Moto Revue Classic

LA COUPE KAWASAKI MOTO REVUE VIVIER DE CHAMPIONS

De 1971 à 1978, 13 lauréats ont hérité du titre de Samouraï après avoir gagné cette coupe de marque. Beaucoup sont devenus des pilotes de renom en Grands Prix ou en endurance.

- Par Christian Batteux. Photos archives Moto Revue.

Commençons par énoncer le palmarès de la Coupe Kawasaki, qui de 1971 à 1978 s’est articulée exclusivem­ent autour de machines motorisées par des deux-temps (A7 350 cm3 bicylindre en 1971, S2 350 cm3 trois-cylindres de 1972 à 1973 et enfin S3 400 cm3 de 1974 à 1978) : Alain Meyer (1971), Patrick Pons (1972), Jean-Claude Meilland (1973), Bernard Sailler (1974), Éric Saul (1975), Christian Le Liard (1976), Marc Fontan (1977) et Pierre-Étienne Samin (1978). Tous ne sont pas devenus champions du monde, mais la liste reste impression­nante. Si l’on ajoute à cela quelquesun­s de ceux qui ont fini dans le Top 10 des différente­s éditions de la Coupe, c’est encore plus parlant : Hervé Guilleux, Michel Baloche, Denis Boulom, Christian Sarron, Thierry Espié, Jean Lafond ou encore Jean Foray renforcent encore l’idée de la densité exceptionn­elle de ce qui n’était au fond « qu’une » coupe de marque, mais dont on peut dire qu’elle fut en quelque sorte « la mère de toutes les coupes » qui ont pu suivre après. Nous avons invité deux témoins à nous parler de cette Coupe Kawasaki dont Moto Revue était le partenaire : Thierry Espié, qui l’a disputée à deux reprises (huitième en 1975 et deuxième en 1976), avant de devenir un fameux pilote de Grands Prix, et Yves Evrard, qui n’est autre que le président de l’associatio­n des Amis de la Coupe.

> Thierry Espié..

Je l’ai faite en 1975 et en 1976, à l’époque on roulait avec des 400 S3. C’était ma première année de compétitio­n. À l’époque, ça commençait par les Journées K à Magny-Cours, avec 400 pilotes, répartis en trois groupes. Il y avait les débutants, les premières années de licence et puis les redoublant­s et les troisièmes années de licence. Ils formaient des groupes de 40 si je me souviens bien. Chaque groupe faisait trois courses durant ce week-end à Magny-Cours.

La première dans l’ordre des numéros, la deuxième dans l’ordre inverse des numéros et la troisième d’après le classement de l’addition des deux premières. Ils prenaient les deux meilleurs résultats sur les trois courses, de cette façon t’avais un joker. On retenait les 20 premiers de chaque groupe. Après cette première sélection, on se retrouvait à trois groupes de 60 pilotes, en régions Nord, Centre et Sud. Chaque groupe disputait trois courses, et d’abord des essais qualifs, avec la moitié qui « gerbaient » après ces essais. Le schéma était ensuite le même : ils gardaient les deux meilleurs résultats des trois courses disputées. Ce qui faisait 20 pilotes à la fin, pour chacun des trois groupes Nord, Centre et Sud. Après ça, t’attaquais les finales. Soixante mecs, avec quatre ou cinq courses pour désigner un vainqueur final.

Il y avait des essais chronos mais à soixante (!), il n’y avait pas de place pour tout le monde. Selon les circuits, on était entre 35 et 40 au départ de la course.

Ça faisait un sacré écrémage, tout ça !

Ah ben, tu prenais jamais un tour à un mec, hein ! Ah, jamais (rire) ! Non, ça allait trop vite pour ça. C’est pour ça qu’il en est sorti tellement de bons pilotes, de cette

Coupe Kawa. On est plein à être sortis de la Coupe parce que ça écrémait grave… Les motos étaient toutes les mêmes, il y avait des petites différence­s mais sinon, on avait tous les mêmes pneus, tout se faisait au pilotage. Les contrôles techniques étaient sévères et réguliers. Moi, la deuxième année, j’ai été contrôlé toutes les courses ! À chaque fois, ils m’ont démonté le moteur. Ce qui était très bien.

Pour toi comme pour beaucoup d’autres, la Coupe Kawasaki a lancé la carrière…

Oui, même si je fais un peu figure d’exception étant donné que j’ai fait l’École de pilotage au Mans, que j’ai gagnée, et qui m’a lancé chez Motobécane… Alors, ça va peut-être paraître prétentieu­x ce que je vais dire mais même sans Motobécane, j’aurais réussi en Grands

Prix de toute façon. Quand je me suis retrouvé seul après l’aventure avec Motobécane en 125, j’ai fini 4e et 5e en 250. Pour le reste, on ne peut lister tous les mecs qui sont devenus pros mais Le Liard, Sarron, Guilleux, Pons, il y en a eu plein de mecs qui sont sortis de ce moule. C’était une super école, et pas chère en plus.

La Coupe Kawasaki, ça te laisse donc des bons souvenirs ?

Ah oui, clairement, c’était fabuleux. On partait après le boulot, on arrivait dans la nuit de vendredi à samedi sur le circuit, parce qu’on bossait tous. En plus d’être avec mon frère qui faisait la mécanique et un copain qui nous faisait les chronos et l’intendance, j’étais avec mon meilleur pote ; on partait ensemble dans la camionnett­e, on était le groupe des quatre, c’était l’aventure, si c’est à refaire demain, je signe des deux mains ! En plus, il y avait une bonne ambiance. Quand il arrivait qu’un mec se fasse gauler après avoir triché il se faisait tirer les oreilles, mais ça n’allait pas bien loin. C’étaient de grandes années et puis faut voir les répercussi­ons par la suite en Grands Prix : une année, je suis cinq du championna­t mais troisième Français, hein (rire) ! Y a longtemps qu’on n’a pas vu ça, hein ? Eh bien c’est le résultat de la Coupe Kawa…

> Yves Évrard. (Amis de la Coupe) En temps normal, hors Covid, de quoi est faite la vie des Amis de la Coupe ?

On a eu des grosses années, on sortait dix à douze fois par an, aujourd’hui, c’est plus calme, après vingt ans d’existence, comme toutes les associatio­ns, ça s’essouffle un peu. Bon, il y a un noyau pur et dur qui garde le rythme. Éric Saul était en Croatie récemment pour une épreuve de son

ICGP, j’ai vu Bernard Sailler, le vainqueur de la Coupe

1974, à Carole à l’occasion des Trophées Gérard Jumeaux, on fait quelques salons, on est une petite vingtaine de passionnés à rester en contact.

Et vous arrivez à entretenir les motos et à trouver des pièces ?

Oui, je dois avoir une vingtaine de machines roulantes et des pièces pour les faire rouler. Il y a aussi des concession­naires qui nous aident, et puis il y a pas mal de pièces avec Kawasaki… Le succès a fait que les prix ont monté mais on trouve des pièces aux États-Unis, au Canada, un peu partout, mais il ne faut pas perdre de vue que ce sont des motos qui ont maintenant 50 ans et que ça commence à devenir compliqué. Bon, on fait refaire les pièces qui n’existent plus quand on ne peut pas faire autrement…

Vous-même, vous y avez participé ?

J’ai raté mes qualifs par deux fois, trop de chutes ! Mais cette Coupe Kawasaki, c’était magnifique et grâce à cela, nous avons eu sept champions du monde français. On est

3 500 pilotes à y être passés tout de même… C’était l’école de la vie, en quelque sorte. Il fallait apprendre à gérer son argent – on était des branleurs (sic) –, à lire entre les lignes du règlement, à gérer notre sommeil, à se démerder pour emmener la moto sur le circuit… Fallait pas se fâcher avec la personne qui vous avait emmené sur le circuit parce que sinon, vous rentriez à pied : c’est arrivé à Éric Saul, celui qui l’avait emmené a été vexé qu’il termine devant lui, ils ont “eu des mots” (rire) !

LA COUPE KAWASAKI MOTO REVUE FUT EN QUELQUE SORTE «LA MÈRE DE TOUTES LES COUPES»

 ??  ?? 1 - Un départ de Coupe Kawasaki à Lédenon.
1 - Un départ de Coupe Kawasaki à Lédenon.
 ??  ?? 2 - Bruno Nardini, rédac’ chef de Moto Revue, remet son trophée à Patrick Pons en 1972.
2 - Bruno Nardini, rédac’ chef de Moto Revue, remet son trophée à Patrick Pons en 1972.
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 ??  ?? 3 - Avant une séance d’essais chronométr­és sur le circuit Bugatti.
3 - Avant une séance d’essais chronométr­és sur le circuit Bugatti.
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4 - Les motos étaient contrôlées régulièrem­ent pour éviter la triche.
 ??  ?? 2 - Thierry Espié, ici en action, allait par la suite devenir un excellent pilote de Grands Prix, brillant aussi bien en catégorie 125 qu’en 250.
2 - Thierry Espié, ici en action, allait par la suite devenir un excellent pilote de Grands Prix, brillant aussi bien en catégorie 125 qu’en 250.
 ??  ?? 1 - Les chutes étaient assez fréquentes en Coupe Kawasaki. Il faut dire que les places étaient chères.
1 - Les chutes étaient assez fréquentes en Coupe Kawasaki. Il faut dire que les places étaient chères.
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3 - Il est surveillé de près par la maréchauss­ée, ce concurrent de la Coupe Kawasaki !

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