MAGNI 750 S
40 ans après la commercialisation de la première moto Magni à moteur MV, et cinq ans après la mort d’Arturo, Giovanni, héritier de la marque, propose une nouvelle version de la 750 S, cette fois-ci animée par un moderne trois-cylindres MV.
En exclusivité, Alan Cathcart a testé la dernière création de Giovanni Magni.
Magni a fêté ses 40 ans en 2017 mais ce n’est qu’au cours des six dernières années que la petite usine dirigée par Giovanni Magni, 59 ans (voir MR Classic n° 92),
a commencé à utiliser les MV Agusta modernes comme base de travail. Il est difficile d’imaginer une entreprise plus habilitée à utiliser des éléments MV Agusta pour fabriquer une néo-classique. Car c’est le fondateur de l’entreprise, le père de Giovanni, Arturo (voir page 96), qui, avant de décéder en décembre 2015 à l’âge de 90 ans, a apporté à la « scuderia MV » un palmarès de 75 championnats du monde en 26 ans, une écurie financée par les bénéfices de la fabrique d’hélicoptères du comte Agusta. Après une « horrible » Magni 1200 S construite en 1999 autour d’une Suzuki Bandit, en 2013, Giovanni a finalement décidé de fabriquer une Magni moderne à moteur MV, la Storia, sur base de Brutale 1090 et qui est toujours en production aujourd’hui. Mais bien qu’il ait livré 23 de ces motos et qu’il reçoive toujours des commandes, Giovanni a été critiqué pour ce que les fans « hardcore » ont qualifié de simple replâtrage, car cette moto n’a pas un cadre Magni ! Giovanni et son frère Carlo ont donc décidé de fabriquer une néo-classique en utilisant le moteur de la 800 Brutale F3 dans un cadre spécialement conçu à cet effet. Le résultat a été commercialisé fin 2014 sous le nom de Magni Filo Rosso (voir MR Classic n° 87),
un racer trois-cylindres au design élégant, hommage appuyé à la MV 500 d’Agostini. 21 exemplaires de Filo Rosso ont été réalisés à ce jour, tous sur commande, au prix de 30 000 € HT, selon
les spécifications. En 2019, Giovanni Magni boucle la boucle en revenant là où il avait commencé, avec un hommage à l’emblématique MV Agusta 750 S. Le résultat s’appelle Tributo 750 S et a été présenté lors du dernier Salon Eicma de Milan en novembre dernier, à des prix allant de 26 000 à 36 000 € HT. Le tarif le moins cher étant réservé à ceux qui fournissent la moto sur laquelle les modifications vont être apportées. « Nous ne vendons plus de kits aux clients, explique Giovanni.
Déferlement de puissance
Si quelqu’un fournit la moto, nous lui accordons un rabais mais la moto est montée à l’usine. » Il a déjà enregistré cinq commandes depuis la présentation de la moto à Milan, et la construction de la première est bien avancée. Juste avant sa livraison, j’ai eu l’honneur d’être la première personne à essayer le prototype sur la piste de test Pirelli à Vizzola. Cette Tributo utilise donc un moteur trois-cylindres Brutale 800, un bijou « enveloppé » dans un cadre en acier tubulaire chrome molybdène soudé au tungstène et gaz inerte (TIG). Il est livré complet avec la fourche, deux amortisseurs et des roues à rayons de 18 pouces fabriquées par JoNich à Milan. La fourche conventionnelle de 43 mm et les amortisseurs arrière ont tous l’air très classique, mais sont en fait des éléments entièrement réglables fabriqués par
Oram, près de Côme, un petit fabricant de suspensions qui a récemment commencé à produire des composants de moto à l’aspect ancien.
Ces amortisseurs sont réglables individuellement en compression, en détente, ainsi qu’en précharge.
Les étriers Brembo à quatre pistons, montés axialement, pincent les deux disques avant flottants. Grâce à un empattement plus long, la Tributo est un peu plus accueillante que le précédent modèle de Magni, la Filo Rosso. Le moteur peint couleur argent est sublimé et on se rend compte à quel point il est inexcusable que MV Agusta cache une si belle pièce d’art mécanique sous une peinture noire. D’autant plus que le radiateur
à eau Brutale de série est si peu visible que vous ne le remarquez pas. Alors que la Filo Rosso arborait un carénage, la Tributo est nue. Même si elle est un peu plus longue que sa grande soeur, elle semble plus petite et parfaitement proportionnée. Bref, il y a assez d’espace pour permettre à un pilote d’1 mètre 80 de s’y sentir à l’aise. Les repose-pieds ne sont pas aussi hauts que sur la Filo Rosso et les guidons-bracelets Discacciati ne sont pas trop bas. De plus, ils sont habillés de poignées en caoutchouc Ariete rouge, bien dans le ton des années 70, avec une arête sur la droite pour faciliter l’ouverture complète des gaz. Comme à l’époque. Sur cette Magni MV prototype tout juste terminée, il n’y avait qu’un tachymètre
Scitsu qui surmontait un phare de 190 mm de diamètre que l’on retrouve sur des
Moto Morini et des Moto Guzzi. Les versions commercialisées seront équipées du tableau de bord de la MV Brutale relié à l’unité centrale électronique Eldor EM 2.0 commandant l’injection et le Ride by Wire (commande des gaz sans câble). Cet appareillage moderne offre quatre modes de conduite : sport, tourisme, pluie, un réglage personnalisé et huit niveaux d’antipatinage, tous accessibles via le boîtier accessible depuis le bracelet droit de la Tributo. Damned, ça change de la version originale de 1972 (voir pages suivantes) ! Allez, en route ! La Magni MV est légère, et va exactement là où vous souhaitez l’emmener, semblant parfois anticiper votre conduite. Grâce à ses jantes étroites, elle est très agile mais reste néanmoins imperturbable dans les grandes courbes rapides.
MAGNI, EN VÉRITABLE GÉNIE DU SUR-MESURE, A SU CRÉER UNE MOTO ÉTONNANTE
De plus, le trois-cylindres est d’une docilité exemplaire : il est possible d’accélérer à fond en sixième à seulement 2 000 tours sans un soubresaut de la transmission. Il faut cependant maintenir le régime du moteur à plus de 4 000 tr/min pour une réponse vraiment efficace. Au fait, comment se fait-il que le trois-cylindres de la Tributo émette un chant digne d’une moto de Grands Prix ?
« Nous vendons toutes nos motos sans homologation, explique Giovanni Magni.
C’est au client de s’en charger dans son pays s’il veut l’utiliser sur la route, sinon, il doit se limiter à la piste. » La raison pour laquelle la Tributo n’est pas homologuée est simplement une question de coût, plus le temps nécessaire pour ajouter l’ABS, le catalyseur et un boîtier de filtre à air. Malgré son allure d’époque, les performances de la Magni Tributo sont bien actuelles. Normal, le moteur F3 800 développe 125 chevaux et la moto pèse moins de 200 kg. De 4 000 tr/min et jusqu’au limiteur de régime à
13 000 tours, vous obtenez un déferlement de puissance qui créé rapidement une dépendance ! Sur la moto de mon essai, Giovanni Magni a réalisé un travail remarquable de réglages des suspensions Oram. Il n’y avait que très peu de plongée à l’avant lors du freinage et je sentais la fourche absorber les bosses. Les deux amortisseurs arrière encaissent parfaitement la puissance et le couple du trois-cylindres en sortie de virage. Inutile de vous déplacer sur la moto, la façon de conduire une machine comme celle-ci ne consiste pas à poser un genou au sol. Il faut rester bien calé dans la selle et utiliser la géométrie de direction précise pour faire pivoter la Tributo dans les virages serrés. Giovanni Magni, en véritable génie du sur-mesure, a su créer une moto étonnante, qui malgré un aspect classique, voire rétro, vous permettra de faire jeu égal avec les meilleurs roadsters modernes. Un plaisir jouissif qui se paye cependant au prix fort.