CHRONIQUE BOURGEOIS
Christian Bourgeois évoque Henri Mignot, ancien importateur Rickman Métisse.
Henri Mignot, dit Riton, fait partie des personnes qui ont compté pour moi. C’est un de ceux qui m’ont conseillé et aidé à mes tout débuts. J’avais fait l’acquisition d’une Yamaha TD2 250 pour la saison 1970. Je n’avais ni mécanicien, ni atelier et surtout, aucune connaissance d’un deux-temps, hormis mon Peugeot BB et mon Itom
50. Je sortais de ma Ducati Mach 1 qui hormis les vidanges, ne m’avait nécessité aucune révision durant la saison 1969. Alors jeune journaliste, je m’étais rendu au magasin d’Henri Mignot, à Savigny-sur-Orge, dans l’Essonne, pour écrire un article sur les partie-cycles Rickman et les nombreuses transformations pour Triumph qu’il importait. J’avais été impressionné par son enthousiasme et sa passion et lui, peut-être, surpris de mon intérêt pour toute cette technique, nouvelle pour moi. C’est ainsi qu’il m’a spontanément proposé de venir faire l’entretien de ma TD2, à la concession.
Rickman-Métisse à moteur Weslake
Malgré la distance entre mon domicile du 19e arrondissement de Paris et Savigny, j’acceptais avec plaisir. Ainsi, ai-je fait le trajet deux fois par semaine environ, après chaque course, et préparais ma moto, dans les règles de l’art, en suivant scrupuleusement le manuel d’entretien Yamaha et les petits conseils et astuces d’Henri. J’étais seul de 20 heures à 1 heure du matin, je fermais l’atelier et rangeais les clés à l’endroit convenu. C’est ainsi que j’ai remporté mon premier titre de champion de France. Au fil des semaines, j’ai appris à mieux le connaître. Avant d’ouvrir sa boutique, il avait roulé sa bosse un peu partout et, passionné de mécanique et de compétition, avait accompagné sur les circuits François Valdevit, un autre nom de la moto française. Parmi ses plus belles motos, je retiendrais la magnifique Rickman- Métisse à moteur Triumph avec culasse 8 soupapes Weslake et bielles courtes, s’il vous plaît. J’aurai l’occasion d’en faire l’essai en participant à la course de côte de Fontaine-la-Guyon. Déjà, en 1969, il avait pris sous son aile un pilote de renom, René Hordelalye. Jean-Pierre Naudon, le Suisse, et son compère savoyard, René Guili, suivront un peu plus tard, en 1970, avec la création de l’Écurie Vuibert.
Cet épisode mérite d’être relaté, car ignoré de la plupart. Madame Vuibert, la propriétaire de la célèbre librairie du boulevard Saint-Germain, aimait les jeunes sportifs. S’étant amourachée de Jean-Pierre Naudon, elle avait créé et financé pour lui cette écurie. René Guili n’avait pas été oublié et entretenait, lui, une liaison avec la fille de Madame Vuibert. Le matériel Yamaha, faute de disponibilité en France, venait d’Angleterre et les cadres des 350 TR2 étaient fabriqués par l’anglais Padgett. L’existence de cette écurie n’a pas été longue puisque le matériel a fini dans un étang de la région, suite à une demande de vérification de l’administration des Douanes. Seule l’une des deux
TR2 (à cadre chromé) qu’Henri Mignot m’avait prêtée pour les Trophées d’hiver de MagnyCours 1970 échappera à la noyade.
La Dresda fait un looping avant
En 1971, Henri m’a convié à la présentation du prototype Dresda, la marque de Dave Degens. Il s’agissait d’une toute petite 500 à moteur
Triumph dotée du révolutionnaire frein avant à tambour 8 cames. René Guili était chargé des premiers tours de roues, dans la rue, devant le magasin. René n’étant pas du genre à se poser de questions ; il remonte la rue César Franck et revient pour le test final. L’attaque au freinage est si brutale que la moto se dresse sur la roue et fait un looping avant. René, sans casque, est éjecté mais s’en sortira sans dommage. Henri, qui savait être très calme, était capable de coups de colère, violents et imprévisibles. De même, malgré ses connaissances et son professionnalisme, il pouvait être imprudent. Il était le spécialiste des réparations et du décabossage des réservoirs. Pour ce faire, « Mister Flambard », un autre de ses surnoms, introduisait le chalumeau dans le réservoir pour le chauffer. Sauf que cette fois, il y avait un peu d’essence dans ledit réservoir. S’ensuit une déflagration, le réservoir explose et est projeté au fond de l’atelier. Heureusement, personne ne se trouve sur sa route… La scène s’est déroulée dans son nouveau magasin d’Arpajon où l’avaient rejoint Dominique Bréjat et Guy Bertrand, dit La bielle, mon premier mentor qui fut aussi celui de toute la « bande de Maisons-Alfort », Tchernine, Choukroun, Husson pour ne citer qu’eux. Même si nous nous sommes perdus de vue par la suite avec Henri Mignot, je garderai toujours le souvenir d’un homme d’une grande droiture, respectueux de la parole donnée, et amoureux du travail bien fait. ✦
LE RÉSERVOIR EXPLOSE ET TRAVERSE L’ATELIER. HEUREUSEMENT, PERSONNE NE SE TROUVE SUR SA ROUTE