ESSAI INDIAN FTR 1200
Envisager l’avenir en s’inspirant du passé, c’est le credo d’Indian. La marque propose donc la Scout FTR 1200, hommage à la FTR 750 victorieuse en flat-track aux USA. Un roadster assez réussi mais non exempt de défauts.
La plus attendue des motos américaines est enfin arrivée en France.
« Indian appartient au groupe Polaris depuis huit ans et reste pour le moment la plus petite compagnie au sein de ce groupe », explique Reid Wilson, directeur du marketing et du développement produit au siège d’Indian, dans le Minnesota (États-Unis). « Polaris possède toute l’ingénierie nécessaire et l’assise financière pour développer Indian. La FTR
1200 lève le voile sur l’une des dimensions de nos ambitions, vous verrez qu’elles vont au-delà. D’autres Indian arriveront bientôt sur le marché, certains reprenant la base moteur de la FTR, d’autres inaugurant de nouvelles mécaniques…
Mais nous avons une grande considération pour ce que représente la marque Indian et nous voulons perpétuer cet esprit. Nous nous demandons toujours, quand nous évoquons une nouvelle moto, ce qu’en auraient pensé les fondateurs de la marque.
Or, la compétition était dans leur ADN, la FTR 1200 collait selon nous parfaitement à ce qu’ils auraient aimé faire. Si vous voulez deviner le futur d’Indian, regardez son passé, sourit Reid. Nous ne voulons pas trahir l’esprit originel de la marque. » C’était à l’automne dernier, dans son petit bureau, sur l’un des trois sites que comptent Indian dans le Minnesota. La commercialisation de la
FTR 1200 a débuté quelques mois plus tard, en mai dernier. Plus encore que les Scout ou les Chief, elle incarne la renaissance de cette marque
née en 1902. La FTR est le dernier rebondissement de l’histoire chaotique d’Indian. Reid Wilson croit beaucoup dans le potentiel de séduction de la FTR en Europe, qui libère Indian de l’orthodoxie des customs. Cette moto émane pourtant d’une discipline sportive encore mal connue chez nous, le flat-track.
Renouer avec le passé
Elle devient « tendance » grâce au goût immodéré que lui voue la vague Custom Culture, mais les foules ne se pressent pas encore autour des rares pistes françaises. À nos yeux, la FTR rappelle un roadster du type Ducati Monster 1200, avec son gros bicylindre en V et son cadre treillis. Aux États-Unis, elle cristallise le vieil adage « gagner le dimanche, vendre le lundi ». Parce qu’Indian est revenu au sommet du championnat flat-track américain, soixante ans après l’avoir déserté, et a réussi à vaincre Harley-Davidson en catégorie 750 cm3 avec le pilote Jared Mees, qui a participé au développement de la 750 de course qu’il a menée à la victoire (voir p. 70) mais aussi à celui de notre
FTR de route. Une fois en selle, je ne retrouve pas de caractéristiques typiques de motos de flat-track. La
FTR 1200, à l’arrêt, est déjà trop lourde pour rappeler ses origines sportives. 230 kg annoncés tous pleins faits, c’est quand même 45 de plus qu’une Ducati Monster 1200 S ! Il suffit de quelques mètres pour que cette sensation s’estompe, la FTR montre ensuite un naturel équilibré, mais en ville ou dans les virages lents, les kilos en trop se rappellent à mon souvenir. Le pneu arrière, intelligemment dimensionné en 150 mm de large, favorise la maniabilité
LA FTR EXPLIQUE NOTRE ENGAGEMENT EN COMPÉTITION DEPUIS 2015
de la moto, malgré son profil assez plat. Il s’agit de Dunlop DT3-R développés pour la
FTR, dont les dessins évoquent ceux des modèles de flattrack. Je repense aux paroles de Reid Wilson, sa quête d’authenticité… Pourquoi ne pas avoir imaginé pour l’Europe une FTR 750, légère et joueuse ? Probablement parce que le côté grosse cylindrée compte encore beaucoup aux yeux des clients de ce genre de marque. Dans le passé, Indian a pourtant fabriqué des petites cylindrées, comme l’Arrow (monocylindre de 220 cm3) ou la Scout de 1949 avec un bicylindre vertical de presque 500 cm3. Peut-être que de plus petites versions sont dans les cartons dont parlait Reid… Mais Indian doit avant tout prouver son statut de marque premium. Voyons donc ce que ce moteur a dans le ventre. Un bicylindre en V, ouvert à 60°, de 1 203 cm3 avec un taux de compression de 12,4 à 1, ça cause sur le papier. L’inertie du vilebrequin a été réduite au maximum pour favoriser la vivacité des montées en régime. C’est une réussite, le moteur prend ses tours avec énergie et vivacité. Avec un regain de pêche autour des 5 500 tr/min.
Cocotte minute
Son caractère un rien policé lui vient forcément des normes auxquelles il a dû se soumettre, mais il allie avec talent une belle force à bas régime, c’est-à-dire dès 2 000 tr/min, avec une puissance honorable de 123 chevaux à presque
8 500 tr/min. Sa plage de régime exploitable impressionne, son caractère un peu moins.
Son principal défaut n’a rien à voir avec ses performances ou son caractère. Le cylindre arrière dégage énormément de chaleur, d’autant plus lors d’un été caniculaire. J’ai pris la moto un soir où le thermomètre affichait 24 °C, les bouffées de chaleur étaient encore quasi insupportables. De retour à la concession Indian HC Motors 77, à Pontaut-Combault, à l’est de la région parisienne, on m’a dit être conscient du phénomène et de travailler dessus pour l’atténuer. Par bonheur, le comportement de la FTR ne provoque pas de « chaleur ». La moto, longue d’empattement (1 524 mm, comme une trail-bike), se distingue par sa stabilité mais n’est pas moins agile pour autant, surtout grâce à son pneu arrière de 150.
Les origines off-road de la moto sont là, dans cette partie-cycle longue, avec un angle de colonne ouvert (26,3°), gages de stabilité, sans la sensation de lourdeur. Les suspensions Sachs fonctionnent très bien, avec progressivité. Car le moteur imposant aurait pu compliquer la répartition des masses, ce qui ne semble pas être le cas, du moins en sensations. Le designer de la moto, Rich Christoph, raconte le travail effectué sur le cadre, en accord avec ses exigences : « Le plus simple pour faire un cadre, c’est d’aller directement de la colonne de direction au pivot du bras oscillant. Ensuite, en fonction du moteur choisi, de la position de conduite et d’autres paramètres, nous recherchons les meilleurs diamètres pour la section des tubes et les triangulations adaptées. À partir de là, j’ai travaillé sur le dessin de la coque arrière, du réservoir, des écopes, de l’échappement… Pour donner des hanches, des épaules, des formes harmonieuses au squelette du cadre. » Et la FTR est une belle moto, à la finition exemplaire. Du tableau de bord TFT aux multiples fonctions, en passant par la peinture, les commodos, le traitement du cadre, tout est flatteur. Le réservoir passe sous la selle, d’où sa hauteur importante (850 mm), mais n’élargit pas la moto. Inconvénient, son autonomie en pâtit : les 13 litres qu’il contient permettent à peine 180 km d’autonomie. Un peu juste, mais la FTR n’est pas un « trail routier ». Celui-ci est peut-être pour bientôt, murmure-t-on chez Indian.
LE POIDS DE LA FTR EST TROP ÉLEVÉ POUR EN FAIRE UNE VRAIE FLAT-TRACK REPLICA