SPEED TWIN 1200
80 ans après la première Speed Twin, une 500, Triumph remet le couvert avec une 1200, version allégée de la Thruxton.
80 ans après la 1re Speed Twin, Triumph remet le couvert avec une 1200.
Et revoilà la Speed Twin, un des modèles les plus célèbres de Triumph, voire de l’histoire de la moto. Après avoir fait renaître les Trident, Bonneville, Tiger et autre Daytona, des modèles apparus après la Seconde Guerre mondiale, les décideurs de la marque d’hinckley sont contraints d’aller piocher dans le catalogue d’avant-guerre. D’ailleurs, profitons-en pour nous rafraîchir la mémoire. En fait, la Speed Twin Triumph n’était pas si révolutionnaire que ça et loin d’être parfaite. Mais le génie du marketing d’edward Turner, son créateur, qui venait de prendre la direction de la marque, a été de sortir au bon moment la moto que tous attendaient en offrant un concept et un style nouveaux sans choquer les habitudes d’une clientèle conservatrice. Les points les plus appréciés furent son gabarit et son poids, qui n’étaient pas plus importants que ceux des monocylindres. Puissante et remarquablement souple, la Speed Twin dépassait un très honorable 130 km/h, à replacer dans le contexte des années 30. Ce n’était certes pas le premier bicylindre parallèle, même chez Triumph, qui avait déjà commercialisé une 650 vertical twin en 1932, mais cette machine avait une indéniable homogénéité et un grand caractère qui allaient immédiatement séduire les motocyclistes européens. Copiée par tous les autres constructeurs britanniques, la Speed Twin allait devenir le nouvel archétype de la moto anglaise et mettre à mal la suprématie détenue jusqu’alors par le monocylindre. Qui plus est, la Speed Twin était à peine plus chère que les gromonos. Techniquement, le bicylindre vertical calé à 360° se distinguait par ses chambres de combustion hémisphériques et sa distribution enclose avec l’arbre à cames d’échappement devant les cylindres et celui d’admission, derrière, actionnant les soupapes par tiges et culbuteurs. En constructeur avisé, Turner avait repris les cotes du monocylindre 250 et emprunté de nombreuses pièces, dont la partie-cycle, à la gamme existante. Comme disait l’autre, l’histoire ne se répète pas mais elle bégaye car en ce début 2019, la nouvelle Speed Twin n’est ni plus ni moins qu’une « Thruxton light », en clair une version allégée du Café Racer 1200 apparu il y a deux ans.
Lifting et cure d’amaigrissement
Autant garder les bonnes recettes. Et pourtant, lors de la présentation de la machine, la veille du roulage, les gens de chez Triumph nous ont avoué qu’ils développaient ce modèle depuis trois ans. L’idée de cette machine était donc dans les tuyaux depuis
LE GÉNIE D’EDWARD TURNER A ÉTÉ DE SORTIR AU BON MOMENT LA MOTO QUE TOUS ATTENDAIENT
longtemps mais plusieurs pistes ont été explorées. En témoignent les nombreuses photos volées qui ont circulé dans la presse ces dernières années. Jean-luc Mars, directeur de Triumph France, me l’a d’ailleurs confirmé : « Le positionnement de la Speed Twin n’a pas été simple à trouver car nous voulons toucher une clientèle encore plus large que celle des néo-classiques pures… » C’est pour cela, par exemple, que l’on a vu passer une version à deux phares, à la manière d’une Speed… Triple. Pour finir, la Speed Twin gardera son classique phare rond mais par rapport à la Thruxton, elle subit une cure d’amaigrissement de 10 kg. Un régime indispensable pour se mesurer à la BMW ninet ou la Kawasaki Z 900 RS – les deux références de la catégorie. Mais quelle catégorie au fait ? Celle des motos arborant un « classic look » et qui vous décoiffent lorsque vous tournez la poignée de gaz, pardi. Il faut dire qu’avec 97 chevaux, le nouveau twin 1200 refroidi par eau ne manque pas d’allonge et déjà à l’époque de l’essai de la Thruxton (voir MR Classic n° 86), j’avais pu constater sa vitalité en précisant que la ninet n’avait qu’à bien se tenir. Comme toutes les stars, la Speed Twin a aussi subi un lifting. Elle reçoit donc un petit guidon à la place des bracelets, une selle certes plate mais biplace, des garde-boue minimalistes en alu, sans oublier des jantes en alliage à sept branches. Et ma foi, ça donne une ligne plutôt sympa. Moins classique qu’une Thruxton mais dans l’air du temps. C’était le but, non ?
C’est vert, c’est joli mais ça glisse
À noter que quelques kilos ont aussi été gagnés sur le moteur, un travail dont bénéficient aussi les 1200 Scrambler (voir p. 40) et que l’angle de colonne est réduit de 1° pour plus de maniabilité. Enfin, toujours par rapport à la Thruxton, les repose-pieds ont été déplacés pour plus de confort. Pour tester l’engin, Triumph nous a emmenés cette fois-ci en Espagne, plus précisément sur l’île de Majorque. Le soleil brille, la température est printanière, sauf que nos sacs – et donc nos équipements – sont restés en souffrance à Barcelone où nous avons fait escale depuis Paris… C’était trop beau. Finalement, notre paquetage arrive à l’hôtel le lendemain à midi. Pas de temps à perdre ; même sur une île méditerranéenne, les journées sont courtes en janvier. Depuis l’est de l’île, nous voilà partis en direction d’inca, puis plein gaz sur la route sinueuse qui mène à Sa Calobra. Méfiance, car les virages situés au nord sont encore humides voire recouverts d’une fine couche de mousse ! C’est vert, c’est joli mais ça glisse beaucoup. Pas l’idéal pour prendre une moto en main mais ça nous aura au moins permis de constater que la Speed Twin est facile, même sur terrain délicat. En partie grâce à la faible hauteur de selle et la position de conduite naturelle. Grâce aussi à son gros twin, très coupleux mais jamais brutal. Il faut rester cependant prudent lorsqu’on tourne la poignée de gaz de type Ride by Wire (donc électronique). Au pire, si vous êtes vraiment paniqué, vous pouvez passer en mode
LA SPEED TWIN, DERNIER ÉLÉMENT DE L’OFFENSIVE TRIUMPH SUR LE SEGMENT NÉO-CLASSIQUE
« pluie ». Brutal, le freinage l’est un peu à mon goût, surtout lorsqu’on roule sur ce genre de revêtement douteux. Il faut dire qu’il est confié à 2 étriers Brembo 4 pistons. Comme avec la poignée de gaz, il faut donc rester prudent, même si L’ABS est là dans les situations désespérées… À éviter toutefois. Arrivés à destination, on a à peine le temps de prendre un café et de faire quelques photos qu’il faut faire le chemin inverse. La route est tout aussi sinueuse mais sèche. De quoi s’amuser un petit peu plus et constater que la Speed est à l’aise dans ce registre. Même si je suis resté sage, on sent qu’il est aisé de la mettre sur la roue arrière. De même, pour ceux qui apprécient, on peut retarder au maximum le freinage pour taxer le confrère qui est devant vous. Très saine, la Speed Twin ne bronche pas. Bien sûr, avec une telle vitalité mais en l’absence de toute protection et avec le « grand » guidon, dans les longs bouts droits, il vaut mieux se mettre à plat ventre. Point positif, la selle plate ne fait pas mal aux fesses, même après 250 km/h. Comme quoi, avec une mousse de bonne qualité… Retour au bercail, une douche chaude, et c’est l’heure du débriefing. Après les 1200 Bonneville, Thruxton, Bobber, Speedmaster et Scrambler, la Speed Twin constitue le dernier élément de l’offensive Triumph sur le segment des néo-classiques. Pas vraiment nouvelle puisque version allégée de la Thruxton, elle complète une gamme déjà bien fournie (et épaulée par les 900) et, qui sait, sera peut-être suivie par une Speed Twin R munie de suspensions Öhlins. En attendant, à 12 900 €, soit 2 000 € de moins qu’une Thruxton, elle devrait séduire les amateurs de motos dépouillées et pas forcément classiques. Bref, les acheteurs potentiels de BMW ninet. Un détail me chiffonne cependant : pourquoi, dans le catalogue de plus de 80 accessoires destinés à cette machine, ne trouve-t-on pas une paire de vrais garde-boue enveloppants ? Je sais bien que ça va casser la ligne de la moto mais comme je suis un peu vieux jeu, il m’arrive aussi de rouler les jours de pluie… ✦
À 12 900 EUROS, ELLE DEVRAIT SÉDUIRE LES ACHETEURS POTENTIELS DE BMW NINE T