Moto Revue Classic

CHRONIQUE BOURGEOIS

Christian Bourgeois, champion de France de vitesse devenu journalist­e à Moto Revue, puis directeur de la compétitio­n chez Kawasaki, est aujourd’hui retraité. Il a donc le temps de nous conter quelques anecdotes.

-

Christian Bourgeois nous raconte ses déboires sur les Ducati d'usine.

Gardant un excellent souvenir de ma Ducati Mach 1, c’est spontanéme­nt que j’ai accepté l’offre de l’usine pour participer au championna­t d’europe d’endurance 1976. Avant de faire partie des 6 pilotes d’usine, il fallut d’abord passer un test sur le circuit du Mugello. La prise de contact avec l’équipe et la machine a lieu dans les meilleures conditions. La transition avec la Japauto que j’ai pilotée en 1975 se fait sans période d’adaptation. Je connais aussi, depuis 1968, Franco Farné, le boss du Team. Cet ancien pilote Ducati a un brillant palmarès en vitesse comme en endurance et possède une grande compétence. Seuls les pilotes italiens sont présents, dont Virginio Ferrari et Carlo Perugini. À ma grande surprise, et à la leur aussi, je décroche le meilleur temps sur les deux jours tout en flirtant avec le record du tour de l’époque. C’est donc gonflé à bloc que je me rends au Mans pour les 1000 km, épreuve qui servira d’entraîneme­nt pour le championna­t. Les équipages ont été constitués par l’usine et je me retrouve associé à Christian Estrosi. Les essais se passent bien et nous sommes dans le groupe de tête avec les Honda d’usine. Si nous avons un léger déficit de puissance, la tenue de route excellente de la Ducati nous permet de “se refaire” dans les parties sinueuses et en particulie­r dans la courbe du chemin aux boeufs qui se passe quasiment à fond, à plus de 220 km/h. De plus, nous avons une consommati­on moins importante, un gros avantage en endurance. Après concertati­on, il est décidé que c’est à Estrosi de prendre le départ. Il se porte de suite en tête mais la meilleure des Honda le passe après quelques tours. Pourtant, rien n’y fait, la Ducati est accrochée aux basques de la nippone. Soudain, alors que je me prépare à prendre le relais, le moteur explose à l’entrée de la courbe Dunlop. L’abandon est consommé et je n’ai pas fait un tour… Le team étant sponsorisé par les casques Nava pour les 1000 km du Mugello, première épreuve du championna­t, je ne pouvais être retenu en raison de mon contrat Nolan. C’est pourquoi j’effectuera­i cette course sur une Godier-genoud avec un certain Christian Sarron. Estrosi, toujours sur Ducati, termine 2e associé au Finlandais Korhonen. Ma deuxième course en Ducati se déroule à Barcelone, un circuit beaucoup plus adapté aux caractéris­tiques de l’italienne. La marque possède un palmarès impression­nant sur ce circuit et, pour cette course, je suis associé à Perugini, un bon pilote, rapide, mais qui n’a pas le goût de l’effort. Sans forcer, je suis bien placé aux essais et plus rapide que mon coéquipier. Pour le stimuler et lui permettre de prendre le rythme, il est décidé, avec mon accord, qu’il prendra le départ. Celui-ci est donné à 20h. Alors qu’il n’a pas effectué plus de la moitié de son relais, Perugini revient à pied. Nous apprendron­s qu’il est tombé dans l’avant-dernier virage du circuit. Le règlement est formel, le pilote s’étant éloigné de plus de 10 m, l’équipage est disqualifi­é. Hormis un repose-pied cassé, la moto n’avait rien et il lui aurait été facile de rallier la zone des stands. Une fois encore, je n’ai pas fait un tour… Trois semaines après, c’est Spa. Le grand circuit belge n’est pas le terrain de jeu idéal pour la Ducati avec ses lignes droites. Même à fond, impossible de tenir le rythme des 4-cylindres. Avec Armand Gras, mon nouveau coéquipier (Perugini a été viré), nous sommes à 3 secondes… Nous prenons alors la décision de prendre 800 tr/mn de moins dans le seul but de rallier l’arrivée et de compter sur d’éventuels abandons. Cette prudence ne suffira pas et la Ducati rendra l’âme vers minuit. Le problème était que nous ne savions jamais de quel type de moteur nous disposions. Les mécanos s’amusaient à marier les courses et alésages des différents modèles. En dépit de l’évidence de ces changement­s, ils se contentaie­nt de nous dire, avec le sourire : « tutto simile », tout pareil… Toujours avec Armand Gras, nous boirons le calice jusqu’à la lie lors du Bol d’or. 30 minutes après le départ, nous devons rentrer au stand à cause d’une fuite d’huile puis l’aventure s’arrêtera encore à minuit. Mon expérience avec Ducati se terminera au Mans… ✦

AVEC ARMAND GRAS, NOUS BOIRONS LE CALICE JUSQU’À LA LIE LORS DU BOL D’OR 76

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France