Moto Revue Classic

ESSAI DES TWINS 650

Un an après leur présentati­on, MR Classic a enfin pu rouler sur les nouvelles Royal Enfield bicylindre­s. L’attente n’a pas été vaine, puisque les 650 angloindie­nnes sont plus que séduisante­s.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : constructe­ur

Ça y est, nous avons essayé les bicylindre­s 650 Continenta­l GT & 650 Intercepto­r.

Cette fois, on y est. Après quasiment une année d’attente, on a enfin pu poser nos fesses sur ces fameuses Royal Enfield car le plus beau des bimestriel­s a été convié au lancement mondial des tant attendues Continenta­l GT (double page précédente) et Intercepto­r 650 (ci-contre). Et c’est en Californie que ça s’est passé, au tout début de l’automne, en plein été indien… normal. Pour ceux qui n’ont pas tout suivi, voici un résumé des épisodes précédents. Dès l’été 2017, flairant le bon coup, Moto Revue Classic se rend à Chennai (ancienneme­nt baptisée Madras), dans les usines Royal Enfield, à la recherche des premières traces des twins. Sauf que là-bas, on ne trouve que des monos… Il faut attendre le Salon de Milan et une visite en Angleterre pour découvrir les deux engins et leurs spécificit­és techniques mais impossible de mettre le contact et de tracer la route… Pas découragée, la rédaction de MR Classic retourne en Inde en novembre 2017, à l’occasion de la fameuse Ridermania de Goa, pour une ultime tentative. On n’aura droit qu’à une 400 Himalayan et une bonne gamelle (voir MRC n° 96). En juin dernier pourtant, on a pu chevaucher le twin dans une version survitamin­ée pour affronter la course de côte du Wheels and Waves. Sauf qu’avec sa partie-cycle Harris, ses 865 cm3 gavés de protoxyde d’azote, l’engin n’a pas permis de se faire une idée précise du modèle de production.

Deux motos identiques dans leur conception

Mais aujourd’hui, les deux motos sont bien là, alignées dans la cour de l’hôtel et elles fonctionne­nt puisque des journalist­es australien­s viennent de rouler dessus. Pour les Français et les Anglais, ça commence le lendemain mais avant, il faut assister à un talk-show dont les Indiens ont le secret. Ça commence par un speech de Gordon May, l’historien maison néanmoins fort sympathiqu­e, qui cause autour d’une impression­nante 750 Intercepto­r de 1972 et d’une 250 Continenta­l GT de 1964 qui fait un peu peine à côté des deux twins modernes… Ensuite, on parle technique avec Marc Wells, le chef de projet, en admirant une très belle maquette en clay, un cadre et un twin écorché vif, le pauvre. Donc, dans l’ordre, on en apprend un peu plus sur le design, la partie-cycle et le moteur. Tout ça sous l’oeil bienveilla­nt de Siddarth Lal, le charismati­que PDG de la firme Eicher, la maison mère de Royal Enfield. Concernant le design, celui de la Continenta­l GT 650 est le même que celui de la Continenta­l GT 535, cette dernière disparaiss­ant du catalogue. Dorénavant, les amateurs de café racer anglo-indien rouleront en twin, un point c’est tout. Et pour l’intercepto­r, que l’on peut qualifier de roadster, la ligne est on ne peut plus simple, avec un réservoir rondouilla­rd et une selle biplace. Car au cas où vous ne l’aurez pas compris, à part l’habillage, les deux motos sont parfaiteme­nt identiques dans leur conception. Le cadre réalisé avec Harris (propriété de Royal Enfield) est, comme il se doit, un double berceau tubulaire en acier, simplement muni de deux amortisseu­rs et d’une fourche télescopiq­ue. On remarque que les berceaux du cadre sont démontable­s et qu’il est déjà capable de recevoir un moteur de plus grosse cylindrée, comme en témoignent les goussets de renfort de la colonne de direction. Les amortisseu­rs sont siglés Gabriel, une firme américaine créée en 1907, et les étriers de freins sont des Bybre, une marque appartenan­t à Brembo. Des éléments de qualité,

DORÉNAVANT, LES AMATEURS DE CAFÉ RACER ANGLOINDIE­N ROULERONT EN TWIN, UN POINT C’EST TOUT

simples et efficaces, on le verra plus tard. Allez, on passe au moteur, ce fameux 650 cm3 calé à 270° et muni d’un balancier d’équilibrag­e. Surprise, c’est un dénommé Takashi Yamamoto qui nous fait l’article. Non content d’avoir débauché de nombreux technicien­s de chez Triumph, les Indiens ont piqué ce Nippon à Keihin pour développer l’injection électroniq­ue et peaufiner la « calibratio­n » comme aiment à dire les Anglais. La calibratio­n, ce sont les réglages moteur qui permettent d’obtenir puissance et couple à tous les étages, ou presque. En tout cas, d’après notre Japonais, ce moteur dispose d’une souplesse étonnante. On voudrait juger par nous-mêmes, c’est quand qu’on va rouler ? En attendant, notre talkshow n’est pas terminé… On nous détaille maintenant la ligne d’accessoire­s que la marque a spécialeme­nt développée pour ces twins. Au milieu des pare-cylindres, saute-vent (deux tailles différente­s) et autres sabots moteur, on découvre une paire de silencieux spécialeme­nt conçus par les Américains de S&S. En revanche, pas de carénage de tête de fourche pour la Continenta­l GT ou de réservoir goutte d’eau pour l’intercepto­r, du moins pas encore. S’ensuit une discussion fort sympathiqu­e avec le fameux Siddarth qui nous explique que le premier marché servi sera celui des États-unis et ce, dès le mois de janvier prochain. Pour l’europe – et donc la France –, il faudra attendre mars 2019. Et les prix ? Là encore, Siddarth ne peut nous communique­r que les tarifs américains mais ça vaut le détour : l’intercepto­r de base sera proposée à 5 799 dollars (soit 4 990 €), tandis que la Continenta­l GT s’affichera à 5 999 dollars (soit 5 172 €). Attention, on ne s’enflamme pas, aux USA, la TVA est beaucoup plus basse que chez nous. Pour avoir une idée des prix pratiqués en France, il faut ajouter 10 % ou, plus prudemment, attendre le Salon de Milan lorsque ceux-ci seront annoncés officielle­ment.

La mode des selles plates a encore frappé

Le jour se lève sur la Californie et il est temps d’aller rouler dans les environs de Santa Cruz, notre camp de base situé à une heure au sud de San Francisco. On commence par l’intercepto­r et son grand guidon agrémenté d’une barre style motocross. La position est bonne, très classique. Les commodos sont simples et dépouillés, de bonne facture. Idem pour les leviers, qui ne sont pas réglables. Un compteur et un compte-tours complètent le poste de pilotage. C’est parti pour une balade d’une centaine de kilomètres dans les montagnes environnan­tes. On utilise d’abord la Pacific Highway Coast 1 qui, comme son nom l’indique, longe l’océan Pacifique. On cruise tranquille­ment pour ne pas éveiller l’attention de la police en hélicoptèr­e. Le twin reprend sans rechigner dès les plus bas régimes lorsqu’il faut dépasser une voiture, la souplesse promise est bien là et les reprises sont bonnes. À 4 000 tr/min, on est à 100 km/h et le twin n’émet pas une vibration. Après une demi-heure, on arrive sur les fameuses petites routes de montagne. Paul, notre ouvreur, n’est autre que le test-rider de Royal Enfield, pilote en championna­t anglais à ses heures. Damned, à peine le temps d’enlever mon clignotant que la petite bande qui me précède a mis les bouts : elle accélère, cette petite bécane ! Ouvrons une parenthèse, ce sera fait. Quand je dis « petite bécane », ce n’est pas une image, la 650 Royal Enfield est réellement une moto de petite dimension, comme l’étaient les twins anglais des années 60. À côté, les twins néo-classiques, comme feue la W800 ou la Triumph 900 Street Twin sont plus massives. Pour preuve de cette taille de guêpe, les deux protection­s placées de part et d’autre des culasses et qui évitent de se brûler les genoux lorsqu’on pilote la 650. Fermons la parenthèse et ouvrons les gaz car, en digne représenta­nts de la Perfide Albion, les journalist­es anglais ont tenté de me semer. L’adhérence des Pirelli Phantom montés d’origine est excellente et grâce à leur taille réduite et au grand guidon, l’intercepto­r se balance d’un virage à l’autre sans retenue. Je retrouve enfin mes confrères dans une stationser­vice et j’en profite pour refaire le plein. Le joli petit bouchon de réservoir type Monza ferme à clef mais l’intercepto­r n’a pas de béquille centrale. On repart bille en tête sur une route large et ponctuée de grandes courbes qui se prennent à fond. L’occasion de tester la tenue de route à vitesse plus élevée. Là encore,

la Royal Enfield est impeccable avec peutêtre l’impression d’un avant un peu léger sans doute dû au grand guidon. On verra demain avec la Continenta­l GT. Point négatif tout de même, le confort de la selle est un peu juste après quelques heures de roulage. La mode des selles plates chères aux hipsters a frappé. Dommage. Vendredi, on se retrouve sur le même parcours mais avec le café racer.

« À l’aspi du meneur et plein d’anglais à mes trousses »

Bizarre, cette région : lorsqu’on longe la côte, on se croirait en Normandie et dès qu’on entre dans les terres, c’est la Provence ! Autre bizarrerie, ce matin, j’avais décidé de mettre la pédale douce et je me retrouve à l’aspi derrière Paul, le meneur, avec plein d’anglais à mes trousses : une pure ambiance de Tourist Trophy ! Bien sûr, les bracelets incitent un peu plus à l’attaque, bien qu’ils soient placés haut. De même, la selle (à dosseret) plus basse et le réservoir plus volumineux permettent d’adopter une position plus sportive. Comme les suspension­s et le freinage sont à la hauteur, ça peut inciter à la fantaisie, mais il ne faut pas en abuser. Je profite d’un arrêt pour ausculter la 650. Comme je l’ai dit plus haut, tout est simple et sans fioritures et si le degré de finition n’atteint pas celui d’une Triumph 1200 Thruxton, c’est parce que le constructe­ur d’hinckley a placé la barre très haut. En revanche, la Royal Enfield n’a pas à rougir face à beaucoup de machines japonaises. On peut juste constater que si les pattes de phare sont de jolie facture, les clignotant­s montés dessus sont un peu cheap. Il faut bien que je trouve un défaut ou deux, sinon les lecteurs vont penser que je suis acheté ! Reste qu’il faudra tester la machine sur une longue durée pour juger de sa fiabilité mais depuis le monocylind­re 500 EFI apparu il y a dix ans et les standards de fabricatio­n japonais adoptés à l’époque dans la nouvelle usine, je n’ai guère de doute à ce sujet. Sur le chemin du retour, je prends le parti de rouler nez au vent, en profitant pleinement du paysage. Bracelets ou pas, la Royal Enfield se transforme à nouveau en une paisible moto de moyenne cylindrée à mettre entre toutes les mains. À n’en pas douter, le constructe­ur indien va faire un malheur. Il faudra juste être patient pendant quelques mois. ❖

UNE PAISIBLE MOTO DE MOYENNE CYLINDRÉE À METTRE ENTRE TOUTES LES MAINS

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1- Côte à côte, trois génération­s d’intercepto­r. La 650 reprend le flambeau quasiment 50 ans après l’arrêt de la production des twins anglais. 2- Machines peu imposantes, les Royal Enfield devraient séduire la clientèle féminine.

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