STORY SÉRIE 5 & 6
Si la Honda CB 750 apparue il y a 50 ans a bouleversé le monde la moto, l’arrivée des BMW Série 5, puis l’évolution en Série 6, a aussi été un tournant : une révolution de velours !
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les Série 5 et 6 de la marque allemande.
Il y a presque 100 ans, l’avionneur allemand BMW lançait sa première moto ; la R32, équipée d’un flat-twin. Depuis, la marque bavaroise n’a jamais abandonné cette technologie. En 1969, elle s’était bâtie, en un demi-siècle à peine, une réputation des plus flatteuses, lorsqu’elle a introduit sa Série 5. On considérait alors, déjà, le constructeur bavarois comme le premier spécialiste mondial du Grand-Tourisme, fort d’une production de qualité supérieure, garantissant les machines les plus efficaces et les plus sûres, en deux mots, les meilleures routières du marché. Revenons en 1922. Un certain Max Friz, ingénieur de son état, Allemand de nationalité, aperçoit la lumière. Au début de l’année suivante, la première moto arborant l’écusson blanc et bleu de la firme aéronautique (le cercle bicolore est censé évoquer une hélice tournant à plein régime) voit le jour et le moins qu’on puisse dire, c’est que le concept génial qui la caractérise a fait école au sein même de la maison BMW ! Un moteur bicylindre à plat installé transversalement dans un cadre double berceau, assorti d’une transmission secondaire par cardan, c’est devenu la signature de la marque. Et ça l’est encore.
La R69 S, reine des années 60
Si l’on était tenté de réécrire toute l’histoire de la moto, si l’on essayait de rassembler, à la manière des moines du Moyen-Âge, tous les textes sacrés, si l’on tentait de coucher sur le papier une sorte de « bible » du deuxroues à moteur, qui mettrait en scène les grandes familles de l’industrie motocycliste et leurs plus beaux fleurons, elle consacrerait sans doute bien des pages aux productions de la Bayerische Motor Werke… Avant-guerre, déjà, les flat-twins mènent le bal, quand les surpuissantes 500 à compresseur dominent les Grands Prix. Pendant les longues années de conflit généralisé, motos et sidecars de la marque bavaroise servent fidèlement les armées allemandes sur tous les fronts et, la paix revenue, une fois la production relancée, BMW fournit de nouveau aux motards du monde entier quelques-unes des meilleures routières qu’ils aient à se mettre sous les fesses, parmi lesquelles l’inoubliable R69 S, reine des années soixante. Celle-ci se voit remplacée à la fin de la décennie par de nouveaux modèles, plus modernes, plus attirants, mais toujours aussi efficaces, voire plus, grâce auxquels l’excellente renommée de la marque va se voir confirmée et se propager dans le monde entier, malgré les machines nipponnes, toutes plus séduisantes les unes que les autres. R50 et 60 (« tout court », 2 ou S), de même que 69 et
69 S cèdent la place à une nouvelle gamme, dite Série 5, composée des R50, 60 et 75/5. C’est un adieu (pour un temps,
EN 50 ANS D’EXISTENCE, BMW S’EST BÂTI UNE RÉPUTATION FLATTEUSE
en tout cas) aux monocylindres et aux cylindrées inférieures à 500 cm3... Avec ses « 5 », BMW réussit plutôt brillamment l’examen de passage des années 70, un virage délicat pourtant, fatal aux constructeurs britanniques en particulier et au contraire profite pleinement, après quelques soubresauts, du formidable renouveau de la moto initié par les Japonais, se taillant une jolie part sur le nouvel échiquier mondial de l’industrie motocycliste qui sera celui de la fin du siècle. La bonne image dont bénéficiait déjà la firme allemande ne cesse de se bonifier et son exceptionnel prestige de s’amplifier au cours de ces années, tant et si bien que l’arrivée des
Série 6 et en particulier, les formidables 90/6 et 90 S, au milieu des seventies, consacre définitivement la marque sur le créneau tellement en vue des gros cubes de prestige… Une position que BMW occupe toujours à l’heure actuelle, proposant des produits au top, technologiquement parlant comme en termes de marché alors que, plus que jamais, la concurrence fait rage tous azimuts. C’est dire !
Hockenheim, 28 & 29 août 1969
Mais revenons à nos R/5 : en 69, apparaît donc la nouvelle gamme composée des R50, 60 et 75/5, des plus harmonieuses. Entendez par là qu’on ne peut que constater un air de famille assez marqué entre les trois modèles qui, au-delà de leurs ressemblances esthétiques, jouent la carte de l’uniformisation technique, comptant un maximum de pièces communes. Bref, la marque possède à son tour une 750 ! Les « nouvelles » BM (on va les appeler ainsi pendant plusieurs années, tant les anciens modèles étaient ancrés dans les moeurs) sont présentées à la presse sur le circuit d’Hockenheim les 28 et 29 août : selon Helmut Werner Bönsch, directeur
technique, l’ingénieur Hans-Günther von der
Marwitz et ses équipes ont eu carte blanche et tout, en dehors du concept fondateur « moteur Boxer, cadre double berceau tubulaire, transmission acatène » se doit d’être nouveau. La Série 5 reste fort classique : flat-twin bien sûr mais nouveau bloc moteur, en alu coulé, plus volumineux et plus léger à la fois, ayant apparemment beaucoup appris de l’expérience automobile, avec un vilebrequin forgé d’une seule pièce, des bielles à chapeaux et une course identique selon les modèles (70,6 mm, seule l’alésage diffère : de 67 mm sur la 498 cm3 et 73,5 sur la 599 à 82 mm sur la 745 cm3), un arbre à cames déplacé vers le fond du bas moteur pour une meilleure lubrification, celle-ci étant assurée par une pompe Eaton à fort débit entraînée par la même chaîne duplex, et un angle de soupapes réduit à 65° (contre 80 autrefois) pour obtenir des chambres de combustion plus compactes. De chaque côté, l’ensemble cylindre-culasse (non plus en fonte mais en alliage léger) est monté sur le carter moteur au moyen de quatre goujons et deux boulons vissés directement dans le cylindre complètent et régularisent le serrage de la culasse.
Adieu la fourche Earles...
Si la R50 et la R60/5 sont équipées de carburateurs
Bing classiques de 26 mm, la 750 bénéficie de modèles à dépression de 32. Les deux plus grosses cylindrées héritent d’un démarreur électrique, alors que la 500 n’y a droit qu’en option. Bien sûr, la transmission secondaire est confiée à un arbre, tandis que la boîte de vitesses, associée à un embrayage monodisque à sec, renferme 4 rapports. De même, double berceau oblige, le cadre est désormais fait de tubes de section ovale dans sa partie avant, d’inspiration Featherbed avec, à l’arrière, un bâti boulonné. Plus légère qu’auparavant
(13 kg contre plus de 17 sur la Série 2), cette partie-cycle a priori plus rigide offre aussi une maniabilité accrue, avec, en particulier, un empattement raccourci. Mais, surtout, elle est associée à des suspensions qui offrent un débattement nettement supérieur. Révolution à l’avant : la fourche Earles est abandonnée au profit d’un élément télescopique à axe déporté avec un débattement impressionnant (214 mm) ! Derrière, les deux amortisseurs se contentent de 125 mm, ce qui n’est déjà pas si mal.
POUR FAIRE FACE À L’OFFENSIVE NIPPONE, BMW MODERNISE SA GAMME
Le proto de la Série 5 n’aura pas participé aux ISDT pour rien (voir page 32) ! Le freinage est assuré par deux tambours de 200 mm de diamètre et double came à l’avant.
Si, on l’a vu, mécaniquement, les trois modèles de la Série 5 ne se singularisent que par le diamètre de leurs pistons, leurs carbus et leur démarreur (ou non), côté partie-cycle, rien ne les différencie. En revanche, par rapport à leurs devancières, les BMW new look se signalent par leurs lignes plus modernes, reposant sur des habillages moins austères, en particulier grâce à des garde-boue en polyester armé peut-être moins efficaces mais en tout cas plus légers, à l’oeil, comme sur la balance et des coloris plus variés : blanc et gris métal en plus du noir, dans un premier temps, puis « curry » (bronze) et « azur » (bleu) et enfin, vert et rouge à partir de 72. Naturellement, derrière le gros réservoir de 24 litres (qui se limitera à 18 courant 71, sans grippegenoux mais avec chromes, le 24 litres demeurant disponible en option), la selle monoplace en caoutchouc (comme l’éventuel tandsad) laisse place à un long siège biplace, sous lequel on découvre une trousse à outils d’une exceptionnelle qualité. Le tableau de bord reste plutôt « old school » avec compteur logé sur le phare
(il y a bien un compte-tours, casé sous le compteur), rampe de voyants autour et contacteur spécifique sur le côté (du même phare), mais les commandes sont au niveau de l’ensemble des équipements, d’une grande qualité. Comme il se doit, la finition est à la hauteur de la réputation de la marque.
Adieu Munich, Bonjour Berlin
À l’usage, effectivement, on retrouve la griffe Béhème et en même temps, tout est nouveau : dans la grande tradition de la firme bavaroise, même si les motos sont dorénavant (depuis septembre 69 pour la R60, octobre pour la 75 et le mois suivant pour la plus petite) fabriquées à BerlinSpandau et non plus à Munich, on apprécie le confort et la robustesse bien connus, avec au surplus des performances
LES BMW SÉRIE 5 HÉRITENT DE LIGNES ET DE COLORIS PLUS MODERNES
et un agrément de conduite en progrès. Les amateurs de BMW sont rassurés (pour peu qu’ils aient été inquiets) : la tradition est respectée. Mais les fans de belles mécaniques regrettent que les ingénieurs allemands n’aient pas été plus radicaux sur le plan esthétique…
Mais c’est ainsi, BMW joue d’abord la carte du classicisme. Toujours est-il que la production, qui a démarré tout doucement avec 1 205 machines en 69 (sur trois-quatre mois seulement), passe à 12 287 unités l’année suivante, le plus gros chiffre depuis 1956. Et encore, concessionnaires et clients se plaignent-ils de délais de livraison trop importants… C’est que la R75 en particulier est un véritable best-seller et l’usine ne s’attendait pas à un tel succès, quand par ailleurs, sa 750 a pour principale concurrente une superstar nommée Honda CB 750 ! En tout cas, la Série 5 remporte un succès assez inattendu et la R75 devient la GT de référence. D’ailleurs, rançon de la gloire, elle est le plus souvent équipée de tout un tas d’accessoires tels que carénage ou pare-brise, valises ou sacoches et autres top-cases et, ainsi chargée, perd pas mal de sa superbe question comportement routier. Mais l’usine réagit : à l’automne 71, une jante arrière plus large fait son apparition. Puis, début 73, le bras oscillant est allongé de 50 mm. Ce qui permet par la même occasion d’installer une batterie plus puissante. Le 25 juillet 73, la 500 000e BMW, une R75, sort des chaînes de montage. Trois jours plus tard, la Série 5 est arrêtée, quelque 68 956 exemplaires de 50, 60 et 75/5 ayant été produites à Spandau.
La Série 6 arrive à la fin de 1973
Fin 73, BMW évolue vers un nouveau cycle et entame la série suivante : après 5, logique, on passe à 6 ! Plus de 500 au catalogue, mais toujours des 600 et 750 et, au coeur de ces seventies où la course à la cylindrée fait rage, on remarque surtout l’arrivée de deux 900 cm3, les 90/6 et 90S : la firme allemande, spécialiste des gros cubes, franchit la barre des 750 cm3 ! Les nouvelles BM sont présentées en octobre et aussitôt, la 90 S ravit la vedette à ses petites soeurs. L’ingénieur responsable de son design, Hans A. Muth, n’a pas raté son coup : la S possède, à n’en pas douter, une personnalité propre. D’abord, elle se distingue par son look, une réussite absolue. Des lignes élégantes, mais surtout originales. Avec son cockpit planqué derrière un carénage de tête de fourche (le premier équipement de ce type monté en série !), son réservoir au dessin particulier, sa selle biplace au dosseret caractéristique et sa peinture dégradée argent fumé ou orange Daytona, la 90 S possède, il est vrai, une sacrée allure. Le carénage n’est pas seulement là pour son intérêt esthétique, il a été étudié en soufflerie et permet de gagner environ 10 km/h, tout en ayant une influence sensible sur la consommation. Côté mécanique, une fois de plus, on a seulement joué sur l’alésage, qui passe carrément à 90 mm, afin d’obtenir une cylindrée de 898 cm3. Avec un taux de compression porté à 9,5 : 1, il a alors suffi de monter deux carburateurs Dell’Orto de 38 mm à pompe de reprise pour sortir pas moins de 67 chevaux du bicylindre. Mais ce n’est pas tout : la 90 S jouit d’une boîte cinq rapports, de
suspensions améliorées, d’une colonne de direction et d’un bras oscillant renforcés, ainsi que d’un amortisseur de direction réglable. Ainsi peut-elle croiser à plus de
200 en toute quiétude. Et, pour s’arrêter, un double disque hydraulique (ø 264 mm) prend place sur la roue avant. Si BMW semble changer son fusil d’épaule en lançant la 90 S Helmut Werner Bönsch tient à préciser, lors de sa présentation, que la 900 Sport n’est introduite sur le marché qu’après quatre années de tests et de recherches à tous les niveaux, qu’il s’agisse du moteur, des suspensions, des freins, des pneus ou du carburant, afin que ce modèle réponde, comme toutes les autres machines de la marque, à toutes les attentes des clients et donne donc toutes les garanties nécessaires en matière de sécurité et d’agrément de conduite, au quotidien et sur toutes distances… Derrière le nouveau porte-drapeau de la firme allemande, on recense sur les trois autres modèles, bon nombre d’améliorations découvertes sur la 90 S : boîte cinq vitesses pour tout le monde, nouveau tableau de bord « à la japonaise », autrement dit à deux cadrans séparés, phare à iode H4 de série (une autre première signée BMW) et frein avant à disque (simple, sur les 75 et 90/6, double disque de la 90 S en option, mais tambour toujours sur la 60/6). Concernant la motorisation, la 90/6 est une version assagie de la S, qui se contente de deux carbus Bing et développe 60 chevaux, tandis que les blocs 600 et 750, si ce n’est leur boîte de vitesses et quelques modifications de détails, sont inchangés par rapport aux Série 5. Une fois de plus, les flats derniers modèles font un malheur et, de nouveau, ce sont les plus grosses cylindrées qui sont les plus demandées : il s’est vendu au total pas moins de 70 000 Série 6 de 73 à 76, dont 21 000 90/6 et 17 000 90 S !
LA R90 S DEVIENT LE PORTE-DRAPEAU DE LA FIRME ALLEMANDE