SCRAMBLER 1200
Après la Bonneville, la Thruxton et juste avant la Speed Twin, Triumph abat une nouvelle carte autour du gros bicylindre : celle du Scrambler.
Triumph abat une nouvelle carte autour du gros bicylindre : celle du Scrambler !
Trois ans et demi, c’est le temps qu’il a fallu à Triumph pour développer la 1200 Scrambler, selon les dires de Stuart Wood, le célèbre ingénieur qui travaille dans la maison d’hinckley depuis 1987 et qui en connaît un rayon lorsqu’il s’agit de concevoir une moto. Trois ans et demi, ça nous ramène au début de 2015 au moment où Triumph dévoilait à Birmingham deux « show-bike » sur la base de la Bonneville 900 : la Bobber et la Scrambler. Intéressonsnous plus particulièrement à cette dernière. Conçue par une équipe de techniciens de l’usine travaillant en dehors des heures de travail, la brave Bonnie se voyait donc affublée de pneus à tétines, bien sûr, mais aussi et surtout, de suspensions aux débattements impressionnants. On notait aussi le réservoir rondouillard orné d’un nouveau logo, et une selle plate en cuir marron. À l’époque, Stuart Wood avait jugé bon de préciser qu’il n’y avait aucun projet de fabrication en série de ces machines. Et pourtant, trois ans et demi plus tard, me voilà donc dans le sud du Portugal, au guidon de la 1200 Scrambler XE qui a bien du mal à renier ses origines : c’est ni plus ni moins qu’une version civilisée du prototype précité ! La grosse différence, c’est le moteur puisque la nouvelle Scrambler est animée par le bicylindre 1 200 cm3 refroidi par eau utilisé sur la Bonneville et la Thruxton, des nouveautés introduites en 2016.
Au bonheur des « digital natives »
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Triumph propose une version XC, une machine un peu moins haute sur pattes mais dont les caractéristiques techniques sont identiques. Autant vous le dire tout de suite, je les trouve belles ces deux machines, elles sont bien finies, ornées de pièces en aluminium brossé et ce mélange des genres, néo-classic et trail-bike, leur va plutôt bien. Avant d’aller rouler, l’inévitable Stuart Wood et le responsable du marketing, un certain Chris Cheetam, nous ont gratifiés d’une présentation statique des Scrambler. Normal, me direz-vous, sauf que la majorité du temps imparti a été consacrée au tableau de bord de ces motos ! Car le staff de chez Triumph n’est pas peu fier de cet élément 100 % digital. Eh oui, fini, les vraies aiguilles, maintenant, elles sont virtuelles. Mais ce n’est pas tout, si les British nous ont tenu la jambe sur le sujet, c’est parce que les Scrambler sont des motos connectées. Par le biais d’accord avec Google, et pour peu que vous possédiez un smartphone, voilà que vous pouvez téléphoner tout en roulant, afficher Google Maps, écouter de la musique, etc., etc., le tout par le biais d’un joystick situé au commodo gauche. Mais ce n’est pas tout, grâce à d’autres accords passés avec Gopro cette fois-ci, toujours par le biais de ce fameux joystick, vous pouvez commander votre mini-caméra. Je ne vous cache pas que moi qui ne suis pas un « digital native », je n’ai pas été passionné par la chose. Quand je veux téléphoner, je m’arrête sur le bord de la route, j’en profite pour jeter un oeil sur ma carte Michelin et pour prendre un café confectionné par un barman. Et pendant que je fais tout ça, je ne filme pas, ça n’intéresserait personne. Mais il faut bien vivre avec son temps et il faut aussi
que les futurs acheteurs puissent se créer leur quart d’heure de célébrité, comme l’avait prédit Andy Warhol. Puisque l’on cause d’art graphique, évoquons aussi ce nouveau logotype de réservoir utilisé pour la toute première fois, comme l’a fait remarquer à plusieurs reprises Chris Cheetam. Cet emblème triangulaire est un mélange du T de Triumph et de l’union Jack, le drapeau du Royaume-uni.
Sur le sable, on ouvre les gaz
Comme j’ai l’esprit tordu, je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux feux arrière de la nouvelle Mini, qui eux aussi laissent apparaître le fameux étendard. Pour la nouvelle génération, le chic ultime ne serait-il pas d’aligner dans son garage une Mini Countryman et une Triumph 1200 Scrambler ? En ce qui concerne la présentation dynamique, les gens de chez Triumph ont vu les choses en grand puisque la première journée est entièrement consacrée au tout-terrain. Il faut dire qu’avec 250 mm de débattement à l’avant et à l’arrière, la XE doit pouvoir affronter les bosses sans trop de problème. Ceci dit, la XC n’est pas ridicule non plus car elle affiche tout de même 200 mm. Si les fourches sont signées Showa, en revanche, Triumph s’est adressé à Öhlins pour les très beaux amortisseurs arrière. Notez aussi que sur la XE, le bras oscillant est 32 mm plus long. Le corollaire, c’est que la selle culmine à 870 mm et que les « courts sur pattes » seront plus à l’aise sur la XC. Bref, après deux heures de bus, nous voilà sur les terres de la Wim Motors Academy, une école de pilotage tout-terrain tenue par un Belge fort sympathique. Après une initiation sur une piste de flat-track pas vraiment plate, commence une balade dans les collines environnantes. Après quelques kilomètres, j’abandonne définitivement la XE, certes très efficace grâce à ses suspensions mais trop haute pour moi ! Il faut dire aussi que suite aux pluies de la veille, les chemins sont plutôt gras et que je suis plus à l’aise sur une moto plus basse. Et puis, comme le moteur est identique, avec beaucoup de couple, ça passe tout aussi bien. Malgré tout, il faut oser emmener une moto de plus de 200 kg et 90 chevaux dans la terre. Heureusement que l’électronique vient à la rescousse par le biais d’un mode off-road qui évite de se mettre en travers de partout. En revanche, sur des pistes rectilignes, même entrecoupées de parties sablonneuses, il ne faut pas hésiter à garder les gaz ouverts en grand : XC ou XE ne bougent pas d’un poil et les vitesses atteintes sont impressionnantes. Ceci dit, il faut se poser la question de savoir qui, parmi les futurs propriétaires, va se risquer à la chute dans des chemins boueux ou à détériorer les beaux garde-boue en alu… Le lendemain, c’est sur le tarmac que se poursuit l’essai mais pas vraiment en toute tranquillité puisque la pluie de la nuit précédente a laissé des traces d’humidité. Là encore, l’électronique rassure, avec l’antipatinage, bien sûr mais aussi L’ABS « mode virage » développé par Continental. Le gros couple, déjà apprécié en tout-terrain, permet de se propulser de virage en virage sans faire hurler le twin mais là encore, si la XE semble plus confortable, les grands débattements font
LE CHIC ULTIME NE SERAITIL PAS D’ALIGNER DANS SON GARAGE UNE MINI COUNTRYMAN ET UNE 1200 SCRAMBLER ?
qu’elle se transforme en « cheval à bascule » sur les freinages appuyés. Car Triumph a décidé de monter des étriers Brembo que l’on retrouve d’ordinaire sur les supersports… À mon sens, c’était inutile.
Leur gros défaut ? Les pots relevés
Il est vrai que j’aurais préféré aussi trouver une fourche conventionnelle plutôt qu’une upside down : vous connaissez mon appétence pour tout ce qui est classique. Toujours est-il que sur la route je préfère aussi la XC qui procure un comportement plus neutre : ça tombe bien, ça me permettra d’économiser 1 000 € si je décidais de m’en offrir une ! Mais avant de passer à l’acte, il faut cependant évoquer le gros défaut de ces Scrambler : les pots relevés. Certes, ils sont très beaux mais ils ont une fâcheuse tendance à chauffer le mollet droit. Au Portugal, il faisait beau mais pas très chaud et je portais des bottes qui montaient assez haut. Imaginez en ville, en plein été et avec un simple jean… En revanche, j’ai été agréablement surpris par le confort de la selle plate qui, au premier abord, ne m’inspirait pas confiance. La mode a du bon puisque dans ce cas précis, elle permet de gagner quelques centimètres de hauteur de selle ! Retour au bercail et ultime discussion technique avec Stuart Wood car je ne vous cache pas que je suis resté sur ma faim lors de la présentation statique. Il me confirme que son équipe est partie d’une feuille blanche pour dessiner le cadre et que le moteur a beaucoup été modifié : « L’embrayage, le vilebrequin et l’alternateur sont plus légers, ce qui permet de gagner du poids et de l’inertie. La grosse différence avec les 1200 Bonneville et Thruxton, c’est qu’il n’y a qu’un injecteur au lieu de deux, ça permet d’obtenir un moteur plus souple, comme sur les 650 Trophy des années 60 qui n’avaient qu’un carburateur alors qu’on en trouvait deux sur les Bonneville. En plus, ça a permis de gagner de la place pour les pots relevés… » L’histoire est un éternel recommencement et il est presque rassurant de constater que même avec l’aide de l’électronique, sur un bon vieux moteur thermique, les mêmes contraintes entraînent les mêmes solutions. 50 ans après. ✦
LES MÊMES CONTRAINTES ENTRAÎNENT LES MÊMES SOLUTIONS. 50 ANS PLUS TARD