ÖLHINS STORY
Créé en 1976, Öhlins est devenue, en un peu plus de 40 ans, la marque d’amortisseurs de référence. Kent Öhlin, directeur et fondateur de ce fleuron de l’industrie suédoise, évoque le passé et l’avenir.
En 1976, le jeune Kent Öhlin décide de se fabriquer des amortisseurs pour sa HVA…
Sur le bureau est étalé un certain nombre de vieilles photographies du début des années 1970, dont celle du jeune pilote Kent Öhlin exhibant fièrement sa Husqvarna équipée d’un cadre réalisé par ses soins et d’amortisseurs Koni modifiés. « J’avais un énorme intérêt pour la technologie, mais je manquais d’un enseignement supérieur théorique. » D’accord, mais comment le petit atelier de Kent Öhlin est devenu le leader mondial des amortisseurs de motos ?
« Il ne faut pas oublier l’époque, raconte-t-il. Je suis né au bon moment, quand le motocross suédois s’épanouissait avec des ingénieurs talentueux comme Nils Hedlund, Sune Olsson, les frères Ekberg et d’autres qui travaillaient à l’amélioration des motos. C’était une période où si vous vouliez changer quelque chose, vous deviez le faire vous-même. Je suis rentré des États-Unis en 1970 où j’étais parti rouler pour Husqvarna. J’ai commencé à m’intéresser aux amortisseurs pour les machines de motocross. Les modèles disponibles sur le marché à l’époque ne fonctionnaient pas particulièrement bien. Quelques ateliers en Belgique et aux Pays-Bas les modifiaient, mais ils étaient limités par des tiges de piston trop minces qui étaient sujettes à la surchauffe et à la flexion. Et puis ces amortisseurs ne pouvaient pas être reconstruits et n’avaient pas de réglages. Je me sentais capable de réaliser quelque chose de mieux. Sur le premier amortisseur que nous avons fabriqué en 1976, nous avons été assistés par un ingénieur de Husqvarna qui a conçu le piston. La compagnie pétrolière Esso a créé une huile minérale avec un indice de viscosité très faible qui pouvait tolérer des températures extrêmes, élevées et basses. Ce fut peut-être l’un des éléments clés de notre succès, avec le piston, les joints, les bagues et le faible frottement. Nous avons fait fabriquer des ressorts dans le meilleur acier et sur chaque amortisseur, nous en avons couplé un long et court pour obtenir de la progressivité. Cet amortisseur pouvait être reconstruit, rénové et il était doté de réglages. C’était déjà un produit de qualité, car aujourd’hui encore, nous recevons continuellement des amortisseurs vieux de 40 ans qui sont toujours en état de marche ! » Thorleif Hansen a été le premier à les tester sur sa Kawasaki, suivi par Håkan Andersson sur sa Montesa.
Vieille Mercedes
« Nous avons produit un amortisseur réglable, une gamme de ressorts adaptée et les pilotes disposaient d’une assistance course, c’est là où nous avons fait la différence. Je me suis occupé moi-même de l’assistance pendant de nombreuses années, avec mon vieux bus Mercedes. Je partais
JE SUIS NÉ AU BON MOMENT, QUAND LE MOTOCROSS SUÉDOIS S’ÉPANOUISSAIT
tous les vendredis matin, parfois le jeudi soir, et je rentrais chez moi le lundi soir. Il m’arrivait d’avoir quelqu’un avec moi, mais la plupart du temps, j’étais seul. » Öhlins a construit le tout premier amortisseur de type piggyback pour Graham Noyce (ce que l’on peut traduire par « porter sur les épaules », ndlr). Il est arrivé à l’atelier avec sa Honda d’usine pour une paire d’amortisseurs sur-mesure. À l’époque, les bonbonnes de gaz étaient reliées au corps par de longs flexibles. Sauf que sur la Honda, il n’y avait pas de place pour fixer lesdites bonbonnes ! Kent les a donc directement fixées sur l’amortisseur. Le piggyback était né, et Graham a continué sa route vers la Finlande, où il a remporté le Grand Prix ! La première grosse commande est venue de Husqvarna en 1977 avec dix mille amortisseurs pour équiper leurs motos. Après ce succès en motocross, Öhlins s’est attaqué aux Grands Prix de vitesse, avec le même bonheur. Selon la devise « Gagnant le dimanche, en magasin le lundi », Öhlins est vite devenu incontournable lorsqu’il s’est agi de monter des amortisseurs neufs sur sa moto de route, sportive ou non. Il faut dire aussi qu’entre 1987 et 2007, Yamaha a été le propriétaire de la firme suédoise. Les liens étaient déjà existants entre les deux entités puisqu’au début des années 80, les 500 de compétition de la marque – en vitesse avec Kenny Roberts et en motocross avec Hakan Carlqvist – étaient équipées d’amortisseurs Öhlins.
Ainsi, durant deux décennies, Yamaha a pu profiter de la technologie et de la réactivité de la petite firme européenne, tandis qu’Öhlins a pu développer le CES (un système électronique qui permet de contrôler l’amortisseur), mais aussi s’attaquer au marché automobile. Il y a dix ans, la firme a repris son indépendance, sans cesser de se développer, avec plus de
300 employés. Il y a deux ans, Kent a décidé de vendre son entreprise à la société américaine Tenneco. Tout en restant aux commandes. Après quarante-quatre ans de labeur, il va pouvoir prendre une retraite bien méritée.