KEVIN SCHWANTZ
Fidèle à Suzuki de bout en bout, le Texan flamboyant a marqué l'histoire des GP.
Fidèle à Suzuki de bout en bout de sa carrière, vainqueur de vingt-cinq Grands Prix, titré en 500 au terme d’une tragique saison 1993, Kevin Schwantz aura marqué l’histoire des championnats du monde par son talent, son sens du spectacle et son charisme.
Le visage est marqué, le cheveu clairsemé, et les gestes inévitablement empreints des innombrables blessures qui ont émaillé sa carrière. À 55 ans, Kevin Schwantz porte les traces de son passé. Néanmoins, le regard bleu du Texan pétille toujours de cette même flamme qui brillait dans ses yeux lorsqu’il croisait le fer avec Wayne Rainey, son éternel rival. Malgré les coups, Kevin est resté vif, et lorsqu’on l’invite à revisiter l’histoire, la mémoire ne lui fait jamais défaut. Bagarres, virages, tours chronos, dépassements, blessures, victoires, déceptions, chutes… Tout revient vite à l’esprit de celui qui reste l’un des pilotes les plus populaires de l’histoire des Grands Prix. Comme Valentino Rossi, dont il fut le héros, Kevin Schwantz a toujours eu comme moteur le plaisir. Un trait de caractère qu’il doit certainement à son enfance dans les faubourgs de Houston, là où ses parents, Jim et Shirley, tenaient leur commerce, un magasin de tondeuses à gazon dans lequel on pouvait trouver des bicyclettes ainsi qu’une poignée de motos, essentiellement des Yamaha et Ossa de trial. C’est d’ailleurs par cette discipline, et sur les conseils de Mick Andrews, un ami de la famille, que
Kevin s’est initié au pilotage. La compétition ne viendra que beaucoup plus tard… Quant à la vitesse, Kevin attendra d’avoir 19 ans pour s’y initier. « J’ai remporté mes
premières victoires en 1984 dans des courses de clubs et cela m’a permis de me faire remarquer par l’équipe Yoshimura. C’est comme ça que je me suis retrouvé en 1985 au guidon d’une Suzuki, dans le championnat américain de Superbike. J’étais fou de joie. » Déjà, le plaisir passe avant le reste.
Première course, première place
De 1985 à 1987, Kevin Schwantz apprend le métier et se forge un tempérament de feu qui séduit les observateurs, tous fascinés par ce garçon plein de panache qui sait aussi toujours rester courtois. Le Texan participe par ailleurs à ses premiers Grands Prix avec une 500 Suzuki en cours de renaissance. En
1986, il marque les esprits sous la pluie du circuit de SpaFrancorchamps en inscrivant son premier point après un festival d’acrobaties. Deux ans plus tard, l’usine Suzuki décide de revenir en force dans le championnat du monde 500 et, très logiquement, fait appel à son jeune et prometteur pilote américain. Dès la première course à Suzuka, Kevin Schwantz grimpe sur la plus haute marche du podium. Mais malgré cet excellent départ, l’Américain devra attendre cinq longues années avant de décrocher le titre de champion du monde. Entre-temps, il lui faudra composer avec une machine fragile et moins puissante que
EN 1988 À SUZUKA, IL SIGNE UNE VICTOIRE NETTE ET SANS BAVURE AVEC 8 SECONDES D’AVANCE SUR RAINEY
celles de ses rivaux, mais aussi avec d’innombrables blessures qui n’auront cependant jamais raison de son abnégation. En 1988, donc, Kevin Schwantz remporte le Grand Prix du Japon devant la Honda de Wayne Gardner et la Yamaha d’Eddie Lawson. Une victoire nette et sans bavure, le Texan franchissant la ligne d’arrivée avec huit bonnes secondes d’avance sur l’Australien.
La Suzuki souffre de nombreuses lacunes
Ce succès ne saurait toutefois éclipser les lacunes de sa machine, qui est encore loin du niveau de celles de ses rivaux. La 500 RGV fonctionne sur certains tracés mais pas sur d’autres. Son pilote, qui découvre par ailleurs la majorité des circuits du championnat, se rattrape quand la pluie s’en mêle, comme au Nürburgring où il décroche sa deuxième victoire de la saison. En
1989, la Yamaha a perdu de sa superbe et la Honda est un monstre difficile à dompter. C’est pourtant la 500 NSR qui est titrée en fin d’année aux mains d’Eddie Lawson…. Malgré ses six victoires, Schwantz termine derrière la Honda du champion du monde, mais aussi derrière les Yamaha de Rainey et Sarron. « Je pense que si nous avions été un peu plus consistants en 1988, nous aurions pu mieux cerner nos faiblesses et voir là où il fallait travailler pour progresser. Et puis si je m’étais davantage considéré comme un candidat au titre, je ne serais pas parti avec l’objectif de gagner le maximum de courses. » S’ils l’ont empêché de devenir un froid calculateur, son goût de la victoire et son sens du panache auront aussi fait de lui une véritable icône pour les fans de Grands Prix. À l’aube de la saison 1990, alors qu’il est désormais l’un des favoris du championnat, Kevin doit se satisfaire d’une machine similaire à celle de la saison passée. Faute de fiabilité, la nouvelle XR 76 est en effet remisée et le
Texan doit se contenter de nouvelles couleurs, Lucky Strike prenant le relais de Pepsi Cola. Dès l’ouverture du championnat à Suzuka, l’équipe de Garry Taylor prend la mesure des progrès accomplis par la Yamaha de Rainey et comprend que la saison ne sera pas celle espérée. Comble de malchance, Kevin se fracture un poignet sur le circuit de Laguna Seca. S’il parvient néanmoins, à force de courage, à garder le contact avec Rainey jusqu’au cap de la mi-saison, deux nouvelles chutes en Suède et en Tchécoslovaquie ont raison de ses derniers espoirs.
Quand le sort s’acharne
La saison suivante sera encore plus difficile. Le poids minimum des 500 a été relevé de 115 à 130 kg durant l’hiver mais surtout, Suzuki a décidé de passer de Michelin à Dunlop, le manufacturier français ayant annoncé la mise en sommeil de son développement. Pourtant vainqueur de trois courses, le pilote Suzuki ne cesse de se plaindre de son matériel et du manque de soutien du service course japonais. Pour clore cette difficile saison 1991, il se détruit une main lors d’une séance d’essais en Malaisie. Cette blessure l’amène à s’interroger sur sa stratégie. À vouloir la victoire à tout prix, même lorsque sa moto n’est pas au mieux, il se rend compte qu’il ne sera jamais en mesure de décrocher ce titre mondial après lequel il court depuis maintenant quatre ans.
Après avoir menacé Suzuki de changer de camp, Kevin finit par obtenir un effort accru des Japonais et quelques changements au sein de l’équipe, dont l’arrivée de Stuart Shenton
SON SENS DU PANACHE A FAIT DE LUI UNE VÉRITABLE ICÔNE DES GP
qui travaillait jusque-là au HRC. Mais ces remaniements ne vont pas suffire car ils seront sans compter sur les problèmes de guérison de cette main droite abîmée quelques mois plus tôt. Absent des tests hivernaux, Schwantz n’est pas au mieux lors des premières courses du championnat. Et pour ne rien arranger, Honda a doté sa 500 NSR d’un tout nouveau moteur « big bang » (calage à 360°), avec lequel Mick Doohan fait des étincelles. À mi-saison, pourtant, le championnat semble relancé lors des essais du Grand Prix des Pays-Bas quand l’Australien se blesse grièvement. Mais le lendemain, alors qu’il mène la course, Kevin se fait percuter par Lawson.
Bras gauche fracturé, hanche luxée, le sort s’acharne sur le Texan qui doit encore s’incliner cette année-là, loin derrière Wayne Rainey, sacré pour la troisième fois de rang. Début 1993, le vent semble enfin vouloir tourner. Revenue en Dunlop, la Yamaha de son rival est à la peine, tandis que sa Suzuki a gagné en homogénéité.
Le goût de la course...
Toujours handicapé par les conséquences de sa chute à Assen, Mick Doohan est pour sa part encore loin d’avoir retrouvé tous ses moyens. Durant onze courses, les deux Américains vont rester au coude à coude. Et puis, sur le circuit de Misano, un drame épouvantable fait basculer une saison jusque-là fantastique. Wayne Rainey se brise la colonne vertébrale et laisse son adversaire de toujours sans rival. Ce fameux titre après lequel il courait depuis si longtemps, Kevin Schwantz ne pourra jamais réellement le savourer. L’amertume liée à la tragique blessure de Rainey sera en effet toujours présente. Il avouera même un jour qu’il aurait préféré de pas être titré et que Rainey conserve l’usage de ses jambes… D’ailleurs, même s’il remporte encore quatre GP en 1994, Kevin a perdu le goût de la course. Ce plaisir de piloter qui a toujours été son moteur l’a abandonné. Aussi, après une énième blessure, le Texan jette-t-il l’éponge en cours de saison 1995. Reprocher à présent à Kevin Schwantz son inconstance et son palmarès moins fourni que ceux de ses anciens rivaux serait injuste. Même s’il est vrai que les parcours de Mick Doohan
– 54 victoires et 5 titres –, d’Eddie Lawson – 31 victoires et 4 titres –, ou Wayne Rainey – 24 victoires et 3 titres –, correspondent plus à l’idée que l’on se fait d’un « grand champion », ce serait oublier ce parcours unique cousu d’une irréprochable fidélité à l’usine Suzuki. Lui, l’autodidacte qui n’a pas toujours pu disposer du meilleur matériel, a eu le mérite de ne jamais se plaindre, préférant rappeler que la course doit rester avant tout un plaisir.
UN TITRE ACQUIS AVEC AMERTUME, SUITE À LA TRAGIQUE BLESSURE DE SON RIVAL DE TOUJOURS