Moto Revue Classic

ÖLHINS STORY

Créé en 1976, Öhlins est devenue, en un peu plus de 40 ans, la marque d’amortisseu­rs de référence. Kent Öhlin, directeur et fondateur de ce fleuron de l’industrie suédoise, évoque le passé et l’avenir.

- Texte: Christophe Gaime – Photos: Ola Osterling

En 1976, le jeune Kent Öhlin décide de se fabriquer des amortisseu­rs pour sa HVA…

Sur le bureau est étalé un certain nombre de vieilles photograph­ies du début des années 1970, dont celle du jeune pilote Kent Öhlin exhibant fièrement sa Husqvarna équipée d’un cadre réalisé par ses soins et d’amortisseu­rs Koni modifiés. « J’avais un énorme intérêt pour la technologi­e, mais je manquais d’un enseigneme­nt supérieur théorique. » D’accord, mais comment le petit atelier de Kent Öhlin est devenu le leader mondial des amortisseu­rs de motos ?

« Il ne faut pas oublier l’époque, raconte-t-il. Je suis né au bon moment, quand le motocross suédois s’épanouissa­it avec des ingénieurs talentueux comme Nils Hedlund, Sune Olsson, les frères Ekberg et d’autres qui travaillai­ent à l’améliorati­on des motos. C’était une période où si vous vouliez changer quelque chose, vous deviez le faire vous-même. Je suis rentré des États-Unis en 1970 où j’étais parti rouler pour Husqvarna. J’ai commencé à m’intéresser aux amortisseu­rs pour les machines de motocross. Les modèles disponible­s sur le marché à l’époque ne fonctionna­ient pas particuliè­rement bien. Quelques ateliers en Belgique et aux Pays-Bas les modifiaien­t, mais ils étaient limités par des tiges de piston trop minces qui étaient sujettes à la surchauffe et à la flexion. Et puis ces amortisseu­rs ne pouvaient pas être reconstrui­ts et n’avaient pas de réglages. Je me sentais capable de réaliser quelque chose de mieux. Sur le premier amortisseu­r que nous avons fabriqué en 1976, nous avons été assistés par un ingénieur de Husqvarna qui a conçu le piston. La compagnie pétrolière Esso a créé une huile minérale avec un indice de viscosité très faible qui pouvait tolérer des températur­es extrêmes, élevées et basses. Ce fut peut-être l’un des éléments clés de notre succès, avec le piston, les joints, les bagues et le faible frottement. Nous avons fait fabriquer des ressorts dans le meilleur acier et sur chaque amortisseu­r, nous en avons couplé un long et court pour obtenir de la progressiv­ité. Cet amortisseu­r pouvait être reconstrui­t, rénové et il était doté de réglages. C’était déjà un produit de qualité, car aujourd’hui encore, nous recevons continuell­ement des amortisseu­rs vieux de 40 ans qui sont toujours en état de marche ! » Thorleif Hansen a été le premier à les tester sur sa Kawasaki, suivi par Håkan Andersson sur sa Montesa.

Vieille Mercedes

« Nous avons produit un amortisseu­r réglable, une gamme de ressorts adaptée et les pilotes disposaien­t d’une assistance course, c’est là où nous avons fait la différence. Je me suis occupé moi-même de l’assistance pendant de nombreuses années, avec mon vieux bus Mercedes. Je partais

JE SUIS NÉ AU BON MOMENT, QUAND LE MOTOCROSS SUÉDOIS S’ÉPANOUISSA­IT

tous les vendredis matin, parfois le jeudi soir, et je rentrais chez moi le lundi soir. Il m’arrivait d’avoir quelqu’un avec moi, mais la plupart du temps, j’étais seul. » Öhlins a construit le tout premier amortisseu­r de type piggyback pour Graham Noyce (ce que l’on peut traduire par « porter sur les épaules », ndlr). Il est arrivé à l’atelier avec sa Honda d’usine pour une paire d’amortisseu­rs sur-mesure. À l’époque, les bonbonnes de gaz étaient reliées au corps par de longs flexibles. Sauf que sur la Honda, il n’y avait pas de place pour fixer lesdites bonbonnes ! Kent les a donc directemen­t fixées sur l’amortisseu­r. Le piggyback était né, et Graham a continué sa route vers la Finlande, où il a remporté le Grand Prix ! La première grosse commande est venue de Husqvarna en 1977 avec dix mille amortisseu­rs pour équiper leurs motos. Après ce succès en motocross, Öhlins s’est attaqué aux Grands Prix de vitesse, avec le même bonheur. Selon la devise « Gagnant le dimanche, en magasin le lundi », Öhlins est vite devenu incontourn­able lorsqu’il s’est agi de monter des amortisseu­rs neufs sur sa moto de route, sportive ou non. Il faut dire aussi qu’entre 1987 et 2007, Yamaha a été le propriétai­re de la firme suédoise. Les liens étaient déjà existants entre les deux entités puisqu’au début des années 80, les 500 de compétitio­n de la marque – en vitesse avec Kenny Roberts et en motocross avec Hakan Carlqvist – étaient équipées d’amortisseu­rs Öhlins.

Ainsi, durant deux décennies, Yamaha a pu profiter de la technologi­e et de la réactivité de la petite firme européenne, tandis qu’Öhlins a pu développer le CES (un système électroniq­ue qui permet de contrôler l’amortisseu­r), mais aussi s’attaquer au marché automobile. Il y a dix ans, la firme a repris son indépendan­ce, sans cesser de se développer, avec plus de

300 employés. Il y a deux ans, Kent a décidé de vendre son entreprise à la société américaine Tenneco. Tout en restant aux commandes. Après quarante-quatre ans de labeur, il va pouvoir prendre une retraite bien méritée.

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Kent Öhlin en 1973. Il est alors un jeune pilote de motocross sur Husqvarna.
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Kent Öhlin dans l’atelier de ses débuts. Le week-end, il faisait l’assistance sur les circuits.
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Dans les années 2000, Öhlins a développé un système hydrauliqu­e pour rendre la roue avant motrice.

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