ESSAI CATHCART
Éric Offenstadt s’est inspiré de la technologie automobile pour construire son premier cadre-coque en 1971. Il récidive en 1972 avec un moteur de Kawa 750 H2. Essai et histoire.
Portrait d'éric Offenstadt et essai de sa Kawasaki 750 3-cylindres 2-temps.
Je n’avais jamais vu les monocoques Kawasaki Offenstadt en action, bien que vivant à Paris à la fin de 1969. Je me souviens cependant d’avoir lu dans les journaux qu’éric Offenstadt avait abandonné une carrière en automobile pour revenir à la moto. Il lui faudra encore deux ans avant de créer le cadre monocoque, alors que mon travail m’avait déjà mené ailleurs. Ce faisant, il a devancé Peter Williams et l’équipe Norton en construisant sa première moto de ce type deux années complètes avant la création de la monocoque JPN victorieuse au TT, et s’il n’a pas connu le même succès, le design était toutefois révolutionnaire – le deuxième après l’ossa monocylindre de Santiago Herrero. Mais à la fin des années 90, les planètes semblaient s’être enfin alignées. En effet, Gilles Hampe, ancien pilote moto, avait entrepris la restauration de la monocoque Offenstadt Kawasaki 750 pour permettre à son créateur de l’exposer au meeting historique Centennial TT à Assen. C’est aux Coupes Moto Légende, à Montlhéry, en 1999, que nous avons roulé ensemble, lui sur l’offenstadt, et moi alternant entre deux des motos les plus significatives de la superbe collection de 500 de mon ami Chris Wilson, sa Suzuki RG 500 XR 14 ex-barry Sheene et sa Kawasaki KR 500 ex-kork Ballington (une autre monocoque, réalisée cette fois par Kawasaki en 1981 !). C’était le paradis des deux roues. Car en plus, Gilles est l’un des plus rapides et des plus courtois des pilotes français, une star de la course auto classique, trois fois vainqueur du Bol d’or Classic sur une Kawasaki Godier-genoud (avec Alain Genoud lui-même comme
coéquipier). Nous nous sommes donc tous les deux familiarisés avec Montlhéry, et nous nous sommes amusés à faire le show devant une foule assez nombreuse. Alors que nous nous disions au revoir le dimanche après-midi, Gilles a prononcé les mots magiques : « Aimeriez-vous venir tester l’offenstadt un jour – et si oui, on pourrait peut-être demander à Éric d’être là ? » Il a fallu du temps pour arranger les choses, mais quelques années plus tard, nous nous sommes réunis sur le court – mais toujours agréable – circuit Carole près de l’aéroport Charles-de-gaulle. Offenstadt était là en personne pour me raconter son histoire et celle de la moto (voir encadré Portrait). J’ai ensuite découvert la monocoque Kawasaki sponsorisée par Baranne, peinte dans sa livrée tricolore, qui ne ressemble pas du tout à d’autres motos du début des années 70 que j’ai pilotées. La selle était assez basse, ce qui donnait l’impression d’être assis « dans » la moto plutôt que « sur » celle-ci, une position idéale pour l’anneau de Daytona, où le carénage assez large devait prendre tout son sens. Cependant, tout en étant indéniablement basse, l’offenstadt vous invitait à vous enrouler autour du cadre monocoque en aluminium ; elle s’est révélée très équilibrée, et s’est très
LORSQUE GILLES HAMPE A RESTAURÉ LA MONOCOQUE OFFENSTADT, JE ME SUIS DIT QUE LES PLANÈTES ÉTAIENT ENFIN ALIGNÉES
bien comportée dans les nombreux virages serrés de Carole, la direction étant saine et pas du tout sousvireuse, même lorsque j’ouvrais les gaz. Son poids réduit aussi (129 kg à sec, et recentré vers le bas) favorisait les changements de direction.
Certes, il n’y a pas beaucoup de poids à arrêter
J’ai toutefois été déçu par les freins. Certes, il n’y a pas beaucoup de poids à arrêter, et Carole n’est pas du tout comme Daytona en termes de vitesse, mais quand même, le mordant était du genre timide, et j’ai dû serrer assez fort pour que la moto s’arrête au bout des deux lignes droites pour entrer dans les épingles à cheveux sur le premier rapport. J’avais supposé que c’était parce que les disques étaient en aluminium que SMAC (la société d’offenstadt) produisait à l’époque. Comme les disques Hunt similaires montés sur la MV d’ago, ils peuvent avoir certains avantages : poids réduit
et faible effet gyroscopique mais ils manquent néanmoins cruellement de mordant. J’ai donc été surpris d’apprendre de Gilles qu’il s’agissait en fait de disques SMAC en fonte de 260 mm pincés par les étriers Lockheed de référence de l’époque. Un ensemble qui devrait se comparer aux disques en fonte Brembo et aux étriers Lockheed de pointe de la Ducati de Paul Smart, lors de sa victoire aux 200 Miles d’imola.
La puissance arrivait vers 5 000 tr/min
Malgré tout, le pilotage de l’offenstadt m’a paru très rationnel, même si je m’y suis trouvé un peu à l’étroit puisqu’il a été fait sur-mesure pour Éric, qui est un peu plus petit que moi. Grâce au moteur monté sur silentblocs dans le cadre, il y a relativement peu de vibrations. Merci à Gilles, qui s’est occupé de reconstruire le moteur. Beau boulot ! Ce dernier est moins sauvage que le H1R (vice-champion du monde 1970 avec l’australien Ginger Molloy) car le 750 H2 délivre à la fois plus de couple, comme on pouvait s’y attendre, mais aussi de manière plus douce. La puissance arrivait vers 5 000 tr/min et augmentait jusqu’à 7 000 tr/min mais ensuite, cette puissance retombait, alors qu’elle aurait dû encore augmenter jusqu’à plus de 8 000 tr/min. Nous avons essayé différents réglages de carburation, en vain, j’ai donc été obligé de jouer avec la boîte de vitesses pour rester dans le haut de la plage de puissance, ce qui n’était pas vraiment difficile sur un circuit aussi court.