Moto Revue Classic

CONCEPT STORE

- Texte : Guillaume Fatras – Photos : Alexandre Krassovsky

Bernard Bourasseau à Cerisay, premier de cordée côté "concept store" Royal Enfield.

C’est dans les Deux-sèvres, à Cerizay, que Bernard Bourasseau a posé sa boîte à outils il y a plus de 30 ans. Depuis, le bouclard s’est transformé en « concept store » Royal Enfield. Un bon moyen de lutter contre la désertific­ation des campagnes !

Il fut un temps, où, en ma qualité d’essayeur le plus lent de la rédaction, j’étais invariable­ment abonné aux essais de Royal Enfield, dont les 500 étaient superbemen­t snobées par les autres journalist­es. J’ai essayé des fontes, puis des EFI quand l’électroniq­ue a changé la Bullet. Les préparatio­ns café racer – « tu as vu, 30,5 chevaux au lieu de 27, ça fait vraiment une différence ! » –, les bobbers, la 5e vitesse (wahouu !), les anciennes comme la Meteor, etc. Et puis Royal Enfield semble, depuis quatre ans, avoir passé la surmultipl­iée : la Bullet ne devient plus l’unique plat indien au menu, les séries limitées comme la Pegasus le rendent plus épicé, la Continenta­l GT et son moteur gonflé débarquent, suivis de l’himalayan,trail-bike atypique et bien pensé… Enfin, les twins révélés cet automne achèvent la mise en orbite de la marque qui devient terribleme­nt désirable.

« J’ai jamais été champion de rien »

Bernard Bourasseau vit, lui, dans cette galaxie depuis maintenant des années. Historique du réseau français Royal Enfield, il a toujours baigné dans le métier. Son père vendait déjà des motos en 1954 et il emmenait sa mère à la maternité dans le panier de la GnomeRhône… Du coup, le petit Bernard faisait le trajet inverse quelques jours plus tard, déjà à moto alors qu’il venait de naître… En 1985, il s’installe à son compte à Cerizay, bourgade des Deux-sèvres. On lui prête un garage qui ferme à peine et il répare tout ce qui roule : vélo, cyclo, moto… mais aussi tout ce qui laboure, bine et sarcle, car la motocultur­e, ce n’est pas que dans les livres. Un vrai bouclard de campagne dans lequel le mécano du coin vous sort toujours de l’ornière et répare tout ce qui porte piston. Chez les Bourasseau, on tâte du motocross avec talent, le frère est champion du Poitou, le fiston devient champion de Vendée en Ufolep. « Moi, j’ai jamais été champion de rien du tout, avoue Bernard, mais je me suis fait plein de copains et on a sacrément bien rigolé. » La Montesa de la période héroïque fait désormais office de déco dans le magasin, Bernard roulant

avec ses Enfield personnell­es et quelques populaires chères à son coeur, Terrot ou Motobécane. Une très belle Royal Enfield modèle J de 1932, qu’un client lui laisse en dépôt au magasin, rappelle son attachemen­t aux anciennes. Une année, il a même organisé l’étape poitevine du Tour de France en anciennes, sacrifiant son budget pub annuel pour accueillir la troupe de valeureux sur leurs avant-guerre. Car c’est ça aussi, les Ets Bourasseau ; les clients peuvent débarquer le midi avec leur casse-croûte qu’on partage sur la grande table en bois de rose venue d’inde. Tels Christophe et Hugues qui rentrent du raid Transat Verte où leurs Himalayan – le fameux trail de la marque – les ont trimballés par les chemins de Versailles à l’île de Ré. Ils ramènent les motos en révision avant de repartir pour La Baule. Bernard les a aussi emmenés en Inde, où il se rend trois fois l’an ; il roule du Bengale au Rajahstan, visite les usines de sa marque, mange à la cantine avec les ouvriers dans des gamelles en tôle emboutie. « Là-bas, tous les gens sourient, qu’ils soient pauvres ou riches, et plus encore, quand ils sont sur une RE. » De ses voyages, Bernard a rapporté des curiosités, à commencer par l’unique créature à deux roues du Docteur Rudolph. « La diesel, je l’ai trouvée en Inde, chez un gars qui en présentait cinq ; des essences, des gazoles de toutes les couleurs. C’était comme une portée de chiots, j’ai pas eu le coeur de les séparer, je les ai achetées les cinq et les ai ramenées ici. » Du coup, il démarre ce curieux engin... La diesel, c’est quelque chose, comptez 7 à 8 chevaux grand max ! Un gros volant moteur permet d’entraîner le bousin jusqu’à 80 km/h et de monter les côtes,

« UN GARS PRÉSENTAIT CINQ MOTOS. C’ÉTAIT COMME UNE PORTÉE DE CHIOTS, J’AI PAS EU LE COEUR DE LES SÉPARER »

enfin sur la 500, la version 325 cm3 est plutôt réservée aux sorties en plaine. Bernard adore l’enfield diesel (est-ce que ça lui rappelle les motoculteu­rs ?) et s’est employé à les importer. Une quarantain­e trouveront acquéreurs, il entamera un bras de fer homérique avec la FFVE qui était censée lui éditer les cartes grises. « Cette moto, c’est super, ça consomme 1,5 l au 100, donc avec le réservoir de 24 litres, on fait le plein quasiment tous les 1000 km… Avec cette machine, je me suis fait un tas de copains dans la moto ancienne. »

Cerizay, centre du triangle des Bermudes

Aujourd’hui, Bernard s’est rangé des motoculteu­rs et des cycles et peut vivre uniquement de sa passion des Royal Enfield. On croirait Cerizay perdu au milieu du Poitou mais la bourgade est en fait au centre d’un triangle des Bermudes, à 100 km d’angers, de Poitiers et de Nantes. Tout l’ouest est aimanté par le nouveau concept store Enfield qu’il a monté il y a deux ans avec la marque et l’importateu­r. Bernard tutoie maintenant la centaine de motos vendues par an. « On aurait pu doubler la mise si les twins avaient été là cette année, confie-t-il. Travailler avec des Enfield, c’est super, les gens sont gentils, c’est une mentalité à part. Même s’il y a un problème sur une moto, on sait que ça va se régler sans faire de vagues. » L’autre coup de coeur des Ets Bourasseau, c’est le sidecar, l’importateu­r français lui ayant donné l’exclusivit­é pour atteler les Bullet. Il trouve les paniers Cozy à Bombay, remplit un container, qui arrivera quelques semaines plus tard au Havre. « Les side-cars, c’est compliqué, c’est du boulot avec les autorités, mais au moins, les choses sont faites dans les règles. Les sides sont bien homologués avec du matériel sérieux. » Rouler différent et sympa, c’est l’essence même de l’enfield sauce Bourasseau. ❖

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