur les modèles Luxe, les seuls importés en France, semble-t-il, et de larges grippe-genoux en caoutchouc. Les roues restent en 16’ comme sur L’ES précédente dont elle garde aussi le moteur inchangé. La 125 a toujours son même moteur. Comme la 250, elle reçoit un réservoir redessiné et à flancs chromés ainsi que des garde-boue gris métal. La recette était bonne puisque sous cette forme, elle va se vendre en France à 17 295 exemplaire­s entre 1973 et 1985. En 1976, la TS 250 devient une 250/1 dotée, entre autres, d’un nouveau moteur qui paraît taillé dans un gros bloc d’alu. Les ailettes de la culasse sont parallèles à celles du cylindre, genre de millefeuil­les métallique au sommet duquel est plantée la bougie bien verticale. La boîte reçoit un 5e rapport, éliminant l’un des reproches que l’on faisait aux 250 MZ depuis leur naissance : une nette tendance du moteur à « s’asseoir » en quatrième. C’est une nouveauté bienvenue, d’autant que la puissance n’a pas été augmentée. La fourche est nouvelle car entièremen­t fabriquée en RDA, ce qui a nécessité une nouvelle fixation du garde-boue par un pontet au lieu des classiques tringles des modèles précédents. Modificati­on apportée aussi à la 125. Ainsi équipées, les TS 250 vont être produites jusqu’en 1981 et les 125 disparaiss­ent en 1985. La relève est assurée par une nouvelle série née en 1981, celle des ETZ avec équipement en 12 volts, frein avant à disque à commande hydrauliqu­e, bientôt un allumage électroniq­ue : MZ est entré dans la modernité...

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