Moto Revue Classic

FLÈCHE D’ARGENT

Moto plutôt utilitaire, la Honda CB 250 (et sa grande soeur la 350) a pourtant été utilisée sur circuit avec un kit compétitio­n qui en faisait une bête de course. Enfin, ça, c’était avant…

- Texte et Photos: Raffaele Paolucci

Le pilote, un Toscan, prend la parole le premier, calmement, mais avec déterminat­ion.

« On enlève la gamelle sous le carter, on met un peu de Loctite tout autour de la fuite, on laisse sécher et vous verrez qu’il n’y aura plus de trace d’huile. » Le mécanicien, un Romagnole, s’énerve un peu. « Mettre de la Loctite, ça ne changera rien, croyez-moi ! J’en ai remonté des pelletées de moteurs comme celui-ci, et je peux vous expliquer ce qu’il faut faire. » L’asphalte du circuit de Magione est brûlant. Il fait très chaud en Ombrie, cette région située au centre de l’Italie et le temps est à l’orage. Les pilotes et les mécanicien­s se réfugient à l’ombre des tentes, mais l’ambiance est encore plus électrique au chevet de cette Honda CB 250 dont le carénage argenté laisse échapper une traînée d’huile… Le sabot a récupéré pas mal de lubrifiant, mais le reste est dangereuse­ment vaporisé sur le bras oscillant, la chaîne et surtout le flanc gauche du pneu arrière.

Nous ne sommes pas sur le Sachsenrin­g, mais à Magione, il y a deux ou trois virages à gauche et il vaut mieux ne pas prendre le moindre risque. Il serait dommage d’abîmer cette jolie petite bécane qui n’est pas si courante de l’autre côté des Alpes. Et ne parlons pas du pilote : « il faut que tu élimines toutes traces d’huile sur le bras oscillant, mais surtout sur le pneu », insiste le mécano romagnole qui s’est un peu apaisé. Au fait, si la CB 250 n’a pas été vendue en Italie, c’est bien parce que la production italienne était pléthoriqu­e dans cette catégorie, tout simplement. Autour de la moto, il y a de plus en plus de monde, la petite Honda CB 250 suscite la curiosité. Si cette moto est rare sur la route, elle l’est encore plus sur les circuits italiens. Dommage, car dans les années 60, Honda proposait un kit racing pour transforme­r les 250 (et 350) en machine de course.

On y trouvait un tambour avant à quatre cames, une boîte de vitesses à cinq rapports (puis six en 1972), des arbres à cames, des pistons, des soupapes, bien sûr mais aussi tout l’habillage pour transforme­r les CB en RC, la dénominati­on des Honda de course. Avec la disparitio­n des AJS 7R et des Norton Manx, la Honda CB 350 kit RSC (Racing Service Competitio­n, ancêtre du HRC) est devenue une bonne alternativ­e pour les pilotes privés, avant l’arrivée des Yamaha deux-temps. Du moins dans les championna­ts anglais, français, scandinave­s, belges, etc. Plus récemment, dans les années 90, le pilote français Bruno Leroy (voir MRClassic 56 ) était insuivable dans le championna­t Afamac avec sa CB 350 kitée, où il battait régulièrem­ent les 750 cm3 !

Importateu­r italien

L’un de ces kits est pourtant arrivé en Italie par le biais de l’importateu­r de l’époque, Samoto, situé à Rome. Il a été monté sur la moto de Tommaso Piccirilli, qui était imbattable sur le circuit de Vallelunga, un autre petit circuit qui se trouve au nord de la capitale italienne.

Aux États-Unis, Yoshimura commercial­isait aussi des kits compétitio­n pour les 250 et 350 qui permettaie­nt de booster le paisible bicylindre. Il faut dire que le marché américain proposait de belles perspectiv­es, car de 1968 à 1973, les twins CB, y compris les versions Scrambler, ont été vendues à plus de 300 000 exemplaire­s ! Le mécano reprend la parole, à nouveau énervé. « Tu dois laisser le poids inutile à la maison ! Comment veux-tu rouler avec une moto aussi lourde ? Tous les éléments

POUR LES PRIVÉS, UNE ALTERNATIV­E AUX NORTON MANX ET AJS 7R

superflus doivent être impérative­ment démontés… » Il faut dire que la CB 250 du Toscan est encore trop proche de la moto de série. La préparatio­n du moteur s’est limitée à un arbre à cames de CB 350, le pignon d’entraîneme­nt du kick a été enlevé, le démarreur et le générateur ont été démontés. Du coup, il faut démarrer à la poussette et l’allumage se fait simplement par la batterie. Concernant la partie-cycle, la fourche de 35 mm provient d’une CB 450, la boucle arrière a été coupée et deux amortisseu­rs Koni d’occasion ont été montés. Les deux échappemen­ts à mégaphones ont été fabriqués à la main par un artisan et la jante avant est un Borrani entourant un beau tambour Grimeca de 230 mm à quatre cames. Basta cosi !

une moto transversa­le

Il est vrai qu’il faut faire attention à ne pas mettre le doigt dans l’engrenage, car de nos jours, internet propose tout un éventail de pièces spéciales. Avec les carburateu­rs Mikuni racing, les soupapes Kibblewhit­e et les bielles allégées, le comptetour­s grimpe facilement à 12 500 tr/min et le coût de la préparatio­n s’envole. Ni l’un, ni l’autre ne risquent d’arriver sur la moto du pilote toscan.

Concernant la partie-cycle, quelques préparateu­rs ont opté pour le cadre et le bras oscillant plus rigides et pour la boîte de vitesses mieux étagées de la CB 360, plus récente. Du coup, en ce début de XXIe siècle, la Honda CB 250/350 est toujours très prisée dans les courses classiques anglaises et américaine­s. « Ce sont des motos très attachante­s qui permettent de faire une saison complète sans même ouvrir le moteur », souligne le pilote qui essaye de colmater la fuite d’huile… Mais le mécano, braqué, n’en démord pas : « n’empêche, il y a une dizaine de kilos en trop sur cette moto. Je pense même qu’il y en a 15 à gagner. Si tu veux être devant les Ducati Desmo, il faut préparer le moteur. Sinon, autant courir à côté, tu iras bien plus vite ! »

Comme vous le savez, le Romagnole est passionné par la compétitio­n. Mais après tout, ces deux gars sont nés tous les deux avec l’envie de courir chevillée au corps. Mais aussi l’envie de passer un week-end entre amis, de rester sous la tente à écouter des histoires de motos, de pilotes, de moteurs. La Honda CB 250 se prête parfaiteme­nt à ce jeu. C’est une machine internatio­nale, voire mondialist­e, conçue et produite au Japon, mais vendue et optimisée en Occident. C’est une moto transversa­le née populaire, devenue un redoutable engin de course par la grâce de quelques mécanicien­s de génie et de pilotes doués. Une machine au-delà des différence­s, au-delà des frontières. On n’y pense jamais, mais même une simple moto permet d’unir les hommes à travers les divergence­s techniques, sous l’abri précaire d’une tente.

C’est amusant de les entendre discuter autour de la Honda CB 250. Une moto ni toscane, ni romagnole, mais universell­e.

IL FAUT LA PRÉPARER, SINON AUTANT COURIR À CÔTÉ, TU IRAS PLUS VITE

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Cette Honda CB 250 roule dans le championna­t italien d’anciennes, face aux Ducati Desmo.
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Le pilote toscan fait ce qu’il peut avec une Honda CB 250 proche de la série.
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Vu comme ça, on pourrait penser à une CR, les vraies Honda de course.
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2. Les carburateu­rs sont d’origine, mais ils ont perdu leurs filtres à air.
3. Les mégaphones ont été réalisés par un artisan.
1. Le tambour est un Grimeca à quatre cames. Magnifico ! 2. Les carburateu­rs sont d’origine, mais ils ont perdu leurs filtres à air. 3. Les mégaphones ont été réalisés par un artisan.
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La petite Honda argentée laisse échapper un panache de fumée, ce n’est pas bon signe.
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Tommaso Piccirilli et sa Honda CB 250 Samoto à Vallelunga, dans les années 1970. À droite, son fidèle mécano et mentor, Carlo Murelli.

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