DUCATI GT 750 STORY
Il y a 50 ans, Ducati entrait dans la cour des grands constructeurs en proposant la 750 GT animée par un bicylindre en V à 90°.
Alan Cathcart nous raconte l'histoire de la première bolonaise équipée d'un V-twin.
Il y a un peu plus de cinquante ans, durant l’été 1970, une Ducati propulsée par un bicylindre en V était aperçue dans les environs de Bologne.
Son cylindre avant horizontal provenait d’une Aermacchi et le cylindre arrière d’une Ducati mono. Pour un prototype, elle était déjà efficace comme l’a constaté le pilote d’une Honda CB 750 qui s’est fait « déposer » sur l’autoroute sinueuse qui va de Bologne à Florence ! La presse italienne évoquait depuis quelque temps déjà l’existence d’une telle Ducati pour lui permettre de se faire une place sur le marché prometteur des « gros cubes ». Avec une production passée de 11 654 motos en 1958 à 6 000 en 1960, la marque bolonaise vivait des aides de l’État et dépendait en fait de l’importateur américain, Berliner Motor Corporation, qui écoulait 80 % de la production. En 1959, Berliner avait déjà réclamé une grosse cylindrée destinée à la police américaine. Le projet fut lancé sous la direction de l’ingénieur Fabio Taglioni et, en 1965, l’Apollo 1200 V4 était présentée mais rapidement abandonnée
(voir MR Classic n° 99). Un autre prototype, un bicylindre parallèle de 479 cm3 à arbre à cames en tête (obtenu avec les cylindres avant du moteur Apollo) fut également présenté mais très vite abandonné car peu performant. Une version 700 cm3 réclamée par la police italienne fut testée. Bien que ce dernier proto soit, selon Taglioni, une excellente moto, il a aussi été enterré en 1968.
Un bicylindre pour les USA
Mais à la fin des années 60, les frères Berliner sont revenus à la charge pour obtenir un twin capable de rivaliser avec les 750 BSA/ Triumph et Honda, sans parler des motos italiennes, pas seulement les bicylindres Laverda ou Guzzi, mais aussi la Benelli Tornado 650.
Fin 1969, après que la production a chuté à seulement 8 754 unités en 1968, le PDG Montano a été remplacé par Arnaldo Milvio, lui-même épaulé par le directeur général Fredmano Spairani. Dans le même temps, Ducati était entièrement intégré dans le conglomérat national EFIM (Ente Finanziaria per gli Industrie Metalmeccaniche). Le nouveau duo de dirigeants avait la ferme intention de redresser la situation de la marque, avec des motos de grosse cylindrée pour la route et la compétition. L’histoire raconte que le 20 mars 1970, Milvio, Spairani, Taglioni et le directeur commercial de Ducati, Cosimo Calcagnile (qui travaillait pour la société depuis 1956), se sont rencontrés durant un déjeuner afin de discuter de l’architecture de la nouvelle moto et, entre l’entrée et le plat, ils ont opté pour un bicylindre en V à 90° de 750 cm3 positionné longitudinalement comme
DURANT L’ÉTÉ 70, LE PROTOTYPE DE LA 750 GT SILLONNE LES ROUTES
sur la Moto Guzzi 500 GP et non transversalement, comme sur la Guzzi V7 récemment commercialisée. Un mois plus tard, Taglioni avait terminé les plans de ce moteur et en juillet, il tournait sur le banc d’essai, développant une puissance de 90 chevaux à 9 200 tr/min. Le 25 août 1970, alors que l’Italie était encore en vacances, les essais ont commencé sur le circuit de Modène avec les 30 prototypes complets conçus et fabriqués en un temps record. Taglioni a adopté le V à 90° pour réduire les vibrations et améliorer le refroidissement. En outre, cela permettait de réduire la surface frontale de la machine, la moto finie n’était pas plus large qu’un mono de la marque. Mais pour de nombreux clients potentiels, Ducati était désormais synonyme de distribution desmodromique. La décision fut prise de suivre la voie déjà empruntée par la gamme monocylindre et de fabriquer un modèle de base à simple arbre à cames en tête et à ressorts de soupapes puis une version desmo sportive, la 750 SS Imola Replica, produite à 401 exemplaires en 1974-1975. Grâce à l’argent de l’État, Ducati put mener le développement tambour battant. Dessinée par Leopoldo Tartarini, propriétaire d’Italjet et ancien pilote d’usine de la firme, la 750 GT a été dévoilée au Salon de Milan en novembre 1970 et elle est entrée en production en juin 1971, à peine plus d’un an après le fameux déjeuner du triumvirat.
Ressorts et desmodromique
La 750 GT à simple arbre à cames en tête disposait d’une distribution par arbres et couples coniques et les soupapes étaient commandées par des ressorts. Le moteur était incliné de 15° vers l’arrière dans le cadre, permettant au collecteur d’échappement d’être situé plus haut et d’augmenter ainsi la garde au sol. La légère perte d’efficacité de refroidissement était compensée par l’utilisation de ressorts de soupape hélicoïdaux (et non de ressorts en épingle à cheveux comme sur les monos), ce qui a permis de monter des culbuteurs étroits, l’air passant ainsi plus facilement à l’arrière des culasses. Montés sur des carters en aluminium à plan de joints vertical, initialement coulés au sable puis sous pression à partir de 1972, les cylindres étaient légèrement décalés de 17 mm par rapport à l’axe central du vilebrequin, l’avant à gauche, l’arrière à droite. Cela pour améliorer également le refroidissement du cylindre arrière et obtenir un échappement plus droit, toujours pour augmenter la garde au sol. Le vilebrequin monobloc tournait à l’envers sur quatre gros roulements comme sur les machines de MotoGP ! Les bielles forgées étaient placées côte à côte sur le maneton, sur des roulements à aiguilles, comme sur les monos, avec des pistons Borgo forgés.
Des carburateurs Amal Mk1 de 30 mm étaient initialement montés jusqu’en 1973, puis remplacés par des Dell’Orto PHF 30A. Taglioni se méfiait encore de l’allumage électronique, un modèle
LE BICYLINDRE EN V PERMET DE CONCEVOIR UNE MOTO ÉTROITE