MV 750 S 1973
Bien sûr que la MV 750 n’est pas parfaite. Bien sûr qu’elle est hors de prix. Pourtant, lorsque vous posez vos fesses dessus, il se passe quelque chose.
Un essai, rapide comme il se doit, de la moto qui a inspiré la Magni 750 S.
La 750 S est un rien exubérante avec ses couleurs bleu, blanc, rouge évoquant le drapeau américain. Elle avait pour mission d’en mettre plein la vue et de vite faire oublier le vilain petit canard qu’était la 600 à phare carré et à la robe noire, mais qui a réussi à faire la nique à la Honda CB 750 puisqu’elle a été commercialisée 4 ans avant. Un modèle « Sport America » suivra cette 750 S en 1975
(790 cm3) mais abandonnera, paradoxalement, le coloris bleu, blanc, rouge.
Où se situe la vérité ?
À l’inverse de sa cote, la réputation de la MV 750 n’est pourtant pas très bonne. Moto élitiste, elle souffre de la comparaison avec la Honda CB 750, encore elle, plus abordable et plus aboutie.
Alan Cathcart tranche le débat à sa manière (voir MR Classic n° 32) : « J’ai toujours pensé que les MV de route ne possédaient pas la sophistication des multicylindres japonais, pas plus que les performances. »
Il faut dire aussi que les MV engagées en Formule 750 dérivées de la série (et bien qu’aidées par une chaîne secondaire) n’eurent guère de succès, ce qui n’aida pas à la réputation de la machine. Contrairement à une Vincent, tellement peu de motards ont eu le privilège de monter sur ces machines, qu’on peut tomber rapidement dans le superlatif. Où se situe la vérité ? Pour le savoir, il faut rouler, tout simplement ! Le plus étonnant quand la MV 750 est en mouvement, c’est cet équilibre de partie-cycle qu’on devine hérité d’une longue expérience de la course : la tenue de route semble meilleure que sur une Honda CB 750. Si les suspensions sont fermes, elles sont bien accordées et les amortisseurs arrière ne donnent jamais de coups de raquette. Et la transmission par arbre ? En roulant, on n’y pense pas. On est loin des BMW et Guzzi de l’époque, qui imposaient d’être précautionneux à la montée comme à la descente des vitesses. Une fois dans le rythme, on oublie complètement que la 750 S est équipée de ce type de transmission. Précisons aussi que le son émis par le moteur est envoûtant ; on se croirait au guidon d’une machine de course. Il n’y a même pas besoin d’entourer la poignée de gaz de guidoline comme le faisait Ago, car elle dispose
d’une excroissance… comme sur la Magni Tributo. Et plus il tourne, plus le quatrecylindres semble en demander, poursuivi par ses propres décibels. Le compteur Smiths étant gradué en miles, il faut faire une rapide conversion pour connaître sa vitesse. Résultat, à 170 km/h à 7000 tr/min
(à 1 500 tr/min de la zone rouge), on est accroché aux bracelets Tommaselli, comme dans un fauteuil. La moto avale les raccords de bitume et accepte tous les changements d’angle, quelle que soit la vitesse. Jean-Louis Rigouste de l’Officina, qui s’occupait de l’entretien de cette 750 S, nous disait que la carburation n’était pas encore tip-top ! Cet exemplaire est en effet équipé d’une rampe de carburateurs Dell’Orto à boisseaux plats qui était proposée en option et qui s’installait avec un arbre à cames d’admission adéquat, curieusement absent, d’où ces problèmes de réglages. Au nombre des options proposées par MV, on pouvait aussi, dès 1974, monter un frein à disque Brembo. Ça aurait peut-être été pas mal, vu l’efficacité toute relative du tambour quatre cames de série…
13,8 secondes aux 400 mètres D.A.
Notre moto était en revanche équipée du carénage optionnel qui a été démonté. Il est vrai qu’il eût été dommage de cacher les dessous de la belle. Tout en galbes du côté du carter inférieur et de la culasse double arbre, tout en nervures sur ce même carter et sur les cylindres, c’est beau comme de l’ancien. Et si sous ces atours se cachait une vraie sport-GT ? La selle offre un confort correct, les bracelets ne sont pas placés au niveau du garde-boue… La finition pour l’époque est du haut de gamme, comme la platine alu du compte-tours ou la fixation des échappements. Nombreux sont ceux qui ont bavé dessus, et en 1972, Christian Bourgeois, alors essayeur à Moto Revue, s’en est donné à coeur joie pendant une semaine. Résultat : « Je suis venu à bout de tout ce que j’ai rencontré sauf, je dois bien l’avouer, d’une Porsche. C’est peu, vous en conviendrez, en 1000 km. » Il poursuit, en louant le moteur exempt de vibrations et qui, entre 7 000 et 9 000 tr/min, produit une poussée extraordinaire. Avec un bémol cependant :
« Le frein équipant la MV n’est absolument pas à la hauteur des performances et du prix de la machine. »
Les performances, parlonsen : « À Montlhéry, dans des conditions quasiment idéales, j’ai bouclé le meilleur tour d’anneau en 49 secondes, ce qui correspond à 187,2 km/h. En admettant que la machine puisse atteindre 9 000 tr/min, comme l’indique l’usine, nous aurions une vitesse de pointe théorique de 200 km/h, ce qui reste loin des 225 km/h annoncées… » À l’heure où la vitesse fait loi, la MV est loin de surclasser ses concurrentes, signant un honnête 13,8 secondes aux 400 mètres D.A. Mais elle est handicapée, il est vrai, par une première très longue. Résultat, Bourgeois achève son article par une pirouette : « Le prestige du nom de MV peut suffire à motiver l’achat d’une telle bête de race. Mais n’est-ce pas payer au prix fort une image de marque ? » Aujourd’hui, l’aura de MV est toujours aussi forte, voire plus. Les performances sont passées au second plan et les prix ont flambé dans les ventes aux enchères anglo-saxonnes. Pourtant, au-delà du mythe et la spéculation, la 750 S est une belle et bonne moto. Même si ce n’est pas la moto idéale pour aller boire une bière au « rade » du coin…
LE PRESTIGE DU NOM PEUT SUFFIRE À MOTIVER L’ACHAT D’UNE MV AGUSTA