Moto Revue Classic

CB 450 «CAFÉ RACER »

La CB 450 était la première Honda à venir marcher sur les platesband­es des twins anglais dans les sixties. Pour enfoncer le clou, cette préparatio­n café racer reprend tous les codes du made in England.

- Texte : Guillaume Fatras - Photos : Alexandre Krassovsky

Essai d'une très belle préparatio­n café racer de la Honda CB 450 de 1966.

Quand les journalist­es anglais ont vu débarquer sur leur île la nouvelle Honda en 1965, ils savaient qu’ils allaient sentir passer la déflagrati­on. C’était pourtant une petite machine de seulement 444 cm3, mais ses performanc­es étaient comparable­s aux 650 anglaises du moment. À cause de ça et de son coloris noir unique, ils lui donnèrent le surnom de « Black Bomber », littéralem­ent « le bombardier noir ». Ce n’est bien évidemment pas à elle seule qu’elle allait mettre à terre toute l’industrie moto britanniqu­e, éparpillée façon puzzle, en une quinzaine d’années. Mais sa technologi­e de pointe avec son double arbre à cames en tête ne laissait augurer rien de bon, rapport au tsunami nippon à venir. Quatre ans plus tard seulement, la CB 750 quatre-cylindres entérinera la mainmise technologi­que des Japonais sur l’industrie moto. Didier, que tout le monde connaît lui aussi sous le pseudo de Sherlock, on l’a rencontré lors du dernier numéro pour le reportage sur le club Triton. Il nous avait apporté une belle Métisse en pneus de route et en discutant, il nous avait fait part de sa restaurati­on/préparatio­n actuelle sur une CB 450. Banco ! On lui a dit : « Si ta moto est prête à temps, on la passe dans le prochain MR Classic. » Avec cette pression d’enfer, Sherlock a mis les bouchées doubles pour les finitions et terminer le faisceau électrique. Les CB 450 ont été produites pendant une décennie, et la plus belle, de l’aveu de tous, est la première version, dite K0 des années 65 à 67. Ses signes distinctif­s : les compteurs intégrés dans le phare, à la manière d’une Royal Enfield Bullet, le coloris noir, le réservoir bombé à flancs chromés et grippe-genoux, la selle à rivets… Elle a encore un look de moto des années 60, quand les versions K1 à K7 prendront peu à peu l’aspect « homogénéis­é » de la gamme Honda des seventies, avec des coloris et des accessoire­s proches des autres CB multicylin­dres. Sherlock trouve cette K0 à l’état d’épave avec moteur bloqué et l’échange contre 800 €. Il a déjà acheté une CB 450 pour sa femme, donc il connaît la mécanique et dispose de quelques pièces. La moto est dans un si triste état et certaines pièces tellement rares, qu’il décide de ne pas partir sur une restaurati­on « à l’identique » mais d’en faire un café racer, qu’il baptisera tout simplement Café Noir ! Il faut savoir que la CB souffre d’un manque criant de pièces depuis plusieurs décennies, et l’on vient à bout d’une restaurati­on en achetant souvent plusieurs motos, nombre d’entre elles restant sur la béquille pour la même raison.

« 10 minutes à 200° et c’est prêt ! »

Dans son garage, Sherlock dispose d’un petit tour à métaux pour fabriquer les pièces spéciales qui lui manqueraie­nt et d’une microbille­use pour venir à bout de la rouille et des surfaces défraîchie­s. Avec un outillage standard, un pistolet à peinture et des copains qui peuvent le dépanner, il boucle toutes les restaurati­ons quasiment en autonomie. Il démonte la moto pièce par pièce, microbille, passe un coup d’apprêt phosphaté, repeint les différents éléments de la partie-cycle, décape les alliages. Un jour que madame est partie faire des courses, il enfourne les cylindres qui viennent d’être couverts de peinture haute températur­e dans la cuisinière : « 10 minutes à 200° et c’est prêt, mais il faut ouvrir la fenêtre de la cuisine ! » , précise-t-il. Bonne nouvelle, les chromes du réservoir sont rattrapabl­es, juste une bonne dose d’huile de coude évitera un coûteux passage chez le chromeur.

LA MOTO EST DANS UN SI TRISTE ÉTAT QUE DIDIER DÉCIDE DE NE PAS PARTIR SUR UNE RESTAURATI­ON « À L’IDENTIQUE »

Les carters sont polis, la mécanique commence à être remontée. Sherlock opte pour une boîte cinq vitesses provenant d’un modèle postérieur ; les rapports sont mieux étagés que la boîte d’origine de la K0 à quatre vitesses. Des pistons haute compressio­n trouvent leur place dans le haut moteur mais pour l’instant, les arbres à cames restent d’origine. Sherlock compte bien trouver un jour des profils de cames un peu plus en adéquation avec les pistons pour tirer quelques chevaux de plus. Les pots sont « home made » et respectent les normes de bruit… de l’époque ! Côté freinage, il faut remplacer le faiblard tambour d’origine. Sur la CB 450 de sa femme, Sherlock a monté un disque à la place, mais les résultats ne sont pas probants. Il opte alors pour une Grimeca double came. Il avait le choix entre deux modèles, celui avec la grille sur le côté et l’autre avec les ailettes, comme sur les MV de route des années 70. Il choisit ce dernier car le dessin est tout en courbes, comme le réservoir de la Honda, c’est lui qui le dit. Du coup, il donne également une courbure aux platines qui le relient au bras de fourche. Pour sa transforma­tion en café racer, Sherlock a monté un guidon « Ace bar » qui se monte sur les pontets d’origine. Les câbles d’embrayage, ceux du double came et celui de gaz s’entrelacen­t joyeusemen­t au-dessus du joli « tableau de bord », une pièce très originale avec, dans un même cadran ovale, compteur et compte-tours et un étonnant totalisate­ur à rouleaux placé verticalem­ent. Le reste de l’équipement donne dans l’authentiqu­e avec des leviers Tommaselli Matador et des poignées de même marque, ainsi qu’une option Honda d’époque qui se montait sur le pontet de fourche, l’antivol de casque ! Sherlock a confié l’accueil de son postérieur à un sellier qui lui a proposé du cuir plutôt que du skaï mais toujours avec des rivets qui rappellent ceux de la selle d’origine.

« Ça marche aussi bien qu’une Triumph TR6 »

Cette dernière a été réduite à une place à cause du dosseret, une taille qui permet cependant d’être bien assis quelle que soit la taille du pilote, car le volume général de la moto est plutôt ramassé. Et sur la route ? « Ça marche aussi bien qu’une Triumph TR6, confie Sherlock. C’est aussi coupleux qu’une Triumph, car le vilebrequi­n est costaud. » Avec son inertie, on peut « surfer » sur le couple à mi-régime, et passé 5-6 000 tr/min, ça pousse plus fort, on dit même qu’il peut encaisser jusqu’à 10 000 tr/min ! Les accélérati­ons sont plus linéaires qu’un twin anglais, car son calage est à 180°, et les vibrations, du coup, bien moins sensibles. La CB 450 était affichée à sa sortie quasiment au même prix qu’une Bonneville 650, mais elle n’a pas eu l’aura de cette dernière, car la Honda fut vite éclipsée par la CB 750. Le choix des Nippons de se concentrer sur le 4-cylindres placera dans l’ombre ce premier twin quatre-temps qui mérite pourtant qu’on s’intéresse à lui. Bravo à Sherlock, avec son virus de l’anglaise inoculé par le Triton Club, qui a su l’habiller façon british, elle qui pourtant a été la première fossoyeuse du made in England… ❖

LES POTS SONT « HOME MADE » ET RESPECTENT LES NORMES DE BRUIT... DE L’ÉPOQUE !

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1- Le twin double arbre Honda avec ses 45 chevaux mouchait les anglaises malgré 200 cm3 en moins ! 2- Sherlock, prêt à prendre le départ du GP de Reims devant les stands du circuit de Gueux. 3- Amortisseu­rs neufs, pots fabriqués sur-mesure, polissage partout ! 4- Admirez le degré de finition, une spécialité des amateurs de café racer anglais. 5- La rondeur des ailettes du tambour double came Grimeca fait écho à celle du réservoir...
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