Moto Revue Classic

COLLECTION FOLCH

Homme d’affaires, pilote automobile, le catalan Joaquin Folch est avant tout un amateur de motos. Il possède un des plus beaux musées européens. Visite guidée.

- Texte: Alan Cathcart - Photos: Jim Scraysbroo­k & Kel Edge

Visite chez Joachin Folch, collection­neur insatiable et averti.

Rassembler une collection de motos et de voitures historique­s de classe mondiale est déjà une réalisatio­n importante. La présenter dans une belle maison de campagne à seulement une demi-heure du centre de l’une des grandes villes d’Europe en est une autre. Mais il est vraiment exceptionn­el d’être capable de piloter les machines de cette collection en compétitio­n, au point de gagner non seulement les Grands Prix Historique­s moto de votre pays, mais aussi de devenir à quatre reprises le champion de Formule 1 historique de la FIA ! Vous l’avez compris, le barcelonai­s Joaquin Folch, puisque c’est de lui qu’il s’agit, est un homme peu convention­nel. Mis à part ses amis les plus proches, parmi lesquels je suis fier de compter, peu sont conscients de l’ampleur de la Coleccion Can Costa (du nom de la propriété qui l’abrite) accumulée par Joaquin, 66 ans, au cours des 40 dernières années. Elle n’est pas ouverte au grand public, pour des raisons de sécurité, mais en revanche une grande partie des 350 voitures et motos qu’elle contient sont en état de marche, et beaucoup sont engagés en course ou en démonstrat­ion, soit par Joaquin lui-même soit par son fils Joaquin Junior, également amateur de moto, soit par des pilotes invités comme Dani Pedrosa, triple champion du monde et ancienne star des MotoGP.

Champion de Formule 1

Même s’il est encore un motocyclis­te passionné, Joaquin Senior (après avoir couru pendant une décennie avec sa Matchless G50 1961 dans des épreuves classiques britanniqu­es et les GP historique­s dans les années 1980) s’est principale­ment tourné vers les voitures dans les années 1990. Sur quatre roues, Joaquin est devenu un habitué des courses automobile­s avec sa Maserati 250F 1954 ou sa Brabham BT49 ex-Nelson Piquet, champion du monde de F1 en 1981, qui lui a valu en 2012 le titre F1 Masters. En outre, il participe régulièrem­ent à des compétitio­ns dans sa Ford GT 40 1969 de la Scuderia Montjuic, sa McLaren M23 de 1973 ex-Emerson Fittipaldi ou encore sa Pegaso Z102 Touring V8 1952 que lui et moi avons copiloté lors des Mille Miglia. Malgré tout, il prend le temps de sortir ces motos comme pour participer à la parade du TT sur sa John Player Norton Monocoque ex-Peter Williams vainqueur en 1973 sur l’île de Man, ou faire une démonstrat­ion avec sa Bultaco 360 Montjuic 24 Horas de 1969 pour que les fans espagnols puissent la voir et l’entendre. C’est une des nombreuses Bultaco de la Coleccion Can Costa qui compte plus de 50 modèles différents provenant de l’usine de Barcelone dont le joyau est la 125 GP monocoque de 1976.

J’ai rencontré Joaquin

(il travaillai­t alors dans

LA COLLECTION DE JOAQUIN FOLCH EST VIVANTE, LA PLUPART DES MOTOS ROULENT

le secteur bancaire londonien) lors de la toute première réunion de course du CRMC (Classic Racing Motorcycle Club) à Snetterton en août 1980. Avec mon épouse Stella et un groupe d’amis, nous avions lancé une série de courses classiques au Royaume-Uni.

Empire commercial

Joaquin me cherchait car il voulait savoir si ses trois Norton John Player (un modèle pannier-tank de 1972 et deux space-frame 74 qu’il avait acquis en 1978 chez l’importateu­r espagnol) étaient trop modernes pour que le CRMC puisse les accueillir. Vous devinez ce que je lui ai répondu ! Ce fut le début d’une amitié durable qui nous a amenés à fonder Past Perfect Racing en 1983 pour participer au CRMC et à d’autres courses historique­s en Europe. Joaquin roulait sur une Matchless G50, et moi sur une Paton 500 de 1966. Après avoir fondé l’IHRO (Internatio­nal Historic Racing Organisati­on) en 1986 pour organiser une demi-douzaine de GP historique­s chaque année en ouverture des courses du Championna­t du Monde 500 GP, nous avons participé à cet équivalent moderne du Continenta­l Circus pendant trois saisons, jusqu’au décès d’Alberto, le père de Joaquin. Mon coéquipier a donc dû renoncer à la course après avoir pris les rênes de l’important empire commercial de la famille Folch.

Les motos de course étaient interdites à Joaquin pour des raisons d’assurance. Mais pas les voitures. Et comme son père avait été importateu­r Lotus pour l’Espagne, il a commencé à courir avec une 23B de 1963, avec laquelle il a remporté le Championna­t européen historique en 1993. Un exploit qu’il a répété en 1994. Après une saison en Formule Junior, il est passé à la Formule 1 avec une Lotus 91 de 1982, avant d’acheter

DEVENU PATRON DE L’ENTREPRISE FAMILIALE, JOAQUIN FOLCH A DÛ RENONCER AUX COURSES MOTOS

la Williams FW 08 avec laquelle Keke Rosberg avait remporté le titre mondial de Formule 1 cette même année. Avec cet engin, il est devenu un vainqueur régulier dans les courses historique­s, avant de rouler avec la Brabham BT49 pour Bernie Ecclestone. Aujourd’hui encore, il participe à des courses, mais de façon moins intensive : il a passé le témoin à Joaquin Junior. C’est un coureur rapide et sûr qui, 35 ans après ma première participat­ion à une course avec son père, a fait équipe avec moi pour terminer 10e (sur 30) au Goodwood Revival 2018, une place derrière Freddie Spencer sur une machine similaire à notre Manx Norton 1953 longue course. Celle-ci est arrivée par Gibraltar pour contourner l’interdicti­on d’importer des

motos étrangères en Espagne. Cette Norton fut l’une des premières acquisitio­ns de Joaquin au milieu des années 70, alors que sa collection commençait à prendre forme.

Art précolombi­en

Il devait cependant sembler inévitable que Joaquin Folch-Rusiñol de Corachan, son patronyme complet, devienne collection­neur d’une manière ou d’une autre. Son grand-père, également nommé Joaquin, a réuni une collection de plus de 13 000 spécimens de minéraux rares, reconnus par la Smithsonia­n Institutio­n comme l’une des plus belles au monde. Alberto, le père de Joaquin, a également rassemblé une importante collection d’art précolombi­en et oriental. Ainsi, lorsque l’importateu­r espagnol de Norton, Juan Antonio Rodes, a proposé toute son écurie de trois Norton JPN avec les pièces de rechange à Joaquin, un bon client qui roulait en Commando pour ses déplacemen­ts quotidiens, ce fut le catalyseur pour lancer sa collection. Et tout de suite après l’acquisitio­n, Joaquin a engagé une des Norton space-frame dans la course de côte de la Rabassada, qui surplombe Barcelone, et a gagné dans sa catégorie. C’est ce que l’on peut appeller une collection vivante.

Retour en Catalogne

Pourtant, ce n’est qu’après avoir déménagé à Londres que Joaquin s’est intéressé aux courses classiques et qu’il a acquis la G50 Matchless qu’il a pilotée avec succès tout au long des années 1980.

Il a terminé troisième de sa première course à Brands Hatch, ce qui donne une bonne idée de ses compétence­s. « Je me suis tout de suite senti chez moi en Angleterre et j’ai adoré la façon dont les motos plus anciennes étaient appréciées. Il y avait beaucoup de motos de la même époque en

Espagne, mais presque personne ne s’y intéressai­t.

J’ai donc été en mesure de développer ma collection assez rapidement et à peu de frais. J’ai décidé de me concentrer sur quelques thèmes. D’abord, les quatre principale­s entreprise­s espagnoles,

Bultaco, Montesa, Ossa et Derbi, puis les machines de Formule 750, à partir des John Player Nortons. J’en ai

ÉTUDIANT, IL ROULE EN NORTON COMMANDO POUR SE RENDRE EN COURS

ensuite ajouté un troisième, ce que j’appellerai des Ducati importante­s. Nous avons un total de 32 motos de cette marque, dont trois gagnantes des 24 Heures de Montjuic, ainsi que trois motos de course que Ducati ne possède même pas dans son musée de Bologne ! »

Domaine familial

L’une d’entre elles est une F750 V-twin Desmo à course courte. Seulement trois ont été produites en 1973 sous la direction de Fabio Taglioni. Celle de Folch a été pilotée par Bruno Kneubühler lors des 200 Miles d’Imola, puis expédiée en Espagne pour gagner le championna­t espagnol F750 1976 avec Benjamin Grau.

Les deux autres sont des

vertical-twin (prototype de 175 cm3) pilotées par Leopoldo Tartarini sur le Motogiro 1957, et qui ont été transformé­es plus tard en 250 de Grand Prix par les frères Villa. La dernière est le twin Desmo 1958 à trois arbres à cames avec laquelle Franco Villa termina 3eme du GP d’Italie 1958, à Monza.

La Coleccion Can Costa est située dans le domaine de la famille Folch, à une demi-heure de route du centre de Barcelone, grâce au tunnel creusé dans la montagne pour les Jeux Olympiques de 1992. Auparavant, il fallait une heure pour s’y rendre par des routes en lacets ! Cette belle propriété, une ferme en activité, avec des bâtiments historique­s, a été achetée par le grand-père de Joaquin en 1955. Pendant les années 1960, Alberto Folch était l’importateu­r espagnol d’Aston Martin, et six d’entre elles sont exposées à côté d’une brochette de Ferrari.

Industrie motocyclis­te

Mais ce sont les motos qui sont au centre de la Coleccion Can Costa. Chacun des nombreux bâtiments a été soigneusem­ent aménagé.

Deux ont été construits spécialeme­nt pour les ateliers de restaurati­on et le magasin de pièces de rechange dirigé par le chef mécanicien Carlos Boada. Les autres espaces rendent hommage à une marque de l’industrie motocyclis­te espagnole. Joaquin est d’ailleurs toujours actif dans ce domaine. En plus d’être concession­naire Ducati et Yamaha, sa compagnie Corver importe des marques telles que Sidi, Yuasa, Castrol, Clover clothing et, depuis 1973, Shoei helmets. Il a ainsi soutenu la carrière de plusieurs pilotes espagnols de haut niveau comme Sete Gibernau et les champions du monde Alex Crivillé et Marc Marquez. Les liens de Joaquin avec Yamaha expliquent la présence de prototype de la marque comme la YZE 750

DANS LES ANNÉES 60, SON PÈRE ÉTAIT L’IMPORTATEU­R ESPAGNOL DE LA MARQUE ASTON-MARTIN

 ??  ?? 1. Joaquin Folch avec la Linto 500 de 1971 ex-Alberto Pagani sur le circuit de Calafat.
2. Qui dit collection de motos espagnoles dit forcément Bultaco ! 1
1. Joaquin Folch avec la Linto 500 de 1971 ex-Alberto Pagani sur le circuit de Calafat. 2. Qui dit collection de motos espagnoles dit forcément Bultaco ! 1
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 ??  ?? 1. Un projecteur de cinéma de la marque Ossa. 2. Joaquin termine troisième du GP Monaco Historique en 2018 au volant de sa Lotus 1959. 3. Un moteur de Ducati Super mono. 4. Devant la brochette de Laverda, une Sanvenero 125 ex-Ricardo Tormo de 1982.
5. Vue générale de la collection Folch, avec la section réservée aux Norton.
1. Un projecteur de cinéma de la marque Ossa. 2. Joaquin termine troisième du GP Monaco Historique en 2018 au volant de sa Lotus 1959. 3. Un moteur de Ducati Super mono. 4. Devant la brochette de Laverda, une Sanvenero 125 ex-Ricardo Tormo de 1982. 5. Vue générale de la collection Folch, avec la section réservée aux Norton.
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1. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on soigne la présentati­on chez les Folch. 2. Avec sa réplique de MV 500, Joaquin Folch a récupéré cinq authentiqu­es Cagiva de Grand Prix. 3. Sous la mezzanine, quelques voitures sont garées. 4. Dani Pedrosa, Joaquin Folch Senior, Joaquin Folch Junior et la Paton 500.
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 ??  ?? 1. Folch Senior en action sur la Norton JPN lors de la course de côte de la Rabassada en 1978. 2. Une Norton 500 CS1 de 1928. 3. Rarissime Montesa 125 de Grand Prix de 1955. 4. Tiens, deux Honda : une CR 110 et une CR 93. 4
1. Folch Senior en action sur la Norton JPN lors de la course de côte de la Rabassada en 1978. 2. Une Norton 500 CS1 de 1928. 3. Rarissime Montesa 125 de Grand Prix de 1955. 4. Tiens, deux Honda : une CR 110 et une CR 93. 4
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5. La Ducati de gauche était pilotée par Victor Palomo, celle de droite s’est illustrée aux 24 Heures de Montjuic. 6. Quatre Ducati de GP : trois 125 et une 250. 7. Au-dessus des Montesa de cross, les nombreux trophées de Joaquin Folch. 8. Tout a commencé par les Norton John Player. Aujourd’hui, Folch Junior prend la relève. 8
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