ESSAI DES TWINS 650
Un an après leur présentation, MR Classic a enfin pu rouler sur les nouvelles Royal Enfield bicylindres. L’attente n’a pas été vaine, puisque les 650 angloindiennes sont plus que séduisantes.
Ça y est, nous avons essayé les bicylindres 650 Continental GT & 650 Interceptor.
Cette fois, on y est. Après quasiment une année d’attente, on a enfin pu poser nos fesses sur ces fameuses Royal Enfield car le plus beau des bimestriels a été convié au lancement mondial des tant attendues Continental GT (double page précédente) et Interceptor 650 (ci-contre). Et c’est en Californie que ça s’est passé, au tout début de l’automne, en plein été indien… normal. Pour ceux qui n’ont pas tout suivi, voici un résumé des épisodes précédents. Dès l’été 2017, flairant le bon coup, Moto Revue Classic se rend à Chennai (anciennement baptisée Madras), dans les usines Royal Enfield, à la recherche des premières traces des twins. Sauf que là-bas, on ne trouve que des monos… Il faut attendre le Salon de Milan et une visite en Angleterre pour découvrir les deux engins et leurs spécificités techniques mais impossible de mettre le contact et de tracer la route… Pas découragée, la rédaction de MR Classic retourne en Inde en novembre 2017, à l’occasion de la fameuse Ridermania de Goa, pour une ultime tentative. On n’aura droit qu’à une 400 Himalayan et une bonne gamelle (voir MRC n° 96). En juin dernier pourtant, on a pu chevaucher le twin dans une version survitaminée pour affronter la course de côte du Wheels and Waves. Sauf qu’avec sa partie-cycle Harris, ses 865 cm3 gavés de protoxyde d’azote, l’engin n’a pas permis de se faire une idée précise du modèle de production.
Deux motos identiques dans leur conception
Mais aujourd’hui, les deux motos sont bien là, alignées dans la cour de l’hôtel et elles fonctionnent puisque des journalistes australiens viennent de rouler dessus. Pour les Français et les Anglais, ça commence le lendemain mais avant, il faut assister à un talk-show dont les Indiens ont le secret. Ça commence par un speech de Gordon May, l’historien maison néanmoins fort sympathique, qui cause autour d’une impressionnante 750 Interceptor de 1972 et d’une 250 Continental GT de 1964 qui fait un peu peine à côté des deux twins modernes… Ensuite, on parle technique avec Marc Wells, le chef de projet, en admirant une très belle maquette en clay, un cadre et un twin écorché vif, le pauvre. Donc, dans l’ordre, on en apprend un peu plus sur le design, la partie-cycle et le moteur. Tout ça sous l’oeil bienveillant de Siddarth Lal, le charismatique PDG de la firme Eicher, la maison mère de Royal Enfield. Concernant le design, celui de la Continental GT 650 est le même que celui de la Continental GT 535, cette dernière disparaissant du catalogue. Dorénavant, les amateurs de café racer anglo-indien rouleront en twin, un point c’est tout. Et pour l’interceptor, que l’on peut qualifier de roadster, la ligne est on ne peut plus simple, avec un réservoir rondouillard et une selle biplace. Car au cas où vous ne l’aurez pas compris, à part l’habillage, les deux motos sont parfaitement identiques dans leur conception. Le cadre réalisé avec Harris (propriété de Royal Enfield) est, comme il se doit, un double berceau tubulaire en acier, simplement muni de deux amortisseurs et d’une fourche télescopique. On remarque que les berceaux du cadre sont démontables et qu’il est déjà capable de recevoir un moteur de plus grosse cylindrée, comme en témoignent les goussets de renfort de la colonne de direction. Les amortisseurs sont siglés Gabriel, une firme américaine créée en 1907, et les étriers de freins sont des Bybre, une marque appartenant à Brembo. Des éléments de qualité,
DORÉNAVANT, LES AMATEURS DE CAFÉ RACER ANGLOINDIEN ROULERONT EN TWIN, UN POINT C’EST TOUT
simples et efficaces, on le verra plus tard. Allez, on passe au moteur, ce fameux 650 cm3 calé à 270° et muni d’un balancier d’équilibrage. Surprise, c’est un dénommé Takashi Yamamoto qui nous fait l’article. Non content d’avoir débauché de nombreux techniciens de chez Triumph, les Indiens ont piqué ce Nippon à Keihin pour développer l’injection électronique et peaufiner la « calibration » comme aiment à dire les Anglais. La calibration, ce sont les réglages moteur qui permettent d’obtenir puissance et couple à tous les étages, ou presque. En tout cas, d’après notre Japonais, ce moteur dispose d’une souplesse étonnante. On voudrait juger par nous-mêmes, c’est quand qu’on va rouler ? En attendant, notre talkshow n’est pas terminé… On nous détaille maintenant la ligne d’accessoires que la marque a spécialement développée pour ces twins. Au milieu des pare-cylindres, saute-vent (deux tailles différentes) et autres sabots moteur, on découvre une paire de silencieux spécialement conçus par les Américains de S&S. En revanche, pas de carénage de tête de fourche pour la Continental GT ou de réservoir goutte d’eau pour l’interceptor, du moins pas encore. S’ensuit une discussion fort sympathique avec le fameux Siddarth qui nous explique que le premier marché servi sera celui des États-unis et ce, dès le mois de janvier prochain. Pour l’europe – et donc la France –, il faudra attendre mars 2019. Et les prix ? Là encore, Siddarth ne peut nous communiquer que les tarifs américains mais ça vaut le détour : l’interceptor de base sera proposée à 5 799 dollars (soit 4 990 €), tandis que la Continental GT s’affichera à 5 999 dollars (soit 5 172 €). Attention, on ne s’enflamme pas, aux USA, la TVA est beaucoup plus basse que chez nous. Pour avoir une idée des prix pratiqués en France, il faut ajouter 10 % ou, plus prudemment, attendre le Salon de Milan lorsque ceux-ci seront annoncés officiellement.
La mode des selles plates a encore frappé
Le jour se lève sur la Californie et il est temps d’aller rouler dans les environs de Santa Cruz, notre camp de base situé à une heure au sud de San Francisco. On commence par l’interceptor et son grand guidon agrémenté d’une barre style motocross. La position est bonne, très classique. Les commodos sont simples et dépouillés, de bonne facture. Idem pour les leviers, qui ne sont pas réglables. Un compteur et un compte-tours complètent le poste de pilotage. C’est parti pour une balade d’une centaine de kilomètres dans les montagnes environnantes. On utilise d’abord la Pacific Highway Coast 1 qui, comme son nom l’indique, longe l’océan Pacifique. On cruise tranquillement pour ne pas éveiller l’attention de la police en hélicoptère. Le twin reprend sans rechigner dès les plus bas régimes lorsqu’il faut dépasser une voiture, la souplesse promise est bien là et les reprises sont bonnes. À 4 000 tr/min, on est à 100 km/h et le twin n’émet pas une vibration. Après une demi-heure, on arrive sur les fameuses petites routes de montagne. Paul, notre ouvreur, n’est autre que le test-rider de Royal Enfield, pilote en championnat anglais à ses heures. Damned, à peine le temps d’enlever mon clignotant que la petite bande qui me précède a mis les bouts : elle accélère, cette petite bécane ! Ouvrons une parenthèse, ce sera fait. Quand je dis « petite bécane », ce n’est pas une image, la 650 Royal Enfield est réellement une moto de petite dimension, comme l’étaient les twins anglais des années 60. À côté, les twins néo-classiques, comme feue la W800 ou la Triumph 900 Street Twin sont plus massives. Pour preuve de cette taille de guêpe, les deux protections placées de part et d’autre des culasses et qui évitent de se brûler les genoux lorsqu’on pilote la 650. Fermons la parenthèse et ouvrons les gaz car, en digne représentants de la Perfide Albion, les journalistes anglais ont tenté de me semer. L’adhérence des Pirelli Phantom montés d’origine est excellente et grâce à leur taille réduite et au grand guidon, l’interceptor se balance d’un virage à l’autre sans retenue. Je retrouve enfin mes confrères dans une stationservice et j’en profite pour refaire le plein. Le joli petit bouchon de réservoir type Monza ferme à clef mais l’interceptor n’a pas de béquille centrale. On repart bille en tête sur une route large et ponctuée de grandes courbes qui se prennent à fond. L’occasion de tester la tenue de route à vitesse plus élevée. Là encore,
la Royal Enfield est impeccable avec peutêtre l’impression d’un avant un peu léger sans doute dû au grand guidon. On verra demain avec la Continental GT. Point négatif tout de même, le confort de la selle est un peu juste après quelques heures de roulage. La mode des selles plates chères aux hipsters a frappé. Dommage. Vendredi, on se retrouve sur le même parcours mais avec le café racer.
« À l’aspi du meneur et plein d’anglais à mes trousses »
Bizarre, cette région : lorsqu’on longe la côte, on se croirait en Normandie et dès qu’on entre dans les terres, c’est la Provence ! Autre bizarrerie, ce matin, j’avais décidé de mettre la pédale douce et je me retrouve à l’aspi derrière Paul, le meneur, avec plein d’anglais à mes trousses : une pure ambiance de Tourist Trophy ! Bien sûr, les bracelets incitent un peu plus à l’attaque, bien qu’ils soient placés haut. De même, la selle (à dosseret) plus basse et le réservoir plus volumineux permettent d’adopter une position plus sportive. Comme les suspensions et le freinage sont à la hauteur, ça peut inciter à la fantaisie, mais il ne faut pas en abuser. Je profite d’un arrêt pour ausculter la 650. Comme je l’ai dit plus haut, tout est simple et sans fioritures et si le degré de finition n’atteint pas celui d’une Triumph 1200 Thruxton, c’est parce que le constructeur d’hinckley a placé la barre très haut. En revanche, la Royal Enfield n’a pas à rougir face à beaucoup de machines japonaises. On peut juste constater que si les pattes de phare sont de jolie facture, les clignotants montés dessus sont un peu cheap. Il faut bien que je trouve un défaut ou deux, sinon les lecteurs vont penser que je suis acheté ! Reste qu’il faudra tester la machine sur une longue durée pour juger de sa fiabilité mais depuis le monocylindre 500 EFI apparu il y a dix ans et les standards de fabrication japonais adoptés à l’époque dans la nouvelle usine, je n’ai guère de doute à ce sujet. Sur le chemin du retour, je prends le parti de rouler nez au vent, en profitant pleinement du paysage. Bracelets ou pas, la Royal Enfield se transforme à nouveau en une paisible moto de moyenne cylindrée à mettre entre toutes les mains. À n’en pas douter, le constructeur indien va faire un malheur. Il faudra juste être patient pendant quelques mois. ❖
UNE PAISIBLE MOTO DE MOYENNE CYLINDRÉE À METTRE ENTRE TOUTES LES MAINS