DNEPR 650 EN SUÈDE
Le Suédois Harry Gulmark ne roulait qu’en Harley-Davidson jusqu’à ce qu’il se rende en Russie et achète un side-car Dnepr 750.
Il y a quelques années, un biker suédois est tombé amoureux d'un side-car russe Dnepr.
En fouillant dans mes archives, au détour d’un vieux magazine suédois, je suis tombé sur un article consacré à un couple de motards de Stockholm qui avait décidé d’aller, avec un side-car, à Åre, une station de ski suédoise pour passer les fêtes de fin d’année.
650 km et 24 heures plus tard, ils sont arrivés complètement congelés, après avoir failli mourir de diverses manières : empoisonnement au monoxyde de carbone dans le side-car, glissade, hypothermie ou écrasement sous les roues d’un camion. Quelques années plus tard, j’ai essayé de conduire un side-car en hiver mais j’ai abandonné après quelques kilomètres. Au guidon d’une moto solo sur la glace, après quelques chutes, on arrive toujours à tenir sur ses roues et cela permet d’être ensuite plus à l’aise sur la route, dans des conditions normales. Mais si l’on ajoute une roue, la situation devient incontrôlable. Pour moi, tous les conducteurs de ce genre d’engin ne pouvaient être que fous. Jusqu’au jour où un ami m’a parlé de Harry, un motard original qui passe beaucoup de temps au guidon d’un side-car russe, en été, comme en hiver. Ni une, ni deux, j’ai voulu en savoir plus et je suis allé à sa rencontre. Harry Jonsson Gullmark, de son nom complet, notre motard fou, a d’abord roulé avec un vélo bricolé avec un moteur auxiliaire puis il a acheté une BMW R27 avec laquelle il s’est mis a sillonné les routes de Suède et à découvrir la liberté. Il a rencontré sa femme
Doris alors qu’ils avaient à peine plus de 20 ans et ensemble, ils ont parcouru un certain nombre de kilomètres autour du monde. Peut-être pas tout le tour complet, mais ils ont bien effectué 50 ans d’allers-retours, généralement sur une Harley-Davidson.
Au milieu de nulle part
De 1995 à 2015, Harry a été à la tête du club de la marque en Suède et un jour, il a organisé une réunion au milieu de nulle part en interdisant aux participants d’utiliser des téléphones portables ou des GPS. Cette expérience a décidé Harry à revenir à l’essentiel. Et ainsi, aujourd’hui, on le retrouve à cheval sur un side-car russe
AVANT LA DNEPR, HARRY A ROULÉ 50 ANS EN HARLEY-DAVIDSON
vêtu d’une peau de bête, traversant des lacs glacés avec son épouse. Pour Harry, c’est une tentative équivalente à celle de l’auteur Robert Pirsig (auteur du livre Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes), le but étant de comparer philosophiquement moto et qualité de vie.
C’est aussi et surtout une manière de s’évader d’une vie professionnelle un peu barbante… Il faut également préciser qu’après la chute de l’Union soviétique, les membres suédois du club Harley ont commencé à voyager vers l’est pour visiter des sites autrefois interdits.
Par exemple, Harry et une cinquantaine d’autres bikers se sont rendus à une rencontre de motos à Mourmansk. C’est là qu’il est tombé amoureux des Dnepr, les plus célèbres des motos soviétiques avec les Ural. « Nous avons rencontré beaucoup de Russes qui ne comprenaient pas comment nous pouvions aimer ces vieilles motos russes, mais pour moi, c’était quelque chose de différent. Sur une moto moderne, on démarre et on roule jusqu’à ce qu’il soit temps de faire le plein ou de se garer. En revanche, vous devez conduire une Dnepr en permanence avec une oreille pour écouter le moteur et un oeil sur le voyant d’huile », explique Harry. Autre raison, il y a cinq ans, son beau-frère a eu un accident de moto, il est resté paralysé et les balades en side-car ne pouvaient pas lui faire de mal. Cela a poussé Harry et Doris à partir à la recherche d’un attelage soviétique. Le couple a donc commencé à parcourir une partie de la Russie à la recherche de cet engin qui allait jouer le rôle de machine à remonter le temps.
Administration suédoise
Quand Harry a trouvé la
Dnepr de ses rêves, il a fallu la rapporter puis l’homologuer. Comme il s’agissait d’un attelage avec roue du sidecar motrice, l’administration suédoise l’a classé dans la catégorie « autre véhicule », ce qui permet de le conduire avec un permis voiture et sans porter un casque !
Et cet engin m’a poussé à réviser tous mes préjugés sur les trois-roues. La fourche Earles et les deux roues motrices lui procurent une tenue de route étonnante qui n’a rien à voir avec celle d’un side-car issu d’un mariage forcé. « Pour les Russes, le side-car Dnepr était tout simplement comme une petite Jeep, un véhicule utilitaire pas trop coûteux qui pouvait transporter la famille par tous les temps. Et si vous tombiez en panne, la caisse à outils vendue avec était si complète que vous pouviez démonter le moteur et changer les pistons au milieu d’une forêt d’épicéas », explique Harry, qui, au passage, dispose d’un moteur de rechange à la maison. S’ils se retrouvaient au coeur d’un scénario catastrophe, Harry et Doris s’en sortiraient sûrement mieux avec un attelage Dnepr de seulement 22 chevaux fonctionnant avec n’importe quelle huile ou essence, qu’avec un flat-twin allemand bardé d’électronique. Et ils pourraient faire quelques « tours du monde » supplémentaires.
Sauf que notre couple de motards ne va jamais très loin avec son side-car. Ça se limite à une visite au beau-frère, une réunion de vieilles motos ou à une convention de tracteurs. Doris prend parfois le guidon mais elle aime bien aussi se prélasser dans le panier. « C’est une moto attachante », dit Harry, qui a aussi une Laverda 750 dans son garage. Quant à la Harley, il faut avouer qu’elle un peu délaissée depuis l’achat de la Dnepr. Une victoire à retardement des bolcheviques sur les capitalistes.
POUR DORIS ET HARRY, LEUR SIDE-CAR EST UN STYLE DE VIE