Moto Revue Classic

ESSAI BMW R11

Présentée à l’occasion du Salon de Berlin 1928 avec la R16, la R11 est la première BMW à utiliser un cadre en tôle emboutie. Produite à 7 500 exemplaire­s sur 5 ans, cette machine a été l’un des grands succès de la marque, malgré la crise économique.

- Texte : Alan Cathcart – Photos : Kel Edge

En pleine crise économique, la R11 à cadre en tôle emboutie sera un grand succès.

En 1918, suite à la signature du traité de Versailles, la jeune firme bavaroise BMW n’a plus le droit de construire des moteurs d’avion. Elle se tourne alors vers la production de machines agricoles, de moteurs industriel­s, d’outillages et puis, en 1923, de motocyclet­tes avec la R32. Va suivre toute une série de machines à moteurs bicylindre­s à plat, montés dans des cadres tubulaires. Au printemps 1929, BMW change de cap avec les 750 cm3 R11 et R16 car si les moteurs sont toujours des flat-twins (l’un à soupapes latérales, l’autre à soupapes culbutées, identiques à ceux montés dans les R62 et R63), en revanche, le cadre est en tôle emboutie. Intéresson­s-nous à la R11 et son moteur à soupapes latérales. Le bicylindre à plat déjà connu pour sa robustesse, grâce à son nouveau cadre et sa suspension avant plus robuste, va faire de la R11 l’une des motos de grosse cylindrée les plus populaires à l’époque en Allemagne. Sans oublier son style vaguement « Art Déco » qui lui donne un charme fou. Le cadre type F66 de la R11 est constitué de deux parties en tôle emboutie, une pour chaque côté du cadre, rivetées ensemble par la colonne de direction pour former un double berceau avec des traverses de renfort dans la partie supérieure. Des goussets renforcent aussi la colonne de direction et accueillen­t le fameux sigle de la marque. Le réservoir est placé à l’intérieur du cadre, de sorte qu’il était bien protégé en cas de chute lors des compétitio­ns dans laquelle la moto était engagée, souvent avec un side-car, aussi bien sur route qu’en tout-terrain. Équipée du fameux « kick-starter » transversa­l de BMW, la R11 était très soignée, avec sa boîte à outils intégrée dans le carter de boîte de vitesses et les larges reposepied­s en alliage moulé. On peut d’ailleurs presque parler de marchepied­s… BMW a également été un pionnier pour l’utilisatio­n de la béquille centrale, beaucoup plus pratique que les béquilles avant ou arrière qui devaient être clipées sur les garde-boue avant le départ. Enfin, des jantes de 19 pouces étaient adoptées à l’avant et à l’arrière, plus larges que les fines roues de 23 pouces habituelle­ment montées sur les motos de l’époque.

Un maillon important dans l’histoire de BMW

La fourche à roue poussée de la R11 était également composée d’éléments en tôle emboutie, la suspension étant seulement assurée par une lame de ressort. Au début tout du moins, puisqu’en 1932, un amortisseu­r à friction réglable fait son apparition. Le freinage était assuré par un classique tambour à l’avant, tandis que le frein arrière se

situait en sortie de boîte de vitesses et était constitué d’un cylindre nervuré de 37 mm. La R11, robuste, était cependant un peu paresseuse, avec une vitesse de pointe de 100 km/h, à comparer aux 126 km/h de la R16, plus coûteuse car munie du 750 cm3 à soupapes culbutées. Le flat développai­t 18 chevaux à 3 400 tr/min, mais avec beaucoup de couple à bas régime. Ce couple est l’une des principale­s raisons de la popularité de la R11, notamment en side-car. Au début, le moteur était équipé d’un carburateu­r BMW de 24 mm pour les deux cylindres, puis en 1932, il a été remplacé par un SUM de la même taille, fabriqué à Berlin et muni d’un système de réchauffag­e par le biais du tube d’échappemen­t qui facilitait les démarrages à froid. Enfin, en 1934, la R11 a été vendue avec deux carburateu­rs, une paire d’amal anglais de 25 mm fabriquée sous licence par Fischer à Francfort. Ainsi équipée, la R11 affichait une puissance de 20 chevaux à 4 000 tr/min et des modèles à transmissi­on à 4 vitesses ont également été produits, comme sur la R12 qui lui a succédé en 1936, reconnaiss­able à sa fourche télescopiq­ue hydrauliqu­e. Avec 7 500 exemplaire­s construits sur une période de production de cinq ans (un nombre significat­if pour tous les constructe­urs de l’époque), la BMW R11 n’est pas si rare aujourd’hui, mais c’est un maillon important dans l’histoire du constructe­ur allemand. Il a même récemment revendiqué le statut de vedette de cinéma, avec une apparition dans le film The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson dont l’action se situe dans les années 1930. La BMW était chevauchée par Willem Dafoe qui jouait le rôle de J.P. Jopling. Un bel exemplaire du premier modèle de la série 1929 se trouve au musée Sammy Miller en Grande-bretagne. Elle porte le numéro de cadre P1450 et le numéro de moteur 65542. Sammy a acheté la BMW en pièces lors d’une vente aux enchères dans les années 1990 mais les cylindres étaient manquants. « J’ai pensé que l’ancien propriétai­re les avait peut-être envoyés pour un réalésage » , explique l’ancien champion de trial en souriant.

LA R11 DU MUSÉE SAMMY EN GRANDE-BRETAGNE A ÉTÉ ACHETÉE EN PIÈCES LORS D’UNE VENTE AUX ENCHÈRES

« Après une vingtaine d’appels téléphoniq­ues, je suis tombé sur un mécanicien d’un atelier de Portsmouth qui avait les cylindres et qui était bien content que quelqu’un les lui achète. Ainsi a-t-on pu la remonter et la mettre en exposition au musée. » La possibilit­é de faire un tour à son guidon m’a permis de me transporte­r au début des années 30, à une époque où la robustesse des BMW était déjà appréciée sur les marchés d’exportatio­n, comme l’italie, la France, et le Royaume-uni, où cette moto a été livrée neuve, comme en témoigne son compteur de vitesse VDO gradué en miles-per-hour. Pour démarrer la R11, vous devez suivre une procédure introduite seulement l’année précédente par la marque mais qui deviendra monnaie courante sur tous ses modèles. Mettez-la sur la béquille centrale (facile à mettre et à enlever) puis placez-vous sur le côté gauche de la moto, titillez le carburateu­r jusqu’à ce qu’il déborde, réduisez l’avance à l’allumage par le biais de la poignée tournante située à gauche, puis dépliez le kick et appuyez un grand coup avec le pied droit, tout en dosant savamment les gaz grâce à la poignée tournante de droite.

En 3e, même dans les virages lents

Avec sa faible compressio­n, la flattwin de la R11 est facile à démarrer et procure un son agréable et discret, caractéris­tique d’un bicylindre à plat calé à 180°. Installez-vous sur la selle en caoutchouc Pagusa qui a suffisamme­nt de débattemen­t pour pallier l’absence de suspension arrière, cherchez les repose-pieds nichés sous les cylindres, saisissez le large guidon, tirez le levier d’embrayage et enclenchez la première en actionnant le levier de changement de vitesses vers le haut et vers l’arrière avec votre main droite. Malgré tous mes efforts, je n’ai pas pu éviter un gros craquement. Pas le temps d’y penser, il fallait déjà passer en seconde en poussant le levier vers le bas et loin de moi. C’est passé comme dans du beurre, idem pour la troisième vitesse. Le moteur à soupapes latérales de la R11 a un tel couple qu’il est possible de rester en troisième même dans les virages lents sans que l’on ait besoin

LES FLOTTES DE CES BMW ÉQUIPÉES DE SIDE-CARS SONT DEVENUES LE SIGNE DE LA DOMINATION HITLÉRIENN­E

de faire cirer l’embrayage et ce, jusqu’à une vitesse de croisière de 80 km/h. Je m’attendais à ce que cette BMW d’avant-guerre soit plus moderne dans son ergonomie mais la position de conduite est un peu curieuse avec la selle basse et le guidon assez haut et bien que les marchepied­s m’aient permis de poser mes pieds où je voulais, il n’y avait pas assez d’espace pour le bout de mes chaussures qui ont été brûlées par la chaleur dégagée par les cylindres ! Et lorsque vous roulez, il vaut mieux éviter les bosses : il n’y a pas de suspension­s arrière et à l’avant, la lame de ressort fait ce qu’elle peut mais elle est vite débordée… Le frein avant fonctionne plutôt bien mais celui monté sur la transmissi­on arrière est inefficace. Pas étonnant que son diamètre ait été augmenté dès l’année suivante. Bref, rouler avec cette moto demande un minimum de doigté et d’attention. Le lancement de la R11, il y a exactement 90 ans, a eu lieu à un moment où la dépression économique aux USA a produit une onde de choc sévère en Allemagne. Le chômage a augmenté rapidement, atteignant déjà 4 millions en 1930 et c’est un miracle que tant d’exemplaire­s de ce modèle aient été fabriqués et vendus. Puis les flottes de ces BMW militaires équipées de sidecars sont devenues une caractéris­tique de la domination hitlérienn­e. Ainsi, 400 modèles qui transporta­ient 1 200 soldats de la Wehrmacht ont-ils défilé devant le Führer à Berlin le 20 avril 1936 pour célébrer son 47e anniversai­re. Trois ans plus tard, ils seront utilisés sur les champs de bataille d’europe et beaucoup d’entre eux y resteront, soldats compris. La machine que possède Sammy Miller a passé toute sa vie en Grande-bretagne, et est restée en configurat­ion « civile » comme pour démontrer de manière pacifique l’excellence des constructi­ons mécaniques de la marque bavaroise. ❖

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 ??  ?? 1- Avec son gros flat-twin plein de couple, la BMW R11 s’en tirait très bien avec un side-car. Ici, un attelage de l’armée allemande. 2- Le gros compteur VDO est fixé sur le réservoir. 3- Vue en coupe du bicylindre à plat 750 cm3 à soupapes latérales. 4- Flat-twin à transmissi­on par arbre, les BMW d’aujourd’hui utilisent la même chaîne cinématiqu­e.
1- Avec son gros flat-twin plein de couple, la BMW R11 s’en tirait très bien avec un side-car. Ici, un attelage de l’armée allemande. 2- Le gros compteur VDO est fixé sur le réservoir. 3- Vue en coupe du bicylindre à plat 750 cm3 à soupapes latérales. 4- Flat-twin à transmissi­on par arbre, les BMW d’aujourd’hui utilisent la même chaîne cinématiqu­e.
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1- Ces trois Italiens chevauchen­t des BMW lors des ISDT 1930 : deux R63 et une R11, à droite. 2- Willem Dafoe dans le film Grand Budapest Hôtel de Wes Anderson. 3- Voilà ce que vous voyez lorsque vous êtes assis sur la selle de la R11.
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