Moto Revue Classic

HUSQVARNA 500 GP

Au milieu des années 30, inspiré par les Anglais, Husqvarna fait rouler une redoutable 500 de Grands Prix animée par un V-twin. Elle était véloce mais fragile.

- Texte : Henrik Nyberg - Photos : Ola Osterling

Dans les années 30, la marque suédoise s'imposait dans les Grands Prix 500.

Après une saison 1934 dramatique, l’usine Husqvarna décida de mettre fin à son investisse­ment dans le sport motocyclis­te. Trop d’accidents graves, voire mortels, des problèmes techniques et enfin, un camion de transport plein de motos qui est parti en fumée ont eu raison de la bonne volonté des dirigeants. Il faut dire qu’outre tous ces drames, la production des machines de série avait aussi dangereuse­ment baissé contraigna­nt même Husqvarna à ne plus proposer de modèles haut de gamme. Et pourtant, les victoires ont été nombreuses sur les classiques suédoises (Majpokalen, Novemberkå­san) et internatio­nales (les fameux 6 jours), sans parler des places d’honneur au Tourist Trophy ou en Grands Prix. Les pilotes se nommaient Martin Strömberg (en 350 cm3), Ragnar Sunnqvist (500 cm3) et Rolf Gülich (250 cm3), et ces trois-là étaient prêts à rempiler pour la marque scandinave. Ils le firent savoir et l’ingénieur du service course, Folke Mannersted­t, fut nommé à la tête de la nouvelle « Écurie Husqvarna », une équipe autonome mais bénéfician­t d’un soutien direct de l’usine. Avec l’aide d’une dizaine de mécanicien­s, Mannersted­t devait assembler une dizaine de machines pour la saison 1935, ni plus ni moins que les célèbres

350 et 500 bicylindre en Vé de la marque scandinave.

Car si dès 1930, Husqvarna

roule avec une 500 monocylind­re et se classe troisième du Grand Prix de Suède, à partir de 1933, l’ingénieur Folke Mannersted­t dessine un bicylindre en Vé à 45° qui, comme le mono, est d’inspiratio­n Jap. Il faut dire que Husqvarna était l’importateu­r pour la Suède des propulseur­s anglais.

Grâce à des carters moteur en magnésium, des cylindres et culasses en alliage léger et des moyeux-freins coniques en électron, cette machine n’affichait que 132 kg sur la balance. Durant l’hiver 34-35, Mannersted­t part à la chasse aux chevaux et aux kilos sauf qu’à l’usine, les finances ne suivent pas et au printemps, les nouvelles motos n’étaient pas encore terminées. L’écurie HVA a dû alors commencer avec les machines, moins compétitiv­es, de l’année précédente. Évidemment, les résultats n’ont pas suivi.

Hitler fait la gueule

En milieu de saison, la nouvelle version du V-twin arrive enfin, et Ragge Sunnqvist s’impose tout de suite sur le circuit berlinois de l’Avus face à une meute de pilotes BMW arborant l’aigle et le svastika sur leurs cuirs… Hitler devait faire la gueule, d’autant que sur le reste de la saison, si les pilotes Husqvarna ont souvent brillé par leurs performanc­es grâce à une vitesse de pointe étonnammen­t élevée, les casses ont été nombreuses. Les motos suédoises étaient puissantes (44 chevaux à 6 800 tr/min) et légères

(128 kg), mais très fragiles. Revenons au XXIe siècle. L’exemplaire que Christer Watz possède depuis plus de 40 ans est probableme­nt celui qui a été utilisé en 1935 par

Raine Lampinen, un pilote privé qui louait sa machine à l’usine cette année-là. Avec cette moto, qui porte le numéro de moteur et de cadre S7 x 34, il a remporté le Grand Prix d’Estonie. À l’automne 1935, le pilote Martin Strömberg aurait acheté « sa » 350 et des pièces de 500 utilisées par Sunnqvist au cours de la même l’année. Car cette fois-ci, l’usine mettait vraiment un terme à toute activité

LE BICYLINDRE EN V 500 CM3 CONSTITUE LE CHEF-D’OEUVRE DE FOLKE MANNERSTED­T

sportive. Cependant, les pilotes se sont vu proposer les motos et les pièces de rechange à des prix abordables. Ainsi, avec un haut moteur de 500, Martin a-t-il transformé sa

350 pour pouvoir rouler dans la catégorie supérieure. De son côté, Ragge Sunnqvist racheta aussi une 500 (celle utilisée par Lampinen en 35, la moto de ces pages donc) et les deux hommes s’associèren­t pour reformer l’écurie Husqvarna durant la saison 1936. Ragge Sunnqvist obtint de bons résultats, comme une victoire au Grand Prix de France, mais les Husqvarna restaient des motos fragiles. Ce qui est arrivé à la machine après la saison reste flou. Certains prétendent qu’elle aurait été stockée à l’usine jusqu’à ce qu’elle soit vendue en Suisse en 1938. D’autres prétendent qu’elle est partie dans ce beau pays après le Grand Prix d’Italie, dès l’automne 1936.

Suspension arrière

Quoi qu’il en soit, la 500 de Sunnqvist a été achetée par le petit constructe­ur suisse Universal, pour faire rouler Hans Taveri, frère aîné de Luigi, qui l’a utilisée essentiell­ement en courses de côte. Après la guerre, elle a été vendue à un certain Werner Gerber qui a « modernisé » la Husky avec une suspension arrière artisanale, faisant disparaîtr­e ainsi le numéro de cadre. La machine a ensuite été vendue à un certain M. Luhti, qui l’a gardée jusqu’en 1967, année où Fritz Sahli l’a achetée pour 200 Francs suisses ! Sahli contacta l’usine Husqvarna pour obtenir des informatio­ns et il tomba sur un ancien pilote de la marque qui lui proposa de lui échanger contre une 250 tout-terrain neuve. Une bonne affaire pour tout le monde. Quelques années plus tard, cette machine fut confiée à Christer Waltz, mécanicien renommé, pour que celui-ci la restaure. Cela signifiait qu’il devait, entre autres, reconstrui­re la partie arrière du cadre.

« Il y avait déjà des personnes dans le pays qui s’étaient intéressée­s à la question et disposaien­t d’une belle documentat­ion, expliquet-il aujourd’hui. Cependant, le plus difficile à trouver était probableme­nt les bielles qui devaient être remplacées. » Pourtant, malgré tous les problèmes, à l’été 1970, la machine était prête

LA HUSKY REVIENT EN SUÈDE APRÈS UN ÉCHANGE CONTRE UNE 250 ENDURO

à fonctionne­r de nouveau.

« C’est un peu délicat à piloter car la plage d’utilisatio­n se situe entre 5 000 et 6 700 tr/min. Et au-delà, le moteur casse ! » Car depuis 1970, cette moto n’est pas restée dans son garage, il l’a pilotée à maintes reprises, en Suède et à l’étranger. Contrairem­ent aux machines du musée suédois de la marque qui ne roulent plus (voir MR Classic n° 97). « La plupart des pièces peuvent être refabriqué­es si elles cassent mais un carter fendu serait un désastre », explique-t-il.

Rendez-vous manqué

Car durant l’été 2009, lors d’une démonstrat­ion, Chris a frisé la catastroph­e : « Un circlip d’axe de piston s’est cassé, explique-t-il. Folke Mannerstad­t m’a dit de ne plus utiliser de circlips mais des bouchons en alu. » Par chance, ce jourlà, seuls le piston et la bielle ont été touchés. Aujourd’hui, Chris admet que beaucoup de pièces du moteur ne sont plus d’époque mais il ne veut plus prendre aucun risque et comme ses soeurs jumelles, la S7 x 34 va rester au musée Husqvarna. Mais avant cela, il m’a autorisé à faire un dernier essai sur circuit. « L’utiliser en ligne droite serait plus prudent, comme ça, tu ne risqueras pas de chuter en virage », m’a-t-il écrit dans un premier email pas très rassurant… Je garde surtout à l’esprit les instructio­ns données par Mannersted­t dans les années 30 : ne pas dépasser les

7 000 tr/min. De quoi me rendre un peu nerveux... Un kilomètre avant d’arriver sur le circuit de Mantorp, j’entendais déjà hurler les mégaphones de la Husky : Christer chauffait le V-twin. Lorsque nous sommes arrivés, nous avons commencé par les photos statiques : en cas de casse ou de chute, on aurait au moins ça pour sauver le sujet. Puis le moment est arrivé ; Chris a redémarré la moto, il l’a chauffée à nouveau, puis il a pris la piste. Il a augmenté le régime et un bruit bizarre s’est fait entendre. Sûrement un problème de soupapes.

Chris a tout de suite réagi en coupant le moteur et de gros dégâts ont été évités. Heureuseme­nt que ce n’était pas moi qui conduisais la moto ; je ne suis pas sûr que j’aurais réagi aussi vite… Toujours est-il qu’un de mes rêves, piloter la fabuleuse

500 Husqvarna de GP, ne se réalisera sûrement jamais.

UN BRUIT ÉTRANGE SORT DU MOTEUR...

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 ??  ?? Inspiré par le Jap anglais, le V-twin Husqvarna ne cubait que 500 cm3 pour pouvoir s’aligner en Grands Prix.
Inspiré par le Jap anglais, le V-twin Husqvarna ne cubait que 500 cm3 pour pouvoir s’aligner en Grands Prix.
 ??  ?? 1. Michael Gayer, 9e du GP de Suisse 500 cm3 en 1935. Cette machine est aujourd’hui au musée Zweirad à Neckarsulm. La plaque émaillée NSU au-dessus du box est prémonitoi­re... 2. En 1936, une semaine après sa victoire au GP de Barcelone, Martin Strömberg (n° 30) prend le départ du GP de Suisse 350. Il terminera 5e. 3. Michael Gayer en action lors du GP de Suisse 1935. 4. L’un des secrets de la légèreté de la Husqvarna 500, ce sont les carters en magnésium. Aujourd’hui, c’est son talon d’Achille...
1. Michael Gayer, 9e du GP de Suisse 500 cm3 en 1935. Cette machine est aujourd’hui au musée Zweirad à Neckarsulm. La plaque émaillée NSU au-dessus du box est prémonitoi­re... 2. En 1936, une semaine après sa victoire au GP de Barcelone, Martin Strömberg (n° 30) prend le départ du GP de Suisse 350. Il terminera 5e. 3. Michael Gayer en action lors du GP de Suisse 1935. 4. L’un des secrets de la légèreté de la Husqvarna 500, ce sont les carters en magnésium. Aujourd’hui, c’est son talon d’Achille...
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 ??  ?? Christer Watz, lors du dernier roulage de la Husqvarna 500. Quelques minutes plus tard, une soupape va lâcher... Notez la longueur de la ligne d’échappemen­t arrière qui dépasse outrageuse­ment.
Christer Watz, lors du dernier roulage de la Husqvarna 500. Quelques minutes plus tard, une soupape va lâcher... Notez la longueur de la ligne d’échappemen­t arrière qui dépasse outrageuse­ment.
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 ??  ?? Christer Watz, l’homme qui a restauré la Husqvarna 500 numéro « S7 x 34 ».
Christer Watz, l’homme qui a restauré la Husqvarna 500 numéro « S7 x 34 ».
 ??  ?? 1. La Husqvarna est munie d’une fourche à parallélog­ramme. 2. Le levier permet de régler l’avance à l’allumage. 3. Une fois le carter déposé, apparaisse­nt tiges, poussoirs et culbuteurs. 4. Surtout, ne pas dépasser les 7 000 tr/min... 5. Côté gauche, en haut, les ressorts de soupapes et en bas, la chaîne de transmissi­on primaire : tout est à l’air libre. 6. Admirez ce sélecteur allégé. Il permet de descendre les vitesses avec le talon.
1. La Husqvarna est munie d’une fourche à parallélog­ramme. 2. Le levier permet de régler l’avance à l’allumage. 3. Une fois le carter déposé, apparaisse­nt tiges, poussoirs et culbuteurs. 4. Surtout, ne pas dépasser les 7 000 tr/min... 5. Côté gauche, en haut, les ressorts de soupapes et en bas, la chaîne de transmissi­on primaire : tout est à l’air libre. 6. Admirez ce sélecteur allégé. Il permet de descendre les vitesses avec le talon.
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1. Hans Taveri, frère aîné de Luigi, en action sur la moto de ces pages. 2. Toujours Hans et la Husky 500 mais cette fois attelée à un side-car.
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Cette vue permet de comprendre l’avantage d’utiliser un V-twin : la moto est fine comme une lame.
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La vision des pilotes BMW lors du Grand Prix de Berlin 1935...

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