Moto Revue Classic

NORTON 920 COMMANDO

BREXIT

- Texte: Rupert Paul et CG - Photos: Chippy Wood

Ou comment transforme­r une paisible 850 en une machine ultra-performant­e !

C’est toujours un plaisir de conduire une moto dont la constructi­on a pris des années à un passionné. Sauf que, pour des raisons évidentes, ça rend un peu nerveux. Pourtant, rencontrer Jerry Hutchinson et sa 920 Commando Roadster, c’était comme se rendre sur un lancement presse organisé par un constructe­ur moderne.

Non seulement il fournit une fiche technique et une brochure détaillée, mais Jerry et son associé Roy Chappell portent des chemises 920 Commando et vous servent le thé dans des tasses 920 Commando ! Et je dois dire que leur fierté est totalement justifiée : on dirait une moto de série. Ou plutôt, comme le dit Jerry : « c’est ce que Norton aurait probableme­nt fait, si la marque n’avait pas disparu ». Il précise : « quand mon père est mort en 2009, je voulais lui rendre hommage. Il était ingénieur en mécanique et adorait les vieilles voitures et motos britanniqu­es. J’ai donc pensé à l’ingénierie britanniqu­e et comme Norton renaissait, j’ai acheté leur nouvelle machine. Enfin, je croyais. À l’époque, on pouvait aller voir sa moto en constructi­on à l’usine et même participer au montage. Roy et moi y sommes allés et avons commencé à monter des pièces sur le cadre selon les instructio­ns du technicien. J’étais plein d’enthousias­me : bientôt j’aurai ma propre Commando ! Sauf que deux ans plus tard, elle n’était toujours pas finie, et le directeur des ventes lui-même m’a conseillé de récupérer mon argent. Ce que j’ai fait. Mais je voulais quand même une Norton spéciale. Un jour, j’ai demandé à Malcolm : “as-tu déjà préparé une Norton ?”

Il a répondu : “non, mais j’adorerais”. Et c’est de là que vient cette moto. »

Une belle histoire.

Longueur d’onde

Le Malcolm que Jerry mentionne est Malcolm Sheperdson, patron de l’atelier Metal Malarkey dans le Shropshire, aux portes du Pays de Galles. Jerry avait remarqué l’une des premières créations de Malcolm, une Triumph Bonneville. La moto ressemblai­t à une Bonnie, mais elle avait un cadre sur mesure et tous les détails du design d’origine étaient modifiés. Avec l’aide de Malcolm, Jerry a ensuite construit sa propre Triumph, une moto de route type flat-track. Ainsi, lorsque Jerry a décidé de se lancer dans la fabricatio­n de la Commando en 2014 avec Roy, les deux compères étaient sur la même longueur d’onde.

La conception assistée par ordinateur de Malcolm les a aidés à dégrossir l’aspect général de la moto, jusqu’aux détails comme la fourche, les amortisseu­rs et les supports de repose-pieds. Et pour le moteur, Jerry avait déjà décidé de passer à un vilebrequi­n calé à 270 degrés, solution que pratiqueme­nt tous les twins modernes utilisent. « Avec un calage à 270 degrés, qui génère moins de vibrations, et un reniflard à clapet, nous savions que nous pouvions nous passer de l’Isolastic et donc gagné pas mal de place », explique Malcolm. « J’ai suggéré de l’acier étiré à froid de 1,5 mm pour le cadre, certes un peu plus lourd que d’habitude, mais nous ne savions pas exactement à quel point le moteur vibrait. » Vous vous demandez comment un reniflard peut atténuer les vibrations ? « C’est parce que le moteur n’aspire pas l’air extérieur », explique Malcolm. « Ça fait une grosse différence. Yamaha et BMW ont utilisé des systèmes similaires.»

AVEC LE CALAGE À 270°, ON PEUT SE PASSER DU SYSTÈME ISOLASTIC

Une fois les principale­s décisions prises, Malcolm a assemblé les tubes du cadre en fonction du moteur, du réservoir et des caches latéraux. Choisir des roues de 17 pouces et une fourche de 43 mm permet d’améliorer la maniabilit­é. De plus, Jerry a opté pour un angle de colonne de 24 degrés et une chasse de 90 mm comme sur une Honda Fire Blade de 1999. Les valeurs pour les Commando d’origine étaient à 27/28 degrés et l’empattemen­t était de

1 435 mm, contre environ 1 410 mm pour une moto sportive japonaise du début des années 2000.

Conseils précieux

Le deuxième collaborat­eur clé de Jerry fut Mick Hemmings qui dirigeait une célèbre boutique Norton à Northampto­n, jusqu’à sa semi-retraite récente. Mick a fourni (et peut toujours fournir) la boîte à cinq vitesses Quaife et la transmissi­on primaire par courroie. Et surtout, ses conseils ont été précieux pour monter le tout dans les carters de Commando 850 Mk3. Le fameux reniflard a été commandé par Pete Lovell à Birmingham, mais Mick a fourni tout le système de lubrificat­ion et surtout le vilebrequi­n allégé. Jerry s’est occupé de l’arbre à cames spécial, de l’allumage Tri Spark, des nouveaux carters, des cylindres et des pistons de 920 cm3.

« Ça semble facile, mais si je vous racontais toute l’histoire de l’arbre à cames, vous seriez ici jusqu’à demain », prévient Jerry. Le réglage de la carburatio­n a été un long travail également. Et de plus, notre homme s’est occupé de l’électricit­é en partant d’un boîtier MotoGadget. Enfin, la moto pouvait être présentée à l’homologati­on en mars 2018. Depuis, les deux complices ont passé beaucoup de temps à la peaufiner.

Sur ses roues de 17 pouces, la Norton à l’air prête à bondir. Elle ressemble à la version originale, mais il n’y a pas de tringles ou supports inutiles, de commodos bon marché, de fuites d’huile, de câbles qui font tout le tour de la moto. Il n’y a même pas de clé de contact grâce au système MotoGadget. Levier d’embrayage et poignée d’accélérate­urs sont doux, les suspension fonctionne­nt, les freins sont excellents et le cadre est rigide.

RÉALISER UNE TELLE MOTO PEUT SEMBLER FACILE À CERTAINS…

Les amateurs de classiques ont le choix parmi de nombreux twins modernes, mais par rapport à une Commando de gros calibre comme celle-ci, elles font bien pâles figures.

Comporteme­nt neutre

Jerry a judicieuse­ment monté un kick de Triumph 750 Trident beaucoup plus long, mais vous avez encore besoin de replier le repose-pieds, ouvrir les gaz, appeler l’essence et balancer un gros coup de botte pour réveiller le moteur. Le résultat, si vous réussissez, est le grondement habituel à bas régime, sauf qu’à haut régime, ça change tout avec le calage à 270°. Dès 2 500 tours/minute, on sent que le moteur est prêt pour la baston. Mais la position de conduite n’est pas vraiment adaptée en dessous de 50 km/h. Les bracelets sont très ouverts, les repose-pieds trop en arrière et comme l’embrayage à sec n’a que

500 km, il donne des à-coups.

Encore 500 autres kilomètres, et tout ira bien. En revanche, la boîte de vitesses Quaife est sans reproche, même pour trouver le point mort. Il faut quitter la ville, relâcher les poignets, et vous allez vous retrouver tranquille­ment autour de 100 km/h en croisière. À 5 500 tr/mn, on est à l’aise pour dépasser n’importe quelle voiture. Le régime n’est pas très élevé et pourtant les sensations sont déjà là quand on arrive à trouver le bon rapport. Jerry compare la puissance avec son ancienne Ducati 996. Je dirais que ça ressemble plutôt une Harley V-Rod.

À 4 000 tr/mn, ça vibre un peu, mais c’est supportabl­e. Jerry a choisi des ressorts souples et un amortissem­ent moyen pour que le confort soit aussi bon que possible avec deux amortisseu­rs. Comme on peut s’y attendre, le comporteme­nt de la moto est très neutre et les pneus modernes permettent de prendre des angles étonnants. La selle Corbin monoplace est large, avec un joli dosseret intégré. Elle est très confortabl­e et suit parfaiteme­nt les courbes du réservoir. Le freinage est étonnammen­t puissant, un doigt suffit. Comme pour toute moto sur mesure, il y a encore du travail à faire. Bien que le moteur fasse preuve d’une santé incroyable, Jerry planifie une séance au banc d’essai quand le rodage sera terminé. Il en profitera pour contrôler le bon fonctionne­ment du reniflard. Il compte aussi réduire un peu le volume des échappemen­ts. La plus grande qualité de cette Norton est peut-être son degré de finition. Pour certains, cela semble normal, mais si vous avez essayé de construire votre propre moto, vous avez compris que Jerry a atteint un très haut niveau. « Je construis des motos comme ça, parce que je les aime. Si les autres les aiment aussi, tant mieux ! »✦

SI LES AUTRES AIMENT MES MOTOS, C’EST TANT MIEUX !

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 ??  ?? La 920 Commando, la moto que Norton aurait pu produire, si la marque n’avait pas disparu.
La 920 Commando, la moto que Norton aurait pu produire, si la marque n’avait pas disparu.
 ??  ?? La tenue de route de la Norton 920 Commando est impression­nante. Presque comme une moto moderne…
La tenue de route de la Norton 920 Commando est impression­nante. Presque comme une moto moderne…
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2. À l’arrière comme à l’avant, les disques sont des Braking et les étriers sont des Harrison.
3. Compteur et compte-tours sont des Smiths, tandis que la fourche et le té supérieur proviennen­t d’une Buell Cyclone.
1. La tige de changement de vitesses passe devant l’embrayage à sec entraîné par courroie. 2. À l’arrière comme à l’avant, les disques sont des Braking et les étriers sont des Harrison. 3. Compteur et compte-tours sont des Smiths, tandis que la fourche et le té supérieur proviennen­t d’une Buell Cyclone.
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3. Comme sur l’Ace Café Racer (voir page 126 ), les freins sont signés Harrisson.
4. Si le phare est toujours un Lucas, les petits clignotant­s et les bracelets Tarrozzi annoncent la couleur.
1. Les carburateu­rs sont des Keihin, made in Japan. 2. Admirez le degré de finition des commandes. 3. Comme sur l’Ace Café Racer (voir page 126 ), les freins sont signés Harrisson. 4. Si le phare est toujours un Lucas, les petits clignotant­s et les bracelets Tarrozzi annoncent la couleur.
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 ??  ?? C’est peut-être sous cet angle que la Norton 920 Commando est la plus impression­nante. Même à l’arrêt, elle dégage une forte impression de puissance.
C’est peut-être sous cet angle que la Norton 920 Commando est la plus impression­nante. Même à l’arrêt, elle dégage une forte impression de puissance.
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Les moyeux sont signés Talon, une marque anglaise vieille de 40 ans. 2. Le kick de Triumph 750 Trident permet d’obtenir un bras de levier plus important. La boîte de vitesses à cinq rapports est une Quaife.
3. Les silencieux sont mal nommés : des éléments moins bruyants vont être montés. 4. On peut comparer l’accélérati­on de la 920 Commando à celle d’une Harley V-Rod, ce qui est plutôt flatteur.
Pour le plaisir, un écorché du moteur Norton 750 Commando dans sa version originale, et donc calé à 360°. Les moyeux sont signés Talon, une marque anglaise vieille de 40 ans. 2. Le kick de Triumph 750 Trident permet d’obtenir un bras de levier plus important. La boîte de vitesses à cinq rapports est une Quaife. 3. Les silencieux sont mal nommés : des éléments moins bruyants vont être montés. 4. On peut comparer l’accélérati­on de la 920 Commando à celle d’une Harley V-Rod, ce qui est plutôt flatteur.

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