CHRONIQUE JEAN JUNIOR
Christian Christophe, le journaliste allemand qui préférait la France.
Le journaliste Christian Christophe, alias Crius, alias Ch2, a commencé à écrire dans Moto Revue en 1952. Descendant d’émigrés chassés par Richelieu, il était né allemand mais resté français de coeur. Tout le contraire d’une autre signature réputée de Moto Revue, le bon Robert Sexé que sa germanophilie poussa à la collaboration avec l’occupant allemand de 1940. Les deux hommes se sont sans doute connus lors d’un Salon de Berlin ou encore un peu plus tôt, en 1936, aux Jeux Olympiques de Berlin. En 1937, dans un Moto Revue d’avril, on les voit ensemble sur une petite photo confirmant cette rencontre. Robert Sexé a évoqué ce Salon sur six pages dans trois numéros de Moto Revue. Titré La moto triomphe à Berlin, le premier article est surtout consacré au triomphe... d’Hitler.
Le goût de la compétition
La partie qui traite des motos exposées dans ce Salon sur deux pages est expédiée en quelques lignes illustrées de quatre photos fournies par les services de presse des constructeurs allemands. Mais revenons à Christian Christophe. Autant que les éléments de sa biographie dont on dispose (un feuillet tapé de sa main à la machine) permettent de le savoir, il travaille alors pour DKW. Sa carrière motocycliste a commencé en 1929 par une « course au ballon », un parcours à travers la nature en suivant une montgolfière jusqu’à son atterrissage.
Il finit deuxième sur une Indian qui ne tournait que sur un seul cylindre (!). Par la suite, prenant goût à la compétition, il signe de bonnes places, plutôt dans les cinq premiers. Il mène une DKW 2 vitesses dans une hivernale qui se dispute de - 2 °C à - 6 °C. Entre ses mains vont se succéder : Walter 175 Villiers, Rudge 350 TT Replica, New-Hudson, Hercules JAP, TWN 300 (Triumph Werke Nuremberg), DKW 175 à contre-piston, Rudge 4 soupapes de dirt-track. Il aborde le tout-terrain avec une Scott 500. Il touche au grass-track sur une Douglas, tout en testant une
BMW R5. Et la liste n’est pas exhaustive ! Ces expériences donnent matière à articles, signés, que publie depuis 1930 la revue hebdomadaire Das Motorrad. Dans les quelques numéros que j’ai pu consulter, il s’attache essentiellement à l’amélioration du moteur deux-temps largement utilisé en Europe. Et encore plus en Allemagne où le gouvernement hitlérien a favorisé la petite cylindrée. Il faut amener la jeunesse à se familiariser avec la simple mécanique afin de lui confier plus tard les grosses machines militaires, motos comprises. Quatre pages sont consacrées aux différentes DKW de course dans un article d’octobre
1938, précédé par trois autres pages sur « Puissance et légèreté » où sont envisagés les différents usages d’un alliage baptisé électron. Christophe dessine la suspension arrière d’une moto par anneaux de caoutchouc (24/12/1939), idée qu’il mettra en pratique, avec certaines adaptations, sur des machines très personnelles en France, après la guerre. Sous un titre qui pourrait paraître malicieux (on est alors en juin 1940...), il passe en revue dans un autre article les « petites cylindrées de la Grande Allemagne », ces 60 cm3 produites par Panther, Presto, Wanderer, Ardie, Hercules, NSU, DKW, Phänomen et autres Victoria ou… Puch, souvent motorisées par un Sachs. Parallèlement, il effectue des essais de machines comme une 125 Phänomen (décembre 1940) ou une 250 TWN en août 1941. Il figure alors en 3e place dans la hiérarchie de la revue après le rédacteur en chef qui est « dans la Wehrmacht », et son adjoint qui, lui, est « au combat », comme précisé dans les premières pages. ✦ (à suivre)
CHRISTOPHE ET SEXÉ SE RENCONTRENT À BERLIN EN 1937