Moto Revue Classic

NORTON 500 CUSTOM

Le préparateu­r suédois Christian Ekwall n’a peur de rien, il a monté une Norton 500 avec une partie-cycle de 16H et un gromono ES2 à compresseu­r.

- Texte: Christophe Gaime - Photos: Alexandre Krassovsky

Le Suédois Christian Ekwall a monté un moteur de ES dans un cadre de 16H.

Les machines qu’utilise habituelle­ment le préparateu­r suédois Christian Ekwall pour ses transforma­tions sont des Norton 16H, (fabriqué de 1911 à 1954) et des ES2 (entre 1928 et 1964). Je me demande comment il réussit encore aujourd’hui à mettre la main sur de nouvelles motos qui atteignent les soixante-dix ans. Très récemment, par exemple, il a réussi à débusquer une partie-cycle complète de 16H datant de 1937 en état d’origine, à part la fourche avant. Elle est introuvabl­e de nos jours. Et comme il avait un moteur de ES2 qui traînait, il a décidé de marier les deux éléments.

Compresseu­r volumétriq­ue

Dans un premier temps, il l’a remise en route dans sa configurat­ion d’origine, c’est-à-dire avec un simple carburateu­r. Puis une idée s’est mise à lui trotter dans la tête : il fallait qu’il monte un compresseu­r sur cette machine. « Je n’ai jamais eu de moto à compresseu­r, mais une irrépressi­ble envie de le faire s’est insinuée en moi. Peut-être un besoin de rendre hommage aux motos de course des années 1930 qui était équipée de ce système de suraliment­ation, mais qui a été interdit après la guerre. » Et même si Norton n’en a jamais monté sur ces motos… Bref, il a déniché un compresseu­r Roots fabriqué par Aisin conçu pour les moteurs de 500 à 1 000 cm3. Il est entraîné par une chaîne à partir du vilebrequi­n sur le côté gauche du moteur. Ce compresseu­r est conçu à l’origine pour tourner à une vitesse supérieure de 50 % à celle du vilebrequi­n. Sauf que Christian a choisi de faire le contraire : en modifiant la démultipli­cation, il le fait tourner 25 % plus lentement. Cela signifie que le moteur perd un peu de puissance dans les bas régimes. Mais Christian réduit ainsi les problèmes de surpressio­n, car il n’y a pas de soupapes de surpressio­n ni de chambre de tranquilli­sation. Toujours est-il qu’in fine, le compresseu­r permet de gagner une dizaine de chevaux sur les moyens et les hauts régimes. « Jusqu’à présent, je ne suis pas allé au-delà du troisième rapport, je n’ai pas osé rouler plus vite ! » Étant donné que les freins sont d’origine, on comprend que Christian prenne des précaution­s. Concernant la partie-cycle, le cadre a été coupé dans sa partie centrale. Tout le tube principal a été enlevé et plié, en partie pour loger le moteur ES2 et le compresseu­r dans le cadre 16H, et en partie pour permettre au réservoir de trouver sa place au-dessus du moteur. Il peut sembler étonnant de couper le seul tube qui relie la partie avant et la partie arrière du cadre, mais celui-ci a été soigneusem­ent fixé dans un gabarit fait maison avant l’opération. Christian l’a ensuite rempli de sable et chauffé pour le plier. Puis il l’a renforcé et a soudé l’ensemble. Le réservoir en aluminium a été acheté en Angleterre et provient d’une machine de speedway. Christian l’a coupé pour qu’il puisse se glisser entre le tube du cadre modifié et le moteur, puis il l’a envoyé chez un ami soudeur qui a adapté un nouveau fond. Problème : il ne contient plus que trois litres de carburant. Pour augmenter l’autonomie, Christian a modifié le coffre à outils pour en faire un réservoir additionne­l. À l’aide d’une pompe dissimulée sous la selle, le carburant est ensuite acheminé vers le réservoir principal.

Voiture américaine

Le réservoir d’huile devant le moteur est en aluminium également. Il est fait d’un silencieux d’échappemen­t bouché aux deux extrémités et le bouchon provient d’une gourde militaire. Christian pensait aussi monter un garde-boue arrière du même matériau, mais il s’est contenté d’un garde-boue avant de Norton, en acier. En revanche, les jantes Akront de 19 pouces (montées avec des pneus Shinko de 4 pouces de large à l’avant comme à l’arrière) sont en aluminium.

POUR LE MOMENT, JE RESTE EN 3E CAR LES FREINS SONT D’ORIGINE

Les moyeux d’origine Norton ont été conservés mais équipés de roulements neufs. Si le phare provient d’une Husqvarna d’avant-guerre, le feu arrière était probableme­nt destiné à une vieille voiture américaine : « j’ai trouvé qu’il avait une très belle forme, très ronde », explique Christian comme pour se justifier.

Carter de chaîne primaire

Le moteur ES2 a été acheté en pièces détachées, mais étonnammen­t, il était en bon état. Le bas moteur a été rénové par Jeppes Engineerin­g, un spécialist­e suédois, qui a équilibré le vilebrequi­n et monté de nouveaux paliers. Le haut moteur a ensuite assemblé par Christian lui-même. Le cylindre a été réalésé et monté avec un nouveau piston. De même, dans la culasse, on trouve des soupapes et des culbuteurs neufs. D’habitude, Christian remplaçait le carter de chaîne de transmissi­on primaire par une cage en fil de fer qui était un peu sa signature emblématiq­ue. Cette fois ci, il a conservé la pièce d’origine composée de trois parties séparées qui ont été percées pour donner un aspect racing. La boîte de vitesses est le seul élément qui n’a pas été rénové :

« je l’ai juste montée et ça a marché, donc je n’y ai pas touché », explique Chistian en montrant le grand levier vertical qui sert de sélecteur. Si ce système avait été conçu par quelqu’un d’autre, j’aurais probableme­nt pensé que c’était un peu dangereux de le laisser ainsi. Mais comme ça provient de Christian, je ne me fais pas davantage de soucis !

Les traitement­s de surfaces revêtent une grande importance sur les motos de ce dernier. Cette fois, il a choisi de vieillir le métal avec une flamme avant de les brosser, puis a appliqué de l’huile de lin et enfin il a chauffé le tout à nouveau. Les pièces ont réagi très différemme­nt selon qu’elles soient en acier ou en aluminium. Pour lui, il était important qu’il n’y ait pas de chrome. Les seuls éléments qui brillent un peu sont le levier de vitesses et le guidon d’origine, qui sont nickelés. En réalité, le tuyau d’échappemen­t était chromé, mais une fois huilé et brûlé, il est devenu encore plus foncé après quelques kilomètres. Pour acheminer l’essence, Christian utilise des tuyaux en cuivre, qui restent faciles à cintrer.

Service des mines

D’après les informatio­ns qu’il a récoltées, la Norton 16H a été réceptionn­ée pour la première fois en Suède en 1947, mais celle-ci a été construite dans les années 1930. Le moteur ES2, quant à lui, a été fabriqué après la seconde guerre mondiale. Selon les services des mines suédois, il ne devrait pas y avoir de problème pour homologuer cette machine, même avec le compresseu­r, tant que le niveau de bruit est légal. Il faut dire qu’à l’heure actuelle, le son est difficile à décrire. Je peux seulement dire que la Norton sonne terribleme­nt fort et que je n’ai jamais rien entendu de tel. Bref, cette Bitza serait difficile à homologuer dans sa forme actuelle. Si Christian y installait un silencieux suffisamme­nt efficace, il risquerait de modifier complèteme­nt la carburatio­n et la moto ne marcherait pas aussi bien. Cependant, il pense qu’il existe une autre solution assez simple au problème : « si vous enlevez le compresseu­r et installez le carburateu­r d’origine, vous obtenez le son d’une ES2 d’origine ! » Cette moto vous intéresse ? Ça tombe bien, elle est à vendre. Christian a besoin de place et d’argent pour financer de nouveaux projets. « J’ai tellement d’idées… parfois je me dis que si mon cerveau pouvait aller un peu plus lentement, ce serait bien ! »

LE GRAND LEVIER VERTICAL SUR LA DROITE SERT À CHANGER LES VITESSES

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 ??  ?? Christian Ekwall au guidon de sa Bitza. Ci-contre, voilà à quoi ressemble une Norton 500 ES2 d’origine.
Christian Ekwall au guidon de sa Bitza. Ci-contre, voilà à quoi ressemble une Norton 500 ES2 d’origine.
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 ??  ?? Le tube de cadre a été coupé et ressoudé pour permettre le montage du gromono à soupapes culbutées.
Le tube de cadre a été coupé et ressoudé pour permettre le montage du gromono à soupapes culbutées.
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2. Le carter de chaîne de transmissi­on primaire a été percé de manière anarchique.
À cause du compresseu­r, le carburateu­r se retrouve derrière la jambe gauche du pilote. 2. Le carter de chaîne de transmissi­on primaire a été percé de manière anarchique.
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 ??  ?? Si le phare provient d’une Husqvarna, les pattes de phare ont été conçues par Christian.
Si le phare provient d’une Husqvarna, les pattes de phare ont été conçues par Christian.
 ??  ?? 1 & 2. À l’avant et à l’arrière, les freins sont restés d’origine. Avec les 10 chevaux gagnés grâce au compresseu­r, c’est problémati­que.
1 & 2. À l’avant et à l’arrière, les freins sont restés d’origine. Avec les 10 chevaux gagnés grâce au compresseu­r, c’est problémati­que.
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Il se retrouve devant le moteur car le compresseu­r a pris sa place.
Le réservoir d’huile a été confection­né dans un silencieux d’échappemen­t. Il se retrouve devant le moteur car le compresseu­r a pris sa place.

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