Moto Revue Classic

PILOTE D’USINE AU RABAIS

DÉSILLUSIO­N

-

Il y a trente ou trente-cinq ans, le journalist­e de France Moto que j’étais pouvait aussi bien « pisser » quinze mille lignes (sans oublier les photos) sur un fabricant de sacoches à franges, que tester des motocyclet­tes de tous types, ou gratter un reportage sur le motocross inter de Vesoul ou un rallye routier à Tataouine, essayer la dernière Honda de cross ou Béhème de tourisme, visiter une usine de casques à Gien, etc. Le salaire se résumait à un bol de riz et à une tape sur les fesses, mais je ne trouvais rien à redire, parce qu’il y avait des compensati­ons. Étant l’un des rares quidams de la boutique à rouler à moto, c’est moi que les importateu­rs contactaie­nt au titre du journal officiel de la FFM, pour essayer les motos qui s’étaient illustrées l’année précédente aux mains des pilotes officiels. C’est ainsi qu’au début des années 80, j’ai pu poser un derrière tremblant sur des machines qui s’étaient classées dans les différents championna­ts du monde de vitesse et que j’en rêve encore, tout en mesurant la chance que j’ai eue de rouler sur des engins hors-norme, moi l’humble pilote de pâté de maisons. Quand Jean-claude Olivier, le boss de Sonauto Yamaha recevait, ce n’était pas de la gnognotte et je n’ai pas hésité un millième de seconde quand il m’a proposé d’essayer la 350 RDLC gagnante de la Coupe Yam’ 82 avec Roblès, la 250 TZ troisième du championna­t du monde deux et demi avec Christian Sarron et surtout, la 500 Yam’ 0W60 d’usine de Marc Fontan qui s’offrait à nos yeux hagards. C’est moi qui allais grimper dessus, ma bonne dame, pour une poignée de tours du circuit du Mans ! C’est comme ça, alors que comme d’habitude il vasait sur le Bugatti, que je me suis retrouvé sur la Yam’ LC de Roblès, à sucer la roue d’un confrère, mais à peine avais-je eu le temps de constater le caractère pointu de la RDLC que je me retrouvais par terre à La Chapelle, pour avoir pris autant d’angle que mon guide qui, lui, était resté sur ses roues. Le temps de retrouver mes billes, je suis revenu aux stands avec la moto un peu fripée et pour ne pas rester sur une mauvaise impression – et malgré une bonne pizza à la fesse droite –, j’ai pris le guidon de la TZ de Christian Sarron. Là, c’était une autre paire de manches : un habitacle riquiqui, pas de possibilit­é de décoller des stands si on n’a pas monté la pendule à 10 000 tours. Au bout de quelques tours, j’éprouvais une certaine admiration pour l’aîné des Sarron de parvenir à tirer la moelle de cet engin exigeant que je restituais dans les plus brefs délais, et sans regrets, pour enfourcher la 500 de Marc Fontan. Imaginez que cette année-là (1983), Fontan disposait d’une YZR 500, un V4 « usine » identique à celui de Kenny Roberts et Eddie Lawson ! Un bonheur n’arrivant jamais seul, la piste du Bugatti était désormais totalement sèche. Trois mètres de poussette et là, c’est du vrai bonheur, je suis installé comme sur une sportive, rien ne gêne, et surtout, le moteur tracte dès les plus bas régimes, on pourrait presque aller chercher le pain avec ! À 10 000 tours, le moteur commence à pousser fort et dans la ligne droite des stands, alors que l’aiguille atteint la zone des 12 000 et que j’ai enclenché le troisième rapport, la bécane commence à se lever sur la roue arrière. Pourtant, à cette époque reculée, les 500 de GP devaient sortir, allez, 120 ch ? Au bout de quelques tours, les mécanos m’ont brandi le panneau stop et c’est la tête pleine d’étoiles que j’ai restitué la belle Yamaha. Deux ans plus tard, j’ai répondu à l’invitation de Philippe Boursereau – responsabl­e des relations presse de Honda France –, afin de poser mon cul sur la NSR 250 de l’autre Sarron, Dominique, et surtout sur la RVF 750 championne du monde d’endurance avec Patrick Igoa et Gérard Coudray. Et cette prise de contact se déroule sur le circuit Paul-ricard ! La 750 s’avère maniable et agile comme une 250, malgré la selle étudiée pour le grand Coudray et donc trop longue de trente bons centimètre­s. Je commence à me prendre au jeu tant la championne semble facile quand, à l’entrée du Beausset, une fusée me dépose littéralem­ent : c’est Dominique Sarron avec une NS 400 R de route, avec clignotant­s, rétros, etc. Je ne serai jamais champion du monde, mais quel bonheur d’y avoir cru un instant...

« À L’ENTRÉE DU BEAUSSET, UNE FUSÉE ME DÉPOSE LITTÉRALEM­ENT :

C’EST DOMINIQUE SARRON AVEC UNE NS 400 R DE ROUTE »

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France