LE V4 DES 80’S

Dans les années 80, juste avant de partir à la retraite, Fabio Taglioni a eu l’idée d’accoupler deux V-twins pour faire un V4.

Les 55 ans qui séparent l’apollo 1 260 cm3 de la Ducati Panigale ont été marqués par autre prototype de moteur V4, méconnu et très différent : le Bipantah dont le projet fut abandonné en 1983. Élaboré en janvier 1981 par Pierluigi Mengoli, sous la supervision de Fabio Taglioni, le Bipantah associe deux V-twins 500 Pantah, afin de produire un V4 de 1 000 cm3. Comme il me l’expliquait en 1984, le Bipantah représente l’ultime stade de développement du premier moteur complet imaginé en 1948, le V4 250 cm3 à 90° avec lequel il a défendu sa thèse universitaire d’ingénieur. Grâce à une cylindrée de 994 cm3 et un alésage x course de 78 x 52 mm, ce moteur est le plus supercarré de ses conceptions, avec pour effet un encombrement réduit. D’un poids de 98 kg, le Bipantah est plus large de 100 mm par rapport à son géniteur. Les cylindres arrière partagent un même bloc et les deux avant, horizontaux, sont séparés et décalés par rapport aux arrière. Le refroidissement air/ huile s’effectue à la manière de la Suzuki GSX-R 750 de 1985 ! Pour des raisons ther- modynamiques et de poids, Taglioni n’aimait guère le refroidissement liquide, pas plus que les quatre soupapes par cylindre : on retrouve donc deux soupapes, un arbre à cames par banc de cylindres et entraîné par deux courroies situées, à la sauce Pantah, sur le côté gauche du moteur.

Le Bipantah n’a pas survécu aux 750

Un angle de soupapes de 50° procurait le meilleur remplissage jamais atteint par une Ducati 2 soupapes « Taglioni ». Un allumage électronique et 4 Dell’orto ø 40 mm montés sur de longues pipes incurvées pour une admission forcée permettaient à ce V4 de s’animer. Pour réduire les frictions, les pistons sont à deux segments. Le vilebrequin est forgé, 2 pompes à huile sont installées, la puissance est transmise via un énorme embrayage à sec, et la boîte de vitesses à 5 rapports est à cassette. Bien qu’ayant été développée pour un usage compétition, une version suralésée à 1 150 cm3 a été en- visagée pour du sport-tourisme ou pour le marché de la police comme pour l’apollo… Quelle puissance délivrait ce V4 de 994 cm3 ? « C’est le meilleur moteur qu’il m’a été donné de produire, quasiment depuis le premier passage au banc, indiquait Taglioni en 1984. Avec très peu de développement, des arbres à cames très doux, des silencieux répondant aux normes internationales, il délivrait 105 ch à 9 500 tr/min à la roue arrière. Avec des arbres course et des échappements plus libres, nous avons obtenu 132 chevaux à 11 000 tr/min, mais rien en dessous de 6 000 tr/min, alors que la première version acceptait de repartir dès 3 000 tr/min sur le dernier rapport. Grâce à l’ordre d’allumage bien équilibré (360°), il n’y avait pas de vibrations. » Pourtant, le projet Bipantah a été abandonné en 1982 alors que Taglioni avait finalisé les premiers essais au banc et qu’un cadre treillis tubulaire était en cours de réalisation. Et ce, pour deux raisons : question de coût d’abord, mais aussi à cause des constructeurs japonais qui délaissaient les 1 000 cm3 pour des 750 plus légères et polyvalentes.