Moto Revue Classic

ESSAI RED BARON

Avec son moteur Honda 6-cylindres peint en rouge, l’Egli Red Baron a fait rêver des centaines de motards. Et pourtant, elle roule, puisqu’on est allé l’essayer là où elle a été construite, il y a 35 ans.

- Texte : Christophe Gaime - Photos : Alexandre Krassovsky

On a roulé sur l'une des rares Egli à moteur Honda 1000 CBX.

Et nous revoilà, mon photograph­e préféré et moi, de retour chez Egli, deux ans après notre dernière visite. En 2017, nous avions été conviés par le repreneur de la marque à tester la 1300 Fritz W. Un café racer construit à l’ancienne autour d’un moteur moderne de Yamaha XJR.

Cette fois-ci, ce n’est pas pour une moto moderne que nous sommes là mais bien pour une Egli d’époque. Et pas n’importe laquelle puisqu’il s’agit d’une machine montée avec un moteur Honda 1000 CBX. Eh oui, en 1982, alors que la version Prolink est déjà en vente, le bon Fritz n’hésite pas à proposer une partiecycl­e pour le majestueux six-cylindres nippon. On est accueilli par le nouveau maître des lieux, Alexander Frei (voir pages suivantes), qui nous emmène directemen­t dans l’atelier. Non seulement on y découvre la machine de notre essai mais une autre en cours de restaurati­on et encore une autre en constructi­on ! Y aurait-il un engouement pour la Red Baron (Baron Rouge), le petit nom de ce modèle ? Alexander nous explique que c’est un pur hasard, car à l’époque, à peine une cinquantai­ne de EH 10-C (le nom d’homologati­on) ont trouvé clients. Il faut dire que la bête s’affichait à 72 000 F, deux fois et demie le prix d’une

CBX standard ! Bien sûr, il était possible d’acheter la partiecycl­e seule contre 36 000 F mais encore fallait-il dénicher un moteur de CBX et assembler le tout. Ensuite, il fallait se rendre au service des Mines pour homologuer l’engin.

Qualité et rigidité suisses

La machine déshabillé­e sur le banc permet de mieux examiner la structure du cadre à grosse poutre centrale typiquemen­t Egli. Le moteur est relié dans sa partie supérieure par un treillis boulonné et classiquem­ent dans sa partie arrière. L’ensemble est extrêmemen­t rigide, c’est bien connu. La fourche de fabricatio­n maison apporte, elle aussi, un maximum de rigidité. On remarquera également le déport du té inférieur, une technique qui permet un meilleur guidage sans jouer sur le débattemen­t. À l’arrière, le système Cantilever cher à Egli utilise un amortisseu­r réglable qui disposait, à l’époque, de quatre ressorts aux tarages. Car une Egli, c’était une vraie machine de course homologuée pour la route. D’ailleurs, au début des années 80, Fritz engageait ses motos en championna­t du monde d’endurance avec Jacques Cornu et elles étaient identiques à celles qu’il vendait aux clients. Outre les composants maison (cadre, fourche, commandes reculées, etc.), Fritz faisait appel au meilleur manufactur­ier.

Les freins sont un mélange d’étriers Lockheed et de disques Brembo, tandis que les roues en électron étaient fabriquées par l’allemand Mahle, certes plus connu pour ses pistons. Concernant le pot – un magnifique sixen-un –, il provient de chez Schüle, autre manufactur­ier teuton de renom. Une anecdote qui caractéris­e le sérieux de la maison Egli : pour fabriquer ses fourches, Fritz s’est d’abord associé à l’italien Paioli mais jugeant la qualité insuffisan­te, il a fait rapatrier la fabricatio­n en Suisse ! Revenons à la Red Baron. Ce qui frappe d’emblée sur cette moto, c’est bien sûr la peinture rouge appliquée sur le moteur. Une coquetteri­e qui, au passage, oblige à un démontage complet du moteur. Le détail qui tue, c’est le compteur de vitesse qui, lui aussi, était entièremen­t rouge. Notez que cette machine est

DANS L’ATELIER, PAS MOINS DE TROIS RED BARON : UN RECORD !

telle que le client l’a acquise en 1985. Une première main qu’Alexander a rachetée il y a quelques semaines seulement. Sauf que ce client n’avait pas voulu du compteur rouge. Dommage.

Moto de frimeur ?

Trêve de propos colorés, allons faire un tour puisque Jürg Lindemann, fidèle mécano d’Egli depuis 38 ans, fait chauffer le moteur. Au ralenti, le six-en-un est étonnammen­t discret. Je me dirige vers une série de virages qui va servir pour les photos. Première impression, on n’est pas « sur » la Red Baron mais « dans » la Red Baron, tant on est bien calé entre le gros réservoir et la selle monoplace. Deux éléments qui se démontent en un clin d’oeil, technique de course oblige. Dans une ligne droite, j’ouvre en grand pour dépasser les voitures. Là, le son émis par le six-en-un est complèteme­nt différent. Et comme la poussée du six-cylindres ne semble jamais vouloir s’arrêter, on se croirait plus au volant d’une Formule 1 qu’au guidon d’une moto. Les virages arrivent. Je prends les freins et ça répond franchemen­t contrairem­ent à une CBX d’origine. On s’en doutait. Ce dont on se doutait aussi, c’est un gain de maniabilit­é non négligeabl­e puisque grosso modo, la

Red Baron affiche 50 kg de moins qu’une CBX standard. Malgré tout, la Red Baron reste quand même « encombrant­e », pour ne pas dire lourde. Un six-cylindres en ligne n’est pas vraiment adapté pour une sportive et ce n’est pas pour rien si Honda a proposé la CB 900 Bol d’Or puis la CB 1100 R. Et puis sur une

Egli, la chasse est relativeme­nt importante, et elle ne sera jamais maniable dans les petits coins. La priorité s’est portée sur la tenue de route à haute vitesse, là où les production­s japonaises laissaient entrevoir leurs limites. À l’époque,

Egli racontait que les vrais sportifs achetaient des motos équipées d’un 4-cylindres et que les frimeurs se tournaient vers le six-cylindres. C’est d’ailleurs pour ça que le moteur était peint en rouge. Sauf qu’aujourd’hui comme hier, la frime a un prix puisque cette moto est à vendre

56 000 €… Comme écrivait un journalist­e français en 1982 : « Des prix à vous décapiter les rêves les plus fous. »

DES PRIX À VOUS DÉCAPITER LES RÊVES LES PLUS FOUS

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 ??  ?? 1. Le té de fourche est la marque de la croix suisse. 2. La suspension arrière est de type Cantilever. 3. Fourche Egli, disque Brembo, pinces Lockheed, jantes Mahle. C’est beau et efficace.
1. Le té de fourche est la marque de la croix suisse. 2. La suspension arrière est de type Cantilever. 3. Fourche Egli, disque Brembo, pinces Lockheed, jantes Mahle. C’est beau et efficace.
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Cette Red Baron date de 1985 et n’a connu qu’un propriétai­re avant de « rentrer » à la maison il y a quelques semaines.
 ??  ?? Pour réaliser cette peinture, il faut entièremen­t démonter le moteur.
Pour réaliser cette peinture, il faut entièremen­t démonter le moteur.
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La Red Baron n’est pas une supersport­ive mais elle fait mieux que la CBX d’origine. Beaucoup mieux même.
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2. Les carburateu­rs d’origine se passent de filtre à air.
3. Le compte-tours électroniq­ue Kröber est typique des années 80.
1. Le six-en-un produit un son magnifique dans les tours. 2. Les carburateu­rs d’origine se passent de filtre à air. 3. Le compte-tours électroniq­ue Kröber est typique des années 80.
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