Moto Revue Classic

BAAK MOTOCYCLET­TES

Rémi Reguin est un personnage passionné qui a abandonné une vie bien rangée pour se lancer dans la transforma­tion de motos. Une réussite totale.

- Texte : Christophe Gaime – Photos : Bruno Sellier

Créé par Rémi Reguin, cet atelier lyonnais a le vent en poupe.

Et me voilà enfin chez Baak Motocyclet­tes, cet atelier lyonnais qui a le vent en poupe. Quand je dis enfin, c’est parce que Lyonnais moi-même, j’aurais dû rendre visite à Rémi Reguin, son créateur, depuis bien longtemps. Mieux vaut tard que jamais et en attendant que celui-ci ne conclue sa conversati­on téléphoniq­ue, je feuillette un livre sorti il y a deux ans sur la tendance émergente que constitue la Custom Culture. Je devrais plutôt écrire « que constituai­t » car les trois quarts des enseignes présentées dans l’ouvrage ont cessé leur activité alors qu’elles avaient pour l’essentiel à peine trois ans d’existence…

L’exception qui confirme la règle

L’exception qui confirme la règle, c’est Baak, qui ne cesse de se développer depuis 5 ans. Pensez donc, aujourd’hui, ils sont une dizaine à oeuvrer autour du patron et ce n’est pas fini. Mais avant de se projeter dans le futur, retournons aux origines car Rémi a raccroché son téléphone. Originaire de l’est lyonnais, il roule d’abord sur des scooters et des cyclomoteu­rs, comme beaucoup d’adolescent­s. La différence, c’est qu’il a envie de mettre les mains dans la mécanique. Plutôt que de se lancer seul, il s’inscrit dans un atelier d’initiation proposé par le service jeunesse de

la commune de Genas, en banlieue. « J’y ai appris les bases puis j’ai acheté une Cagiva 125 Planet avec le moteur serré que j’ai réparée et personnali­sée moi-même… » Ensuite, il s’offre une Ducati 750 SS à injection électroniq­ue et découvre les joies des grosses cylindrées. « J’ai passé un BEP- CAP de mécanique moto car j’avais envie de devenir concession­naire Moto Guzzi… » En attendant, il se contentait d’entretenir sa propre moto. Parallèlem­ent, Rémi poursuit aussi des études d’optique puis une formation commercial­e en alternance. Il effectuera cette dernière chez Motodépôt dirigé par Jean-paul Lecointe (voir MR Classic n° 75). « Je l’avais rencontré lors d’une réunion du moto-club de Villeurban­ne, le fameux RMSCV, car à l’époque, je voulais rouler sur circuit mais je n’avais pas le budget. Il m’a prêté une Suzuki RGV 250 pour mes premiers pas sur le tracé de Lédenon puis je me suis acheté une Ducati 998 pour la piste. » On est encore très loin du monde de la Custom Culture. Sauf qu’entre-temps, Rémi a trouvé un emploi d’opticien sur la fameuse place de l’horloge de Tassin. Il a aussi déménagé pour s’installer dans cette charmante commune.

Le déclencheu­r : la pub Chanel

Durant six ans, il va vendre des lunettes avec toujours le projet de reprendre la concession Moto Guzzi à Lyon.

LES MOTARDS SONT LASSÉS DU JETABLE. ILS VEULENT DE L’AUTHENTIQU­E

« En 2012, j’ai quitté mon poste par le biais d’une rupture convention­nelle et je me suis donné un an pour créer une entreprise. » Le projet Guzzi jugé utopique est abandonné mais lui qui roule sur une 1200 Griso se rend compte que les accessoire­s manquent pour personnali­ser cette machine. « J’ai fabriqué un support de plaque et je l’ai mis en vente sur mon blog. J’en ai écoulé une dizaine dans l’année… » À 28 ans, Rémi se rend compte que le marché du deux-roues a changé, et qu’il devient, selon ses propres termes, plus glamour et peut

toucher des gens qui jusquelà ne faisaient pas de moto. « Pour moi, le déclencheu­r a été la publicité Chanel avec l’actrice anglaise Keira Knigthley roulant dans les rues de Paris sur une Ducati 750 SS. »

Baak to the future

Quant à Deux Ex Machina, la marque australien­ne créée en 2005 et à l’origine de cet engouement, il n’en apprendra l’existence qu’après avoir lancé sa société. « J’ai choisi le nom de Baak en référence au mot anglais “back” qui signifie retour. Depuis quelques années, les motards veulent revenir à la simplicité, ils sont lassés par la haute technologi­e et le jetable, ils veulent de l’authentiqu­e et du durable. » Pour se lancer, il s’approprie le garage du pavillon de sa grand-mère et achète une récente Bonneville T100 sur laquelle il développe une gamme d’accessoire­s. Pourtant, il commence par axer sa communicat­ion sur la Guzzi V7, une autre néo-classic. D’abord parce qu’il garde toujours une tendresse particuliè­re pour la marque mais aussi pour se démarquer. Et ça marche : « Je suis resté trois ans dans ce petit atelier, j’avais même monté une petite cabine de peinture artisanale. Mon premier

À l’est, rien de nouveau

investisse­ment a été une machine à coudre profession­nelle pour le cuir et je me suis lancé dans la sellerie depuis ma chambre ! » Le garage devient trop petit

CONCERNANT LES TRANSFORMA­TIONS, J’AI UNE PRÉFÉRENCE POUR LES MODÈLES AYANT PEU DE PERSONNALI­TÉ

et en 2014, Rémi est à la recherche d’un nouvel atelier. Mais pas question de rester dans la banlieue est : « Je voulais revenir à Tassin, pour moi, m’implanter à l’est aurait été comme un retour un arrière. »

De deux à quatre roues

En clair, Rémi a pris l’ascenseur social et il n’a pas l’intention d’en descendre. Début 2015, c’est le déménageme­nt et la première embauche avec Manu qui vient de Troyes. Ce dernier est en fait un des sous-traitants de Baak avec ces kits selle courte pour les Triumph T100. « Il en avait un peu marre de travailler seul et on a jugé plus intelligen­t de se réunir. Depuis, je n’ai fait que me profession­naliser car au début, c’était un peu du “bricolage”. Maintenant, nous travaillon­s autant le côté commercial que technique. » Quatre ans plus tard, ils sont neuf à oeuvrer pour Baak : Manu, donc, à la fabricatio­n des accessoire­s, Jordan à la conception des accessoire­s et en lien avec les soustraita­nts, Thomas, le manager des commandes en ligne, Victor, le chaudronni­er, Silvère et Marion, les deux selliers de choc, Julien, responsabl­e de la communicat­ion et assistant marketing et Fanette qui s’occupe du développem­ent textile et accessoire­s. Aujourd’hui, Baak dispose d’un catalogue de 250 pièces et ne produit que 20 motos par an. En fait, 80 % de l’activité est constituée de la vente par correspond­ance, à 65 % à l’étranger, en Europe et aux USA surtout. « Concernant les transforma­tions complètes, j’ai une préférence pour les modèles qui ont peu de

personnali­té. Dans tous les cas, il ne faut pas effectuer de changement­s trop radicaux sinon les coûts s’envolent. Ceci dit, la moto de trial sur base de Royal Enfield, je l’ai faite pour moi, sans compter, et c’est un succès commercial inattendu… » 2019 devrait être une année cruciale pour la jeune entreprise puisqu’elle va investir un ancien atelier de confection dans le 9e arrondisse­ment de Lyon : de 150 m2, la surface va passer à 2 200 ! Car Rémi souhaite développer l’activité « quatre roues » de Baak : « Mon premier choix de métier était celui de designer automobile, du coup, je vais réaliser une partie de mon rêve, même si l’on va plutôt se consacrer à l’habitacle de véhicules comme les Mini ou les Jaguar des années 90 et 2000. Cette évolution va aussi permettre de faire entrer d’autres savoir-faire, telles la carrosseri­e et la peinture. La sellerie va également être renforcée, ce qui va permettre de limiter la soustraita­nce des soufflets de fourche en cuir par exemple, soufflets qui sont une exclusivit­é Baak. »

Raison et sentiments

In fine, l’effectif devrait doubler d’ici le mois juin prochain, date prévue du déménageme­nt. Concernant les renforts, la chaudronne­rie ne sera pas oubliée puisque Rémi a en projet le dessin d’une caisse de side-car. « On a déjà réalisé un attelage en collaborat­ion avec Jean Burdet sur la base d’une Bonneville de 2015 mais là, on veut aller plus loin. » On l’avait compris, Rémi, qui a commencé à travailler à l’âge de 16 ans, fourmille d’idées : « Lorsque j’ai lancé la marque Baak, j’étais persuadé que ça n’allait pas marcher. C’est pour ça que je veux me laisser surprendre par le futur et réaliser des véhicules dans lesquels je mets beaucoup de mes émotions et de mes sentiments. » On ajoutera un savoir-faire certain, aussi bien techniquem­ent que commercial­ement parlant, sans oublier le flair et la rigueur. Ce qui explique cette trajectoir­e exponentie­lle. ✦

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 ??  ?? Dans l’entrée, les motocyclet­tes Baak sautent aux visages des visiteurs. Au mur, quelques accessoire­s encadrés.
Dans l’entrée, les motocyclet­tes Baak sautent aux visages des visiteurs. Au mur, quelques accessoire­s encadrés.
 ??  ?? 1. Dans l’atelier, Manu travaille à la modificati­on d’un phare. 2. La plus grosse activité de Baak est la vente de pièces par correspond­ance. Thomas ne chôme pas.
1. Dans l’atelier, Manu travaille à la modificati­on d’un phare. 2. La plus grosse activité de Baak est la vente de pièces par correspond­ance. Thomas ne chôme pas.
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