Moto Revue Classic

HEDLUND V 1000

La marque Hedlund est plus connue pour ses moteurs de motocross, mono ou bicylindre. Pourtant, en Suède, on trouve des 1000 de route très efficaces.

- Texte : Henrik Nyberg - Photos : Ola Osterling

Qui a dit que les Suédois n'avaient construit que des deux-temps pour le tout-terrain ?

Il existe des machines qui dégagent quelque chose de différent. Généraleme­nt, elles ont une histoire très spéciale. L’une de celles-ci est la Hedlund 1000, une moto suédoise construite autour d’un moteur V-twin conçu à l’origine pour un side-car de cross. Dans notre cas, il s’agit même d’un exemplaire unique, une moto de sport rutilante, au sens strict, qui se trouve encore dans le garage de l’homme qui a conçu ce bicylindre : le maître Nisse Hedlund.

Car il n’a pas fallu longtemps

pour que ce moteur développé dans les années 70 déclenche l’enthousias­me des « pistards ». Le premier est sans doute Stefan Farnell, qui se fabriqua un dragster avec ce V-twin. En Suède, on trouve aussi quelques café racers assemblés avec des cadres Norton Featherbed ou mieux, des cadres ISR, suédois eux aussi (voir MR Classic n° 95). Si Nisse Hedlund est une célébrité en Scandinavi­e, il est moins connu chez nous. Après avoir remporté d’innombrabl­es victoires avec ses moteurs monocylind­res de motocross dans les années 50 et 60, Hedlund a dû faire face à un nouveau défi au début des années 70. Il nous explique :

« À la fin des années 60, il était clair que les gros monos quatre-temps étaient au bout du rouleau. En revanche, il y avait de l’avenir en side-car cross, surtout aux Pays-Bas et

LE V-TWIN HEDLUND ÉTAIT D’ABORD DESTINÉ À UN SIDE-CAR DE CROSS

en Allemagne, mais il fallait des moteurs plus gros. Nous avons donc commencé par réaléser le 500 à 602 cm3. Ensuite, j’ai fabriqué de nouveaux carters qui permettaie­nt d’obtenir une course plus longue et mon moteur est passé à 620 cm3. » Puis, le règlement a évolué, permettant l’utilisatio­n de moteur allant jusqu’à 1000 cm3. Nisse est immédiatem­ent retourné à sa planche à dessin : « J’ai commencé à dessiner le V-twin vers 1972. L’idée était d’obtenir une puissance plus importante avec un poids aussi faible que possible. Je me souviens que Folke Mannersted­t (ancien ingénieur de chez Husqvarna) m’avait dit que deux chevaux pour un kilo, c’était un bon objectif ; in fine, il pesait 42 kilos et développai­t 90 chevaux. Mission accomplie ! »

Si vous pensez que le V-twin était un assemblage de deux monos 500, vous vous fourrez le doigt dans l’oeil :

« Le 1000 était une conception complèteme­nt nouvelle, de l’embiellage à la culasse. »

Les cylindres sont refroidis par air et les culasses renferment un seul arbre à cames qui commande deux soupapes. Les carburateu­rs, eux, prennent place au centre du V : « Si de nombreuses marques de carburateu­rs ont été utilisées au fil des années et des utilisatio­ns, sur cette moto de route, il s’agit de deux

Mikuni. La pipe d’admission est commune aux deux cylindres avec une paroi de séparation pour éviter les turbulence­s entre les carburateu­rs. » Les cylindres sont identiques mais retournés l’un par rapport à l’autre ainsi, la chaîne de distributi­on du cylindre avant se trouve-t-elle du côté droit du moteur, tandis que sur le cylindre arrière, elle est du côté gauche. « Beaucoup de gens pensaient que c’était une erreur, mais c’est simplement logique », dit Nisse en souriant.

Des espions chez Yamaha...

Une solution adoptée par Yamaha sur la XV 1000 TR-1 sortie en 1980 et pour notre Suédois, ce n’est pas une coïncidenc­e. « J’avais vendu un moteur aux Pays-Bas chez un fabricant de side-cars et c’est là aussi que se trouve le siège de Yamaha Europe. Quand la TR-1 est arrivée, je me suis demandé si les ingénieurs japonais n’avaient pas examiné attentivem­ent mon twin… » Aujourd’hui, Nisse le prend comme une forme de consécrati­on, ça signifie simplement que les solutions adoptées étaient les bonnes. En 1975, toutes les pièces étaient prêtes pour assembler le premier V-twin et le fabricant de side-cars allemand Eugen Siegle, qui utilisait déjà le moteur monocylind­re de Hedlund et qui était également l’importateu­r des moteurs suédois en Allemagne, en voulait déjà un ! « On lui a envoyé les cotes du moteur, il a construit un cadre puis il est venu ici, une semaine avant la manche suédoise du championna­t d’Europe et nous avons monté le moteur ensemble. » Avec son fidèle mécano Börje Carlsson, Nisse a travaillé d’arrache-pied mais le jour J, le 1000 Hedlund

roulait ! Ce premier moteur a été suivi de beaucoup d’autres. « Sans boîte de vitesses et sans carburateu­r, le moteur coûtait à l’époque 1500 €. Au total, on en a assemblé 55. » Nisse reconnaît aujourd’hui que c’était peut-être trop bon marché. Mais il fallait aussi être sûr de vendre et à cette époque, la concurrenc­e était rude, notamment avec les moteurs réalésés sur base de Yamaha XS 650. Le prix bas, le faible poids, la puissance élevée et la fiabilité ont immédiatem­ent attiré les artisans en tous genres. Puis Börje Carlsson, le mécano de Nisse, a voulu se construire sa propre moto. Il est parti d’un cadre Rickman tellement modifié qu’il a décidé de repasser l’homologati­on. Une démarche beaucoup plus aisée en Suède que par chez nous. Nisse a récupéré la moto il y a une dizaine d’années et a simplement apporté quelques modificati­ons.

Il a monté une roue arrière à rayons de 17 pouces en utilisant un moyeu de sa fabricatio­n. En la montant avec un pneu à profil haut, Nisse obtient le même diamètre que la roue de 18 pouces à l’avant. La boîte à cinq vitesses provient de la société néo-zélandaise TT Industries, le meilleur spécialist­e actuel. Auparavant, les boîtes anglaises Quaife étaient souvent utilisées pour les moteurs Hedlund mais les TT sont supérieure­s. La fourche télescopiq­ue provient d’une Kawasaki, tout comme le double disque de

280 millimètre­s. À l’arrière, en revanche, on trouve des amortisseu­rs Öhlins, aussi suédois que le moteur.

The sound of silence

Nisse avait l’air un peu nerveux lorsqu’il a commencé à kicker le V-twin, pourtant, il n’a pas mis longtemps à démarrer. La première chose qui frappe, à part le beau son

LE 1000 V-TWIN NE VIBRE PAS ET DISPOSE D’UNE BELLE ALLONGE

d’échappemen­t, c’est le silence mécanique de ce moteur. Normalemen­t, un bloc destiné à la compétitio­n claque et émet des sons incroyable­s.

Là, rien. Et au guidon, c’est pareil, les commandes sont douces, tout comme les suspension­s parfaiteme­nt réglées. Même les freins sont d’une efficacité surprenant­e. Lorsque vous vous asseyez sur une moto que vous n’avez jamais essayée, il faut toujours un certain temps pour se sentir chez soi mais la Hedlund vous met tout de suite à l’aise et n’a rien de violent, bien que, rappelons-le, ce moteur ait été conçu à l’origine pour le motocross. Certes, il accélère fort mais même à haut régime, on ne ressent pas de vibrations. D’ailleurs, à 80 ans, Nisse Hedlund l’utilise presque tous les jours, parfois pour d’assez longues balades.

« Je conduis assez doucement. En cinquième à 3 000 tr/min, ça donne un peu plus de 110 km/h et à mon âge, c’est bien suffisant ! »

La boîte de vitesses néozélanda­ise est elle aussi étonnante. Malgré son apparence archaïque

(et le sélecteur à droite), son fonctionne­ment est parfait. Pour ceux qui le souhaitent, TT Industries propose des boîtes à six rapports mais sur la 1000 Hedlund, c’est inutile. Avec une utilisatio­n allant de 2 000 à presque 10 000 tr/min, pas besoin de 6e. Les cinq rapports sont parfaiteme­nt étagés, y compris lorsqu’on ne profite que de la moitié de la plage de fonctionne­ment du moteur. Après une heure de test sur autoroute, route de campagne et en milieu urbain, l’impression demeure : la Hedlund est parfaiteme­nt adaptée à une utilisatio­n actuelle. Facile à conduire, elle se transforme aussi en racer à la moindre sollicitat­ion. Et on se dit qu’il est vraiment dommage que Nisse Hedlund ne se soit pas lancé dans une petite série de motos complètes, avec ISR pour les cadres et les freins, par exemple. Mais il n’en démord pas : son objectif, à l’époque, c’était la compétitio­n et rien n’aurait pu le faire dévier de son cap. Dommage, dans les années 70 et 80, l’industrie motocyclis­te suédoise aurait eu autre chose à proposer que des Husqvarna de tout-terrain.

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Sous un aspect rustique, la Hedlund 1000 V-twin cache bien son jeu.
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 ??  ?? Légère et coupleuse, la Hedlund 1000 pourrait donner du fil à retordre à certaines motos modernes.
Légère et coupleuse, la Hedlund 1000 pourrait donner du fil à retordre à certaines motos modernes.
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2. Le tableau de bord provient d’une Kawasaki.
1. Les filtres à air placés de part et d’autre ne sont pas très gros. L’échappemen­t est un deuxen-un, tandis que la boîte de vitesses est néo-zélandaise. 2. Le tableau de bord provient d’une Kawasaki.
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2. Le réservoir d’huile se trouve sous la selle. 3. Les amortisseu­rs arrière sont des Öhlins. Normal sur une moto suédoise.
1. Le design de la Hedlund est basique mais pas moche. Dommage, cependant, que les roues soient dépareillé­es. 2. Le réservoir d’huile se trouve sous la selle. 3. Les amortisseu­rs arrière sont des Öhlins. Normal sur une moto suédoise.
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 ??  ?? L’arrière de la Hedlund 1000 est presque beau...
L’arrière de la Hedlund 1000 est presque beau...

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