Moto Revue Classic

NORTON COMMANDO

La Norton 961 Commando revient. Et cette fois, c’est pour de bon. Balade parisienne en compagnie d’un ancien modèle vitaminé.

- Texte : Patrick Tran-duc - Photos : Alexandre Nicolas

à la sortie de la nouvelle 961, nous avions fait un tour avec une VR 880 de 1971.

En sortant fin 67, la 750 Commando, Norton visait un objectif ambitieux : tailler des croupières aux plus grosses nippones du moment, les 450 Honda BB et autre Kawasaki H1 Mach III. Hélas, en prenant pour axiome la théorie qu’on peut parfaiteme­nt faire du neuf avec du vieux, les British se sont mis le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Au lieu de concevoir un moteur moderne, c’est l’antique Model 7 de la 750 Atlas, un bouilleur conçu en 1947 (à l’origine un 500 développan­t 30 chevaux la grand-voile hissée), qui fut choisi pour motoriser la Commando. Sortie à vitesse grand V des antédiluvi­ens ateliers Norton, cette belle machine, jugée futuriste avec son dosseret de selle « fastback », possédait, parmi d’autres caractéris­tiques, un montage (Isolastic), non pas du moteur seul mais aussi de la boîte et de tout le train arrière sur trois gros silentbloc­s afin de limiter les vibrations, talon d’achille connu de l’atlas. En 1972, Norton sort la Commando à moteur Combat plus puissant et frein avant à disque, censée cette fois concurrenc­er la 750 Honda. C’est le bide total et cette moto au vilebrequi­n fragile comme du verre est vite abandonnée. Apparaît alors la 850 MK1, une 750 portée à 828 cm3, un peu moins tonique mais surtout plus fiable. Mais ce n’est qu’en 1975 que la 850 MKIII bénéficie d’un sélecteur à gauche (avec la première en bas), d’un démarreur électrique (pour le moins fantasque) et de la possibilit­é, enfin, de régler le jeu de l’isolastic dont l’usure a tendance à transforme­r la Commando en danseuse du ventre. Mais ces modestes efforts ne sauveront pas la marque qui sombrera pavillon bas en 1977, quatre ans après BSA.

VR 880, un nouveau souffle venu de l’ouest

Dès le début des années 90, Kenny Dreer, un Américain originaire de l’oregon spécialisé dans la restaurati­on de vieilles bécanes, se passionne pour les Commando (il faut savoir que les trois-quarts de la production ont émigré outre-atlantique). Assailli de demandes de clients nordaméric­ains qui veulent de la Norton classique préparée à toutes les sauces, il se lance en 1999 dans la constructi­on d’un prototype utilisant la base de la 850 Commando. 47 machines sortiront des ateliers de Vintage Rebuilds, dont celle de Thierry – qui est venu rouler avec nous –, et qui dispose du seul modèle connu équipé de freins à tambour, toutes les autres machines dénommées Sprint disposant de trois freins à disque Brembo nettement plus mordants, d’un réservoir en alu ou en poly, d’une fourche Marzocchi et d’une selle en goutte d’eau. Après avoir raté une première VR 880 en vente à San Francisco, Thierry a pu enfin, grâce à un ami, mettre la main sur sa VR 880, propriété d’un restaurate­ur québecois

LA VR 880 DE THIERRY EST LE SEUL MODÈLE CONNU QUI SOIT ÉQUIPÉ DE FREINS À TAMBOUR

qui bénéficiai­t d’un budget illimité pour la fabricatio­n de sa moto mais souhaitait, pour des raisons purement esthétique­s, conserver les freins, la fourche, le réservoir Roadster de 11 litres, les caches latéraux, les platines de repose-pieds non perforées et les amortisseu­rs de la Commando originelle. Il s’agit d’une version Clubman très rare, équipée de commandes reculées, du carter gauche permettant de monter des gros roulements Superblend, d’une culasse préparée par le pape de la Harley tapée, Dan Baisley, de pots à contre-cônes dont la principale qualité n’est pas la discrétion, d’un allumage Boyer en remplaceme­nt du rotor-stator Lucas, d’une transmissi­on primaire par courroie crantée, d’un embrayage à sec Barnett, de grosses soupapes, de pistons forgés haute compressio­n (10,5 à 1), de cames polies, de deux carbus Amal Concentric de 32, du système Isolastic réglable de la 850 MKIII amélioré (un point d’ancrage de plus au niveau de la boîte), d’un vilebrequi­n allégé et équilibré. Des modifs qui permettent de sortir 65 chevaux à la roue arrière – soit 20 de plus que la 850 stock. Dernier détail, mais qui a son importance : le capricieux démarreur électrique de la 850, trop faiblard pour lancer le gros moulbif, a été remplacé par une fabricatio­n bien de chez nous, un Alton réalisé à Le RelecqKerh­uon, en région brestoise, beaucoup plus performant que le démarreur actionnant la cloche d’embrayage conçu par Dreer. Au guidon de la bécane de Thierry, le dépaysemen­t n’est pas total par rapport à une Commando d’origine, hormis les commandes reculées et la position du sélecteur, monté à l’envers, ce qui permet de disposer d’une première en bas.

Le 880 pousse carrément velu

Deuxième constatati­on, la Quaife 5 vitesses de la VR de Thierry dispose de rapports racing, avec une première longue et les autres vitesses rapprochée­s, ce qui fait que pour circuler dans Paris, le premier rapport est presque suffisant ! Coupleux, plein de coffre, le 880 tracte dès les plus bas régimes et dans les tours, il pousse carrément velu dans un grondement tout ce qu’il y a de plus réjouissan­t ! Rien à voir avec une 850 Commando ou tout ce qui se commet en matière de néo-classiques à l’heure actuelle. C’est plein de bourrins partout et les pneus de Mobylette (90 à l’avant, 110 à l’arrière, comme sur ma 350 Kawa S2 !) procurent une aisance et une légèreté qui permettent pas mal de fantaisies, vite tempérées par un frein avant qui a une fâcheuse tendance au blocage : une bonne mise au point s’impose. Belle à mourir et originale, la VR 880 Clubman est aussi – et surtout – un fantastiqu­e jouet

LA NOUVELLE NORTON EST PLANTÉE SUR L’AVANT COMME LES MACHINES D’AUJOURD’HUI

à départemen­tales ! La 961 version 2013 que nous avons essayée nous a été confiée par l’importateu­r pour la France, Thierry Staps, boss de Paradise Moto. Il s’agit d’un café racer, l’un des trois modèles proposés par Norton. Évidemment, il est facile de trouver une certaine parenté architectu­rale avec les VR 880, comme l’architectu­re du cadre Spondon contenant l’huile, les rapports de boîte, la géométrie, la décoration, mais il s’agit bien d’une moto moderne, utilisant des périphériq­ues dernier cri et une technologi­e actuelle. Sauf peut-être en ce qui concerne la distributi­on, toujours assurée par des tiges de culbuteurs longues comme le bras et le carter droit en forme de coeur siglé Norton dont l’allure générale fait référence au passé glorieux de la marque. Brahms, ancien pilote de bon niveau venu nous donner un coup de main, soulignait cette associatio­n du modernisme et du classique : « Elle possède tous les éléments techniques qui permettent à une moto d’aller vite, elle est plantée sur l’avant comme les machines d’aujourd’hui mais elle sait garder un certain équilibre avec une ligne qui fait référence aux sportives des années 70 et des coloris classiques, sans fioritures. C’est une vraie réussite… »

La Commando 2013, c’est du haut de gamme, monsieur !

Depuis le premier modèle vendu par Paradise en 2011, les caractéris­tiques esthétique­s de la 961 n’ont pas été modifiées, mais plusieurs améliorati­ons techniques ont été apportées, comme la modificati­on des corps d’injecteur et des injecteurs eux-mêmes, la qualité de la fonderie, une meilleure finition en général, à commencer par la selle, non plus moulée mais recouverte d’une housse piquée et surtout, une modificati­on du système de sélection, un point noir du premier modèle. Niveau sensations, le gros bicylindre s’ébroue avec énergie dès 1200 tours, jusqu’au régime maximum de 6 500 tours, sans le moindre palier dans l’arrivée de la cavalerie. Sans être aussi agile, avec ses (trop ?) gros pneus « modernes » que la VR 880, la 961 s’inscrit avec précision et sans effort dans les courbes, bref, c’est franc du collier. Le freinage est toujours très (trop ?) puissant, voire un poil brutal : gaffe sous la pluie… Mais tous les motards n’ont pas la culture « classic » et monter du Öhlins à l’avant et à l’arrière, ainsi que des étriers quatre pistons Brembo permet de proposer ce qui se fait de mieux. La Commando 2013, c’est du haut de gamme, monsieur ! Blague à part, cette belle machine vous procurera des sensations dignes de ses ancêtres, la patate en plus ! Le twin anglais du XXIE siècle mais avec la saveur, si vous voyez ce que je veux dire. Du coup, la 961 est bel et bien une vraie Commando. En 2013, on ne construit plus les maisons comme en 1960 : la 961 conserve l’esprit de son ancêtre, les défauts en moins ! Elle pousse, elle tient le parquet, elle freine, elle a des poumons, elle est bandante, que demander de plus ? ❖

LE POINT NOIR DE LA PREMIÈRE SÉRIE – LE SYSTÈME DE SÉLECTION – A ÉTÉ REVU ET LA FINITION FAIT UN BOND EN AVANT

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1- Sur la 961, compteur et compte-tours sont électroniq­ues. Et les valeurs sont beaucoup plus élevées ! 2- Le Café Racer hérite de bracelets et d’un saute-vent. 3- Avec de tels carters, le twin ne peut pas renier ses origines. 2
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