Moto Revue Classic

TRIUMPH 750 BONNIE TT

À partir d’une Triumph 650 Bonneville de 1967, l’Anglais Jim Hodges a réalisé une très belle «TT Special» équipée d’une culasse 8 soupapes.

- Texte : Rupert Paul - Photos : Rory Game

Une préparatio­n anglaise détonante sur la base d'une paisible Bonneville de 1967.

Tout le monde sait qu’il n’y a pas grand-chose de nouveau à dire sur les Triumph 650 Bonneville. Sauf si vous tombez sur celle de Jim Hodges, un ingénieur dingue de motos britanniqu­es dont la Triton 750 et la Norton 850 Commando ont déjà été publiées dans MR Classic.

Les motos de Jim démontrent ce que l’on peut faire avec une vieille anglaise, un peu d’argent et de grandes compétence­s techniques. Sa Triumph est une réplique de la Bonneville TT Special du milieu des années 60, une 650 de type « dirt-track » commercial­isée aux États-Unis et construite, comme le dit

Jim, « pour gagner des courses le dimanche et faire vendre des motos le lundi ». TT, c’est l’abréviatio­n de TT-steeplecha­se, une course qui se dispute sur un anneau de terre battue mais avec un virage à droite et un saut. Ces Triumph étaient commercial­isées avec une fourche modifiée et un guidon plus large, mais sans compteur ni phare, ni feux et encore moins de silencieux d’échappemen­t. Précisons que la 650 de Jim a commencé sa vie comme une Bonneville 1967 standard. « Quand je l’ai achetée, elle n’avait jamais vu une clé à molette de toute sa vie », dit-il, avec l’air d’un homme habitué à travailler sur les moteurs Triumph.

« Le moteur était impeccable à l’intérieur, pas un seul écrou n’était arrondi et le vilebrequi­n n’avait pas de gros champignon­s à l’extrémité à cause des coups de marteau ! »

Il s’en est suivi un démontage complet et une mise au point digne d’une moto de course : le vilebrequi­n a été équilibré et de nombreuses pièces spéciales ont été montées : pistons haute compressio­n 750 cm3 Nourish et culasse huit soupapes de même provenance, cames Megacycle, carburateu­rs Keihin CR, allumage électroniq­ue

Pazon, pompe à huile Morgo, transmissi­on primaire par courroie, embrayage sec

Bob Newby et boîte de vitesses Quaife à cinq rapports. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Jim ne fait pas les choses à moitié.

Traitement de surfaces

Il a aussi remplacé la plupart des boulons d’origine par des éléments en acier inoxydable, fabriqués sur son tour et sa fraiseuse. Une fois les carters moteur traités à l’intérieur (pour l’étanchéité) comme à l’extérieur (pour qu’ils brillent), on aurait pu penser que cette restaurati­on était terminée. Mais non.

Les cames Megacycle n’ayant pas d’entraîneme­nt pour le reniflard synchronis­é d’origine, Jim a percé le vilebrequi­n pour y monter

LA 650 TT SPECIAL ÉTAIT COMMERCIAL­ISÉE AUX USA POUR LE DIRT-TRACK

un clapet. De même, il a modifié le couvre-culasse qui arborait un bulbe disgracieu­x : « J’ai usiné des rainures et j’ai utilisé les goujons de cylindre pour fixer deux tirants sur la partie avant du cadre via des rotules Unibal. » Et pour fixer le haut-moteur sur sa partie arrière, il a réalisé une très jolie pièce fixée sur le cache-culbuteur d’admission. Le montage des carburateu­rs Keihin a été conseillé par

Dave Whitfield de chez P&M, spécialist­e des Triumph Trident. Pour les installer, il a fallu découper le réservoir d’huile et le filtre à air et ensuite, Jim a tenu à cacher le palonnier sur le côté droit : « J’ai fabriqué un cache ajouré reprenant le design du monogramme de réservoir Triumph. » Bien que les Keihin fonctionne­nt mieux que les Amal d’origine, ils ont été conçus pour les motos à démarreur électrique qui tournent beaucoup plus vite que les anglaises à kick ! « Il y a bien un starter, mais je n’arrive pas à faire tourner le moteur assez vite pour aspirer suffisamme­nt de carburant. J’ai donc fabriqué des vannes “papillons” pour pouvoir fermer l’admission. » Une molette en laiton réalisée par Jim permet de faire pivoter ces papillons. Un problème bien connu des Bonnie des années 60 concerne la pose et la dépose du bloc moteur à cause de la taille des supports moteur avant. Il faut soulever le bloc pour le faire entrer dans le cadre, et enlever les cacheculbu­teurs pour que ce dernier puisse passer sous le tube supérieur. Jim a coupé la plaque de fixation gauche, en a fabriqué une nouvelle qui se démonte, et le tour est joué. Comme pour le reste de son travail, cet élément est si bien réalisé qu’il semble être d’origine.

Durites et câbles cachés

Sur la TT de Jim, les composants électrique­s se font discrets. Le petit phare est caché dans la plaque porte-numéro, tandis que l’horrible contacteur de stop a été remplacé par un élément invisible. Le seul interrupte­ur au guidon est le coupe-contact puisque celui du klaxon se situe à l’extrémité de la poignée gauche du guidon. Dans un autre registre – mais toujours dans un souci de discrétion –, la durite d’alimentati­on en huile sous pression passe dans le tube de cadre avant et le câblage a subi un sort identique : les fils d’allumage et d’alternateu­r passent dans le tube central du cadre pour ressortir sous la selle. En parlant de la partie-cycle, elle a été, comme le moteur, considérab­lement modifiée. La fourche a reçu les spécificat­ions des TT

L’ADAPTATION DES CARBUS KEIHIN NE S’EST PAS FAITE SANS PEINE

originales et les jantes ont été remplacées par des Akront en aluminium. Quant au frein avant d’origine, il a été remplacé : « La Bonnie de 67 est équipée d’un simple came peu efficace. J’ai monté le double came des modèles

69, qui est, à mon avis, le meilleur frein à tambour de la production anglaise. »

Jim a aussi passé beaucoup de temps sur la selle pour obtenir un ajustement parfait et là encore, une pièce spéciale pour le verrouilla­ge. Idem sur les écrous allégés des amortisseu­rs Hagon qui semblent avoir été prélevés sur une machine de course. Sans parler de la patte d’ancrage du frein arrière qui, d’origine, n’était pas exempte de défauts. « Je l’ai allongée de 5 centimètre­s, ce qui repousse le tambour et évite que la commande de frein ne touche le tendeur de chaîne. C’est tellement simple qu’on aurait pu penser que Triumph le fasse… »

Un problème de bruit

Comme toutes les motos de Jim, sa TT Bonnie tourne comme une montre et ne perd pas d’huile. Il prétend ne pas en mettre mais c’est une boutade, en réalité, il passe beaucoup de temps à soigner l’état de surface à l’intérieur des carters moteur. Au guidon, elle est incroyable­ment facile à manier, en partie grâce au bras de levier procuré par le grand guidon mais aussi parce qu’elle est très légère.

Attention, si vous êtes trop nerveux avec la poignée de gaz, l’embrayage à sec, encore neuf, n’appréciera pas et donnera des à-coups. Il vaut mieux la piloter sur le couple et monter les cinq vitesses rapidement. Le seul problème de cette moto, c’est le bruit. J’avais dit à Jim que je savais où j’allais mais je me suis perdu et j’ai roulé un bon moment dans une zone urbanisée où je voyais les têtes se tourner sur mon passage. Mais pas pour la beauté de cette machine. À un moment donné, je me suis engouffré dans un petit chemin mais je me suis retrouvé nez à nez avec une cavalière en colère. J’ai pris l’embrayage pour me retrouver en roue libre, mais elle m’a quand même crié dessus… Après une demi-heure, j’ai enfin trouvé une route isolée et j’ai ouvert les gaz en grand. Et là, ce fut une explosion de bruit ! J’ai tourné la poignée dans l’autre sens à haut régime et un autre son tout aussi impression­nant s’est mis à résonner comme si les gaz se lamentaien­t de ne plus pouvoir entrer dans le moteur ! Je pense que celui-ci développe 65 chevaux, avec une belle courbe de couple qui vous permet de monter les rapports sans forcer. « C’est la seule moto qui me donne le sourire », dit Jim, qui l’a emmenée sur l’île de Man et s’est amusé à surprendre les motos modernes et leurs pilotes avec cette vieille moto qui accélère incroyable­ment fort, c’est le cas de le dire. « On pouvait m’entendre arriver à des kilomètres à la ronde mais une fois arrêtée, c’est une Bonnie comme une autre. » Sauf pour ceux qui savent apprécier le travail bien fait.

SUR L’ÎLE DE MAN, LA TT SPECIAL VA PLUS VITE QUE CERTAINES MODERNES

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Examen de passage obligatoir­e quand on roule en ancienne : le démarrage au kick.
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1. Avec son poids plume et son surcroît de puissance, la TT Special de Jim Hodges est redoutable sur les petites routes. 2. Le frein à tambour simple came d’origine a été remplacé par un double came plus récent. 3. Jim Hodges monte des carburateu­rs Keihin à la place des Amal d’origine. 4. La TT Special se contente d’un compteur de vitesse. Notez la très jolie molette de frein de direction. 5. La culasse est une Nourish 8 soupapes. Les caches ont été modifiés par Jim.
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1. Le style TT est aujourd’hui beaucoup plus en vogue que le café racer. 2. Les silencieux minimalist­es sont un peu légers par les temps qui courent... Notez la très jolie patte d’ancrage réalisée par Jim. 3. Le carter ajouré permet de découvrir la transmissi­on primaire par courroie crantée. 4. Jim aurait pu se contenter de simples écrous pour fixer les amortisseu­rs... 5. Ces tirants munis de rotules Unibal permettent de fixer le haut-moteur au cadre.
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2. Le twin vertical Triumph gagne une quinzaine de chevaux grâce à la préparatio­n signée Jim Hodges.
1. Grâce à son grand guidon, la 750 Bonneville TT est incroyable­ment facile à manier. 2. Le twin vertical Triumph gagne une quinzaine de chevaux grâce à la préparatio­n signée Jim Hodges.

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