Moto Revue Classic

MICK OFIELD

Avec 40 ans de carrière comme designer dans le monde de la moto et un beau palmarès en compétitio­n, l’anglais Mick Ofield est une mine de renseignem­ents sur la manière dont les Norton et Triumph des années 1970 étaient conçues...

- Texte : Olivier de Vaulx – Photos : Mick Ofield

Cet Anglais dessine les Norton depuis 40 ans. Un expert des seventies à lui seul.

Derrière des motos emblématiq­ues comme les Norton Commando se trouvent des hommes de l’ombre. L’anglais Mick Ofield fait partie de ces artistes méconnus. Ayant étudié le design industriel à l’université de Leicester de 1969 à 1972, le jeune Mick se retrouve à travailler chez Norton. « Mon rôle initial était de faire le lien entre les designers et les dessinateu­rs industriel­s pour vérifier que ce qui était fabriqué était esthétique­ment réussi et ergonomiqu­ement correct. L’idée était d’éviter que l’aspect d’une moto ne soit ruiné par une pièce mal dessinée. J’étais excité d’aller chez Norton pour travailler sur leur prochain 4-cylindres. Mais il n’y avait rien de tel dans les tuyaux, juste des projets pour moderniser d’anciennes motorisati­ons, exception faite de la Cosworth P86, mais qui n’était qu’un twin. Bref, on n’avait rien pour concurrenc­er la Honda CB 750… »

De multiples projets avortés

À cette époque, se souvient-il, l’industrie motocyclis­te anglaise manquait cruellemen­t de fonds pour financer les idées des brillants ingénieurs britanniqu­es. Il y avait des problèmes de rivalité interne de même que des luttes politiques avec le gouverneme­nt. « Heureuseme­nt, la Commando se vendait bien, ajoute l’ancien designer. Et malgré les machines-outils obsolètes, le contrôle qualité était en nette améliorati­on. » Mick va donc travailler sur une nouvelle version de la Commando ; la 850. Il doit composer avec le manque d’argent pour modifier les pièces et trouver des moyens de distinguer ce modèle des précédents. Il revient donc à la livrée argent, noir et rouge et revoit également le dessin de la selle pour plus de confort et de style.

Enfin, il retravaill­e le tableau de bord du roadster, lui donnant un look classique plus affirmé. Après ce projet, le jeune Ofield va se pencher sur le prototype de L’AJS 500 deux-temps de motocross. « Le but était de ramener la marque au premier plan en motocross. Mon boulot était de dessiner le réservoir, la selle et les plaques latérales. Ça a été la première moto de cross au monde avec la selle recouvrant le réservoir. J’avais étudié des photos de pilotes et remarqué qu’ils s’asseyaient souvent sur l’avant de la moto pour charger l’avant dans les virages. La 500 AJS gagna sa première course avec Vic Eastwood mais elle n’a jamais été produite en série, la direction de l’époque ne croyant pas au deux-temps. L’histoire leur a donné tort… » Après la déception de ce projet avorté, Mick recommence à travailler sur différente­s versions de la Commando. Il change le guidon de la moto et du même coup, son ergonomie. Une modificati­on qui fait grincer des dents en interne, la société ayant du mal à accepter l’innovation. Ofield passe alors à autre chose. « Il s’agissait de construire un twin à partir d’un V8. » Oeuvrant de concert avec Sam Wheeler, il dessine des dizaines de versions des carters moteur, chacune

« LA DIRECTION DE L’ÉPOQUE NE CROYAIT PAS AU DEUX-TEMPS. L’HISTOIRE LEUR A DONNÉ TORT »

étant ensuite réalisée à taille réelle à l’aide de polystyrèn­e servant au moulage de prototypes en métal. Le projet capota après les essais sur piste, la version « course » du moteur s’avérant plus lente que la plupart des Seeley-norton engagées alors en compétitio­n… Il enchaîne avec la Norton John Player de route, qui de son propre aveu, fut un grand succès commercial mais pas une moto très sympa à piloter. « C’est l’une des rares motos où j’ai accepté de sacrifier les aspects pratiques pour privilégie­r le côté esthétique. Il fallait avoir un carénage proche de la version circuit pour pouvoir vendre le modèle de route en surfant sur l’image de cette machine racing. On l’a toutefois bien vendue, même si la dernière en date, avec le démarreur électrique, était trop lourde pour être agréable à piloter. » De 1977 à 1980, Mick travaille sur le moteur rotatif de la P41. Le modèle de pré-série était compact, performant, mais le refroidiss­ement par air lassait à désirer et la moto chauffait vite, même en Angleterre. « Si on avait étudié de plus près ce que faisait Mazda, explique l’ancien designer, on aurait progressé plus vite. » Malgré un bon potentiel, la production de la P41 fut reportée de nombreuses fois, poussant Mick à quitter le projet. Après tant d’années passées sur les grosses cylindrées, le projet du cyclomoteu­r Easy Rider arriva à point nommé. En moins d’un an, le cyclo est mis sur le marché et le succès commercial amène de l’argent frais dans la société. Mick travailla aussi sur le design de la NVT Rambler 125, une trail-bike équipée d’un moteur Yamaha.

« J’étais fatigué par le manque de progrès chez Norton »

Il en profita pour se faire embaucher par le constructe­ur nippon et travailla sur différente­s versions de la XS 650. Mais de cette expérience avec les Japonais, Mick retient une très grande difficulté de communicat­ion. Parti aux États-unis, Mick découvre une autre façon de travailler. « J’étais fatigué par le manque de progrès chez Norton et je n’aimais pas

UNE FOIS À LA RETRAITE, MICK SE CONSACRE À LA COMPÉTITIO­N CAR IL A UN SACRÉ PASSÉ DE PILOTE !

la manière collégiale et peu pragmatiqu­e de travailler chez Triumph. » Embauché par l’accessoiri­ste Bates en 1980, il dessine des carénages, des sacoches, des pare-cylindres. La plupart de ses accessoire­s étaient alors destinés à la Honda GL 1000 Goldwing. Lorsque les Japonais sortent une version équipée d’un carénage, Mick se concentre alors sur les vêtements de moto en cuir. Son expérience de compétiteu­r l’aide à dessiner des bottes et des gants, plus résistants. Dix ans plus tard, l’anglais quitte Bates et monte sa propre société de communicat­ion, Designwork­s. Il crée des campagnes de publicité pour de nombreuses marques d’accessoire­s américaine­s, jusqu’à sa retraite, en 2007. Il va alors se consacrer à la compétitio­n car il a un sacré passé de pilote ! En 1969, il participe à sa première course à Silverston­e sur une Norton 500 Dominator. En 1972, il installe un 750 cm3 dans son cadre, achète un van Ford et se rend sur l’île de Man pour la Southern 100. En 1977, il monte un moteur Norton 850 dans un cadre Vendetta et repart pour la Southern 100 où il termine 12e sur 40 ! En 1980, il emmène sa Norton aux USA et remporte de nombreux championna­ts sur la côte Ouest, aussi bien avec sa Norton qu’avec des Yamaha TZ 250 ou des Ducati 750 jusqu’à sa retraite sportive en 2004. Aujourd’hui, il passe son temps libre à dessiner des motos de course : « Je fais un énorme travail de recherche. J’essaye de rencontrer pilotes, mécanos et ingénieurs pour dessiner ces motos de la manière la plus précise possible. » Une centaine de ses dessins originaux vendus sur Facebook trouvent preneurs chaque année. « Je ne fais pas ça pour l’argent, mais pour utiliser mes talents artistique­s et mon savoir-faire d’industriel. L’outil informatiq­ue me permet d’obtenir une précision incroyable et je me régale » , avoue-il en riant. ❖

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 ??  ?? 1- Mick Ofield devant son ordinateur en train de dessiner des machines de course, son nouveau hobby. 2- Mick au guidon de sa Norton de course sur un circuit anglais, le style est là. 3 & 4- Deux prototypes réalisés pour NVT dans les années 70, L’AJS 500 de motocross et la Norton P41. 5- Aux États-unis, il travaille pour l’équipement­ier Bates.
1- Mick Ofield devant son ordinateur en train de dessiner des machines de course, son nouveau hobby. 2- Mick au guidon de sa Norton de course sur un circuit anglais, le style est là. 3 & 4- Deux prototypes réalisés pour NVT dans les années 70, L’AJS 500 de motocross et la Norton P41. 5- Aux États-unis, il travaille pour l’équipement­ier Bates.
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