LE FUTUR D'EGLI
Rencontre avec le nouveau patron d’Egli, chef d’entreprise, pilote automobile et désormais créateur de motos suisses.
Entretien avec Alexander Frei qui nous parle de l'avenir de la marque.
Lorsque vous arrivez à Bettwil, à 45 minutes de Zürich, impossible de passer à côté du garage Egli. Le hameau ne doit accueillir qu’une centaine d’âmes et surtout, les bâtiments sont toujours les mêmes depuis 50 ans, ou presque (cf. la photo p. 33). Pourtant, à l’intérieur, c’est quasiment la révolution ! Car cela fait maintenant 5 ans qu’Alexander Frei, 65 ans cette année, a repris Egli, pour le plus grand plaisir des amateurs de la marque. Et le plus drôle, c’est que tout ça s’est passé un peu par hasard. À l’époque, le fils de notre homme souhaitait ouvrir une concession moto multimarque et vendre, entre autres, des Royal Enfield. Comme Fritz Egli était alors importateur des motos indiennes pour la Suisse, les Frei père et fils sont logiquement allés rendre visite au septuagénaire.
« Il nous a fort bien reçus et au détour de la conversation, il nous a expliqué qu’à 75 ans, il souhaitait se séparer de son affaire car il n’avait pas de successeur. » Ça ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd et quelque temps plus tard, précisément en janvier 2015, Alexander rachète la société, les motos, les pièces, l’outillage et embauche le personnel ! En revanche, Fritz reste propriétaire des murs et il habite d’ailleurs encore dans l’appartement situé au-dessus des ateliers. Mais revenons à Alexander
qui, toujours souriant mais jamais exubérant, nous raconte comment il en est arrivé là. « J’ai une formation d’ingénieur en micro-technique et j’ai travaillé dans le domaine de l’horlogerie, du médical et du traitement de l’eau. J’ai créé plusieurs entreprises et au début des années 2000, après avoir vendu une de celles-ci, j’ai pu me consacrer à ma passion : le sport automobile. »
Pilote automobile
En fait, à 45 ans et durant une poignée de saisons, Alexander va participer aux championnats du monde d’endurance (et donc aux 24 Heures du Mans) au sein du team Courage. Rien que ça ! Il reprend, presque pour se justifier : « Même si je n’ai jamais fait de compétition sur deux-roues, j’ai toujours eu une moto dans le garage, surtout des anglaises… » Revenons en 2015, au moment du rachat d’Egli : « Fritz n’avait pas construit de nouveaux cadres depuis 1983 mais moi, je voulais faire quelque chose qui marque les esprits. C’est pour cela que
JE VOULAIS FAIRE QUELQUE CHOSE QUI MARQUE LES ESPRITS
l’on a créé la Fritz W. avec le moteur de XJR 1300 (voir MR Classic n° 94). » Pour ce faire, il réembauche même un ancien soudeur de la maison, Othmar. Sauf qu’aujourd’hui, pour faire homologuer une moto, c’est un peu plus compliqué que dans les années 70 : « Pour valider notre cadre, les autorités suisses l’ont soumis à une simulation sur un banc qui correspondait à un cycle de 100 000 km. » Tout ça pour seulement six motos. De toute façon, il faut maintenant tenir compte des normes antipollution et comme le moteur de XJR est homologué Euro 4, il ne serait plus possible de vendre la Fritz W. aujourd’hui. Mais Alexander est quand même content de ses premiers pas dans le monde de la moto. D’autant que dans le même temps, il s’est lancé dans la fabrication de répliques du moteur Vincent 500 Grey Flash, le fameux monocylindre de course. Propulseur évidemment monté dans un cadre maison : « Avec l’EVTT 500, on roule depuis deux ans au Tourist Trophy Classic, fin août. En 2017, on a fini 3e des monocylindres, en 2018, on a gagné une place et cette année, on espère l’emporter dans notre catégorie. » Alexander a bien l’intention de commercialiser son prototype contre 72 000 Francs suisses, soit 65 400 €.
De gros investissements
Pour en arriver là, Alexander a acheté des machines à commandes numériques qui ont pris la place du vieux banc de puissance de Fritz. Et pour l’assemblage, l’ancien stock de pièces a cédé sa place à un atelier qui tient plus du laboratoire. Tous ces investissements profitent aussi aux amateurs de la marque puisque lors de notre visite, quatre ou cinq machines étaient en cours de restauration. Egli emploie aujourd’hui 12 personnes dont deux ingénieurs récemment embauchés.
Rien que pour l’EVTT 500 et quelques refabrications ? Devant mon insistance, Alexander finit par me lâcher le morceau, la société travaille actuellement à la fabrication d’un moteur 1000 V-twin et la commercialisation d’une moto complète est prévue dans un an. Si tout va bien.
« Le prototype devrait rouler cet hiver et une première série de 12 motos Euro 5 arriveront au prix de 100 000 Francs suisses (91 000 €). Les composants seront fabriqués en Suisse et elles seront assemblées à Bettwil, dans le même atelier que celui des monos de course. » Et ben voilà, je comprends mieux les gros investissements effectués ces deux dernières années. Alexander ne m’en dira pas plus et se contentera de me montrer le cadre… caché sous une bâche. J’ai cependant eu le droit de le toucher et j’ai pu constater qu’il s’agissait d’un modèle ouvert avec une poutre.
Pas vraiment une surprise. Après Brough Superior
(Egli est d’ailleurs importateur pour la Suisse), voilà une autre marque prestigieuse qui revient sur le devant de la scène. Qui plus est, il s’agit d’une machine
100 % helvète, animée par un V-twin. Une première depuis la Motosacoche
1000 des années 30.
UNE MARQUE PRESTIGIEUSE REVIENT SUR LE DEVANT DE LA SCÈNE