Moto Revue Classic

CHRONIQUE BOURGEOIS Christian raconte ses 2 expérience­s dans un panier de side-car : « Une race à part . »

Christian Bourgeois, champion de France de vitesse devenu journalist­e à Moto Revue puis directeur de la compétitio­n chez Kawasaki, est aujourd’hui retraité. Il a donc le temps de nous conter quelques anecdotes.

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J’ai par deux fois fait l’expérience du passager de side-car. La première avec Joseph Duhem, un pilote bressan qui fut cinq fois champion de France avec son attelage BMW 500 Rennsport. Dans son basset, le passager avait un rôle actif. Il s’agissait de lester la roue arrière le plus possible dans les virages à gauche et de sortir du panier dans les virages à droite pour éviter de capoter, au même titre que le rappel en voile. Il convenait de bien anticiper les virages et d’avoir une bonne lecture du tracé afin d’être en phase avec son pilote. Une bonne connaissan­ce et une confiance mutuelle étant indispensa­bles. Duhem étant un pilote calme et il m’avait donné le temps de m’adapter. Malgré une puissance de l’ordre de 60 chevaux, les sensations procurées étaient grandes. Le moteur BMW RS 500 était la meilleure base pour le side-car en raison de son architectu­re flat-twin. Celle-ci permettait d’obtenir un centre de gravité beaucoup plus bas qu’avec un mono ou un 4-cylindres. En raison d’une position au ras du sol, la sensation de vitesse était incroyable. Même en ligne droite, il fallait être vigilant et bien se tenir aux poignées. Pour ce qui est du confort, n’en parlons même pas. Sans expérience, après quelques tours, on était épuisé et perclus de crampes. Quant aux hématomes dus aux chocs, on les comptait le lendemain ! Ma seconde session se fera dans le cadre d’une journée Elf organisée sur le circuit Paul-ricard. Tous les teams et pilotes de la marque avaient été réunis avec la possibilit­é d’échanger leur matériel. C’est ainsi que je m’étais retrouvé dans le panier d’alain Michel, le meilleur représenta­nt français, toutes catégories confondues. Jugez du peu : en 16 ans de carrière, Alain Michel (qui commença en solo en 1972 avec une 450 Honda) remporta le titre de champion du monde en 1990, termina trois fois 2e, avec 18 victoires, sans parler de ses neuf titres de champion de France. Alain n’était pas un tendre de la poignée de gaz et avec lui, il n’y avait pas de round d’observatio­n. Ma grande taille m’interdisan­t de bouger, je me tenais tant bien que mal dans le panier animé par un moteur TZ 750 Yamaha. Le terrain de jeu était le petit circuit Paul-ricard que je connaissai­s bien. Les esses de Méjanes furent une formalité mais je commençais à m’inquiéter à l’abord de la courbe de Signes. Là où, d’habitude, je freinais et rentrais deux vitesses, Alain était encore à fond. Juste avant de basculer à droite, il relâchait les gaz un instant et remettait à fond. Les yeux à 20 cm du sol, je ne voyais absolument rien, d’autant que la piste est en léger dos d’âne. Pas le temps de reprendre mes esprits que le double droit du Beausset arrivait. La force centrifuge me plaquait à gauche, pas pour longtemps car la chicane me donnait une double baffe. Le grand droit qui suit, tout en accélérati­on, vous emmène au virage de la Tour, un gauche à vitesse constante pour arriver à celui du Pont, où vous avez l’impression d’être éjecté vers l’avant sous l’impulsion du freinage. Il me faudra un long moment pour m’en remettre, tant les sensations furent violentes. C’est avec nostalgie qu’il faut évoquer la « confrérie » des sidecarist­es car ces gens-là étaient toujours à part mais ensemble dans le paddock. Les grands noms de la spécialité, en majorité Allemands et Suisses, sont encore dans ma mémoire car je les ai côtoyés dans les années 50 lors de la célèbre course de côte de Fribourg. Si, toutefois, je ne devais en retenir que deux, ce serait Helmuth Fath, un Allemand, aussi bon pilote qu’excellent mécanicien. Il s’était illustré en développan­t un système d’injection directe pour son BMW Rennsport, puis, n’ayant bénéficié d’aucune aide de la part des Bavarois, il avait conçu son propre moteur 4-cylindres baptisé URS pour Über Renn Sport qui se traduit par « supérieur au RS ». Son banc d’essais se trouvait en pleine forêt pour ne pas gêner ses voisins et il avait adapté son système d’injection à sa 403 diesel qui atteignait ainsi 160 km/h. Il fut deux fois champion du monde en 1960 et 1968. L’autre pilote marquant est Florian Camathias, un Suisse reconnaiss­able à ses verres de lunettes en « cul de bouteille ». Pourtant, au guidon, rien ne l’arrêtait. Y compris ses nombreuses sorties de route qui coûtèrent la vie à ses passagers. Durant le GP de France 1963, à Clermont-ferrand, il en « utilisa » trois, les deux premiers ayant été blessés lors des séances d’essais… Il ne fut jamais champion du monde et se tua à Brands Hatch en 1965. ❖

« ALAIN N’ÉTAIT PAS UN TENDRE DE LA POIGNÉE DE GAZ ET AVEC LUI, IL N’Y AVAIT PAS DE ROUND D’OBSERVATIO­N »

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