Moto Revue Classic

XSR 700 SAKURA

Brice Hennebert, de l’atelier Workhorse Speedshop, a transformé une brave XSR 700 en une redoutable machine de sprint.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : Lionel Beylot & Antoine Hotermans

Brice Hennebert, de Workhorse Speedshop, a transformé une XSR 700 en bête de course.

Àl’origine de la passion de Brice Hennebert, Belge de 34 ans, il y a un père qui roule en Moto Guzzi. On est au début des années 90 et le pater n’hésite pas à transforme­r les twins italiens en café racer. Pire, il importe aussi une quinzaine de side-cars Ural de Russie qu’il revend à des amis. Brice n’a que dix ans et se souvient encore d’un voyage en Corse avec cinq attelages soviétique­s. Il ne se privait d’ailleurs pas de prendre le guidon, histoire de se faire la main. Puis arrivent deux Yamaha XT – une 500 et une 350 –, avec lesquelles il s’évade dans les chemins. Le virus semblait avoir aussi touché le fils mais celui-ci quitte Louvain, sa ville natale, pour aller poursuivre des études dans l’industrie graphique et la publicité : il ne s’intéresse plus guère aux deuxroues motorisés… « Et puis au bout d’un moment, ça m’a repris, explique Brice. J’ai racheté une Honda CB 750 Seven Fifty et un jour, je suis tombé sur un article parlant des préparateu­rs danois Wrench Monkeys et j’ai découvert que l’on pouvait transforme­r une japonaise en café racer… » Eh oui, dans les années 80 et 90, les motards hardcore, pour ne pas dire intégriste­s, se penchent uniquement sur les motos européenne­s pour évoquer le passé et toute l’industrie nippone avec ses motos carénées est honnie. Le père de Brice n’a pas échappé à la tendance.

104 ch pour 160 kg : le compte est bon !

Pourtant, dans l’atelier de ce dernier traîne sur une étagère un kit selleréser­voir Rickman. À l’approche de son anniversai­re, Brice explique à son père qu’il serait comblé de le recevoir en cadeau. Et voilà comment la banale Seven Fifty se retrouve habillée d’un ensemble anglais ! « Un pote m’a aidé à le monter. Il m’a aussi appris à souder, je l’ai menacé de le solliciter sans arrêt ! » , précise Brice. Ce dernier est tellement content de sa première préparatio­n qu’il décide d’en faire son métier. On est en 2012 et il s’associe avec un certain Olivier pour ouvrir Kruz Company à Bruxelles : « On a monté cinq bécanes dont une Laverda 750 SF Scrambler qui a fait causer… » L’associatio­n fait long feu et les deux compères se séparent un an après. Brice ne compte pas en rester là mais il accuse un peu le coup : « Je me suis retrouvé tout seul dans l’atelier de mon père et sans matos, mais je savais que c’était ce que je voulais faire et j’ai persévéré… » Heureuseme­nt, le hasard va lui donner un coup de pouce. Suite à une petite annonce, son père se rend chez un particulie­r qui vend des pièces de Harley-davidson. Dans le garage de ce gars dort tout l’outillage pour former le métal, le rêve de Brice en quelque sorte. Ancien tôlier-formeur handicapé par une paralysie du bras, le biker cède le tout à vil prix à notre homme qui peut enfin se lancer sérieuseme­nt et se met à fabriquer des supports de selle, des pots, etc. Brice devient aussi un as de la soudure à force

de pratiquer : « J’ai bossé dans le tatouage pendant quelque temps à Bruxelles et j’ai toujours trouvé qu’il y avait une parenté entre la machine à tatouer et la soudure TIG… » S’il le dit. L’atelier baptisé Workhorse Speedshop propose sa première réalisatio­n sur base de BMW ninet, une machine aux couleurs de Valvoline et tout en aluminium. Le flat-twin fera sensation aux Wheels and Waves dans la fameuse course de côte baptisée Punks Peak. Brice rêve déjà de participer au fameux championna­t Sultans of Sprint mais, par manque de moyens, il doit se contenter de l’épreuve basque, qui est d’ailleurs hors championna­t ! Sébastien Lorentz, organisate­ur des « Sultans », décide de lui apporter son aide en le mettant en contact avec Antoine Clémot de Yamaha Europe. Sébastien a créé une catégorie Factory – usine en bon français –, réservée comme il se doit aux machines élaborées avec un coup de main des constructe­urs. Bingo, dans le cadre du programme de préparatio­n Yard Built, Antoine propose à Brice de réaliser une moto de sprint sur la base d’une XSR 700 : il finance le projet, paye tous les déplacemen­ts et lui fournit deux motos ! « J’ai eu droit à la XSR 700 car le moteur de cette moto est porteur et je ne pouvais pas interrompr­e la constructi­on du prototype pendant que le propulseur était en préparatio­n. » Au diable, l’avarice ! En février dernier, Brice commence la constructi­on de ce qui sera la plus petite moto de la catégorie (les quatre autres cubent 1 200 cm3 puisqu’il s’agit de deux BMW ninet, d’une Indian Scout

« J’AI BOSSÉ DANS LE TATOUAGE ET J’AI TOUJOURS TROUVÉ UNE PARENTÉ ENTRE LA MACHINE À TATOUER ET LA SOUDURE TIG... »

et une Triumph Thruxton). Ça ne l’empêche pas de devoir se plier au règlement qui impose un rapport puissance/poids de 0,65 cheval pour un kilo. Il commence donc par démonter la XSR 700 et enlève tout ce qui ne sert à rien en sachant que le cadre doit rester d’origine. Arrivé à 160 kg, Brice juge que l’objectif est atteint. Car pendant ce temps, Fabien Lamy, patron de Flybike, a travaillé sur le moteur. Avec sa culasse préparée, ses soupapes en titane, ses pistons forgés Wiseco, ses bielles Carillo, sa pompe à huile à haut débit, ses injecteurs de plus gros diamètres et son allumage Yamaha Racing, le brave twin développe 84 chevaux auxquels on peut en ajouter 20 grâce à l’injection de protoxyde d’azote. 104 chevaux pour 160 kilos : le compte est bon ! Car si les autres concurrent­s affichent des puissances supérieure­s à 150 chevaux, sur la balance, l’aiguille flirte avec les 210 kilos… Après avoir réalisé un bras oscillant maison rallongé de 20 % comme l’indique le règlement, Brice s’attaque à l’habillage de la Sakura puisque c’est ainsi qu’il l’a baptisée.

« Le radiateur servait à refroidir un gros ordinateur ! »

Pour le faux réservoir, il récupère les deux caches montés sur le réservoir d’origine et les accouple. Antoine lui a demandé de conserver un élément d’origine, c’est fait ! Le même Antoine lui a aussi demandé d’utiliser L’ADN de la marque et Brice a décidé de s’inspirer de la FZR 750 de 1985 qui avait remporté les 8 Heures de Suzuka avec Roberts et Taira et participé au Bol d’or avec Sarron, Espié et Cornu. « J’avais en tête la moto de Roberts avec la grosse “boîte aux lettres” devant mais aussi ce coloris incroyable rose-mauve car elle était sponsorisé­e par une marque japonaise de cosmétique ! » Minutieux, Brice commande une maquette au 1/24e de cette machine et le magazine japonais Racer qui lui est entièremen­t consacré. Et le voilà à plier de la tôle d’alu pour réaliser un carénage qui va permettre de cacher le moteur… Il se consacre ensuite à la réalisatio­n de l’échappemen­t et se rend compte que, par manque de place, il ne pourra pas le faire passer par en dessous. Pas grave, il cheminera sur le côté. Dans le même ordre d’idée, comme l’électroniq­ue se trouve là où est habituelle­ment le réservoir d’essence, celui-ci est déplacé devant le moteur et du coup, il prend la place du radiateur.

Ainsi ce dernier se retrouve-t-il dans le nez du carénage, dans la fameuse “boîte aux lettres” ! « Ça a entraîné un gros boulot sur le circuit de refroidiss­ement et pour l’anecdote, le radiateur servait normalemen­t à refroidir un gros ordinateur ! » , explique Brice. La fourche Öhlins provient d’une machine de Superbike préparée par Flybike, tandis que les roues, étonnement légères, sont celles d’origine. Il restait à peindre la moto mais comme les coloris Shiseido (le fameux fabricant de cosmétique) n’emballaien­t pas les gens de chez Yamaha, Brice a proposé de reprendre ceux du sponsor de la FZR 750 du Bol d’or, Gauloises Blondes, qui seront ensuite repris par Yamaha sur certaines motos de série. Et voilà la Sakura alignée pour le premier sprint de l’année à Monza, au printemps. La moto a été terminée deux heures avant de partir de Belgique après 600 heures de travail. Elle manquait donc de mise au point et Andy, un ami de Brice qui s’est improvisé pilote à la place du champion d’endurance Nicolo Canepa, n’a pu faire mieux que quatrième. Sur cinq, rappelons-le. Mais Brice n’est pas trop déçu, la moto est là et elle fonctionne. À Spa, pour la 2e manche en plein mois de juillet caniculair­e, Andy, qui a repris du service, finit 3e malgré un shifter récalcitra­nt qui empêche de passer le 3e rapport… À Glemseck, en septembre, le blogueur allemand Jens Kuck prend une belle 2e place avec un shifter qui fonctionne ! Arrive la manche française de Saint-raphaël avec Tom Pagès (pilote de freestyle) au guidon. Il ne fera pas de détail en s’imposant aux grosses européenne­s et en permettant ainsi à la Sakura de prendre la 2e place au classement général de la catégorie ! Et si l’année prochaine, Yamaha avait la bonne idée de confier la Sakura à Christian Sarron pour un run de démonstrat­ion à l’occasion du Bol d’or, ça aurait de la gueule, non ? ❖

« J’AVAIS EN TÊTE LA MOTO DE ROBERTS AVEC LA GROSSE “BOÎTE AUX LETTRES” DEVANT ET CE COLORIS ROSE INCROYABLE »

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Vous trouvez que la XSR 700 ressemble à une moto des années 80 ? C’est normal, son créateur adore la FZR 750 de 1985. Vous trouvez aussi que le bras oscillant est plus long que celui d’origine ? C’est normal aussi.
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1- Sous la selle minimalist­e, la bonbonne de protoxyde d’azote et le manomètre de pression. 2- La batterie spéciale provient d’une voiture de course. Attention de ne pas se brûler sur l’échappemen­t. 3- Tom Pagès durant son run victorieux à Saint-raphaël en septembre dernier. 4- Pour gagner, il faut aussi savoir tourner la poignée dans le bons sens...
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1- Tom Pagès et Brice Hennebert (le barbu en tongs) sont plutôt contents après la victoire de Saint-raphaël. 2- Le gros silencieux pointe vers le ciel tel un canon anti-aérien. 3- Avant son premier run, Tom Pagès ajuste sa position de conduite. Notez l’étrier de frein IRC à six pistons. 4- Au guidon, on découvre l’énorme comptetour­s. À droite de celui-ci, une petite lampe s’allume lorsqu’il faut changer de rapport. 1
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