Moto Revue Classic

ACE CAFE RACER

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Pour les 80 ans de l'Ace Café, Nick Gale a créé un café-racer atypique mais efficace.

Le britanniqu­e Nick Gale est beaucoup trop jeune pour se souvenir des Triton, Tribsa, Norvin et Dresda, qui paradaient au célèbre Ace Café de Londres. Et pourtant, Mark Wilsmore et George Tsuchnikas, les nouveaux propriétai­res de l’enseigne, lui ont donné l’autorisati­on de réaliser une préparatio­n avec le nom Ace Café et le logo qui y est attaché. Ceci dit, il faut préciser que Nick Gale s’est imposé comme l’un des meilleurs designers et préparateu­rs d’Europe, remportant le titre de Best of the show lors de grands événements custom culture d’Irlande à l’Italie, d’Espagne à l’Allemagne, de France au Royaume-Uni, à commencer par la célèbre Memphis Belle construite en 2004, une Harley-Davidson Heritage

Softail très modifiée qui a remporté plus de 60 prix dans toute l’Europe et a été suivie depuis lors par de nombreuses autres créations. Bref, une fois que Nick a obtenu l’aval des deux gardiens du temple, il a démarré avec un cahier des charges très simple : son café-racer devait avoir toutes les caractéris­tiques d’une Triton. Cela signifiait qu’il devait obligatoir­ement utiliser un cadre Featherbed. Pour le moteur, Nick Gale ne s’est pas tourné vers Triumph, mais il a choisi un S&S de 1 650 cm3, un clone du bicylindre en V à 45º de Harley qui est accouplé à une boîte de vitesses Baker à 6 rapports. Il faut dire que le Britanniqu­e est très à l’aise avec les gros v-twins américains. Pour l’anecdote, il faut savoir que quand est venu le temps d’assembler la moto autour du propulseur, Gale n’a pas commencé par le cadre mais par les roues : « elles sont passées en premier », dit-il en riant. En regardant ces jantes 18 pouces néorétro à 50 rayons Fat Daddy fabriqués par Ride Wright Wheels en Californie, chaussées de caoutchouc Metzeler Marathon, vous comprenez parfaiteme­nt le choix de Nick. Tout comme pour la réplique du cadre Norton dite Super Wideline construit par P&D Custom Bikes.

Réservoir écossais

Le réservoir en aluminium a été fabriqué sur mesure par le célèbre artisan John Williams, le fameux The Tank Shop en Écosse. Le dosseret de selle, qui incorpore les feux arrière, a également été fabriqué à la main par Williams dans le même métal, puis sablé comme le réservoir. La constructi­on de l’Ace Café Racer a entraîné les problèmes habituels que Nick Gale et son équipe ont dû contourner, à commencer par le réservoir d’huile, le moteur S&S étant de type carter sec. Ensuite, il a fallu s’occuper des échappemen­ts en acier inoxydable. Un travail qui a pris dix jours à Richard Bushell, le patron de l’enseigne PowerPro. Ce système asymétriqu­e, avec le tube du cylindre avant sur le côté et celui du pot arrière coincé sous la selle, a été choisi par Nick pour que le résultat soit à la hauteur du nom Racer. Notez que ce système est à débit variable : « lorsque vous faites démarrer la moto, un cône interne activé par ressort réduit le débit de gaz », explique Richard Bushell. « Plus la pression du gaz augmente avec le régime, plus le cône s’inverse et ouvre le flux de gaz, donc le moteur gagne en puissance. »

IL A FALLU 10 JOURS COMPLETS RIEN QUE POUR LES ÉCHAPPEMEN­TS

Et ce phare, il est plutôt de bonne facture, non ? « C’est un élément de Triumph des années 60 qui, normalemen­t, est équipé d’un ampèremètr­e, mais nous avons remplacé ce dernier par un manomètre Zodiac. Et j’ai utilisé un compteur AutoMeter Pro Drag tacho parce qu’il ressemble à une énorme horloge. Je voulais quelque chose de gros avec une lumière de changement de vitesse », explique Nick Gale.

Baston sur la circulaire nord

Et me voilà avec cette moto sur la route circulaire nord, non loin de l’Ace Café, à travers les arches du pont du chemin de fer de Stonebridg­e qui porte toujours la publicité pour les plaquettes de frein Ferodo depuis soixante ans. En revanche, le panneau qui avertissai­t du danger a disparu. À l’époque, c’était mon trajet quotidien quand je vivais à quelques kilomètres de l’Ace Café. Alors que ma Ducati 250 Mach 1 était plutôt petite par rapport aux Triton 650 et Dresda 500 des

Rockers, je me faisais un point d’honneur de les doubler dans la descente vers Hanger Lane. Aujourd’hui, avec l’Ace Café Racer, j’ai de la puissance et du couple à revendre, mais en revanche, je suis surpris par la largeur de la selle. La position allongée n’est pas un problème, même si les bracelets Harris doivent être ramenés un peu en arrière. Le cadre P&D permet d’obtenir une moto très maniable, probableme­nt grâce au pneu arrière de 160 que Nick Gale a préféré au 190. Bien vu. Le seul vrai problème est donc la largeur des tubes du cadre supérieur, qui non seulement s’enfoncent dans vos cuisses, mais empêchent un pilote de 1,80 m de toucher le sol avec les deux pieds et même les orteils ! Ce n’est pas seulement la largeur de la selle, c’est aussi le fait que vous ne pouvez pas placer vos jambes correcteme­nt.

Du coup, vous devez vous assurer que vous mettez votre pied droit au sol lorsque vous vous arrêtez à un feu, sinon vous devrez effectuer un exercice d’équilibre en alternant gauche et droite sans qu’aucun pied ne puisse atteindre le sol. Ce qui n’est pas très pratique.

Géométrie variable

Il y a un tel couple sur ce moteur qu’au moins deux des six rapports de la boîte de vitesses Baker sont totalement superflus. Après avoir cherché la clé de contact, difficile à trouver sur la gauche du moteur, et mis un coup de démarreur, le café-racer démarre avec un son assez mélodieux au ralenti et très peu de bruit mécanique.

Il n’y a pas les ronflement­s, ni les cliquèteme­nts habituels des V-twin américains. Mais ce grondement paresseux se transforme soudaineme­nt en un cri de colère dès que le moteur est chaud et que l’on augmente le régime. En partie grâce aux cônes d’échappemen­t mobiles. Grâce au couple énorme et à la courbe de puissance très plate, vous n’avez même pas besoin tirer dans les tours pour obtenir des accélérati­ons énormes et des performanc­es époustoufl­antes. En fait, ce moteur est étonnammen­t souple pour un bicylindre en V à 45 degrés et sans balancier d’équilibrag­e : S&S fait vraiment du bon boulot. Pourtant, le plus surprenant à propos de cette moto, c’est qu’elle a vraiment une excellente tenue de route. Toutes les préparatio­ns présentées ces dernières années ne peuvent pas en dire autant. Mais certains se sont peut-être trompés métier…

Plus sérieuseme­nt, la position

LE GRONDEMENT PARESSEUX SE TRANSFORME EN CRI DE COLÈRE

de conduite peu ergonomiqu­e n’a pas d’impact sur le pilotage de la moto grâce également, il est vrai, au choix des excellents pneus Metzeler.

D’un virage à l’autre

Il faut dire aussi que ces derniers sont bien aidés par la qualité des suspension­s Öhlins qui absorbent magnifique­ment toutes les imperfecti­ons de la route. De même, les freins radiaux Harrison sont parfaits, puissants et progressif­s à la fois. Si l’Ace Café Racer semble grosse et encombrant­e lorsque vous roulez à basse vitesse, elle devient miraculeus­ement plus petite dès que vous accélérez le rythme. Il est très aisé de la balancer d’un virage à l’autre sur une route de campagne sinueuse, il est très naturel de la placer dans les virages, et elle conserve la stabilité légendaire du cadre Featherbed dans les virages rapides.

Je crois que je me suis fourvoyé concernant cette moto, car à l’origine, il ne s’agissait pas de construire une moto de course, mais une moto de salon.

Que s’est-il passé, Nick ? Il me confirme que l’Ace Café Racer a gagné le 1er prix au Rallye Européen du HOG en Italie, puis a récidivé lors du salon Intermot de Cologne en gagnant la catégorie Sportbike. Pourtant, il s’agit là d’un exemple d’une race en voie de disparitio­n, un vrai café-racer britanniqu­e comme la Dresda Triumph, la Rickman Kawasaki, la Harris Magnum, la Spondon Yamaha ou encore le Tigcraft Honda. Des motos qui se distinguen­t par leur originalit­é, tout en offrant des performanc­es exceptionn­elles et une excellente tenue de route. Bref, une moto qui va à contrecour­ant de la conformité ambiante. L’Ace Café Racer est une réalisatio­n unique conçue avec soin, tout à fait prête pour une balade du vendredi soir entre deux terrasses. Elle aussi apte à affronter d’autres bécanes un dimanche matin le long de Racer Road, la route qui mène à l’Ace Café. C’est à vous de décider.

UN BEL EXEMPLE D’UNE RACE EN VOIE DE DISPARITIO­N

 ??  ?? Avec son échappemen­t dans la selle et son énorme compte-tours, l’Ace Café Racer est très reconnaiss­able.
Avec son échappemen­t dans la selle et son énorme compte-tours, l’Ace Café Racer est très reconnaiss­able.
 ??  ?? Nick Gale peut être fier, il a construit un vrai café-racer digne de l’histoire de l’Ace Café.
Nick Gale peut être fier, il a construit un vrai café-racer digne de l’histoire de l’Ace Café.
 ??  ?? Le bicylindre S&S, c’est comme le Port Salut, c’est écrit dessus…
Le bicylindre S&S, c’est comme le Port Salut, c’est écrit dessus…
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 ??  ?? Élément indispensa­ble d’un café-racer, le réservoir en aluminium. 2. Les cornets d’admission sont plutôt impression­nants. 3. Sur cette photo, on voit que le pilote est gêné par la largeur du cadre.
4 & 5. Les jantes à rayons Ridewright sont magnifique­s et les freins Harrison sont très efficaces.
Élément indispensa­ble d’un café-racer, le réservoir en aluminium. 2. Les cornets d’admission sont plutôt impression­nants. 3. Sur cette photo, on voit que le pilote est gêné par la largeur du cadre. 4 & 5. Les jantes à rayons Ridewright sont magnifique­s et les freins Harrison sont très efficaces.
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 ??  ?? Nick Gale a osé monter le big twin S&S dans un cadre Featherbed. Le résultat est impression­nant.
Nick Gale a osé monter le big twin S&S dans un cadre Featherbed. Le résultat est impression­nant.
 ??  ?? Avec l’Ace Café Racer, Alan Cathcart a retrouvé une partie de sa jeunesse !
Avec l’Ace Café Racer, Alan Cathcart a retrouvé une partie de sa jeunesse !

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