UNE MZ 250 AUX USA
En 2018, le Danois Kim Scholer a traversé les USA au guidon de sa MZ 250 de 1970 attelée à une remorque. Il nous raconte son voyage.
Le Danois Kim Scholer a traversé les USA avec sa MZ 250 attelée à une remorque.
Il y a trois ans, j’ai expédié ma MZ ES 250/2 du Danemark à Los Angeles. Avec elle, j’ai aussi envoyé une petite remorque PAV tchécoslovaque de façon à emporter plus de bagages. La moto, âgée de 48 ans, était ma monture quotidienne depuis 6 ou 7 ans. Elle était simplement modifiée avec un allumage électronique, une boîte de vitesses à 5 rapports, un carburateur Mikuni, des freins améliorés et un cadre renforcé. J’ai fait de nombreux longs voyages à son bord et je savais qu’elle était suffisamment confortable et fiable pour mon périple. L’idée était de traverser les États-Unis jusqu’à New York et de la vendre sur place plutôt que de la renvoyer chez moi. Il y a de nombreuses années, j’avais déjà tenté cette traversée mais en sens inverse, de New York et Los Angeles et sur une Nimbus 4-cylindres. À l’époque, j’avais manqué de temps et d’argent pour atteindre l’océan Pacifique et je voulais aussi retourner voir une dame que j’avais rencontrée sur la côte est. Je n’ai donc jamais pu visiter le sud-ouest américain et c’est ainsi que cette très belle région s’est retrouvée en tête de liste cette fois-ci. Lorsque la MZ est arrivée à Los Angeles, j’ai passé une semaine à faire du tourisme, à visiter des lieux intéressants comme « The Garage Company », ou des musées comme « The Petersen Museum », pour n’en citer que quelques-uns. La MZ était un peu perdue sur l’énorme et fascinant réseau d’autoroutes de Los Angeles, se faisant parfois dépasser des deux côtés par des camions de taille monstrueuse. Pour ma part, j’ai trouvé ça plus divertissant qu’effrayant, tout comme ma promenade dans un biplan Boeing Stearman Kaydet de 1943 qui faisait de la voltige au-dessus de l’océan Pacifique. Ne pas prendre de petitdéjeuner ce matin-là a probablement été ma décision la plus intelligente de toutes ces vacances !
Touristes européens
J’ai ensuite mis le cap sur la Vallée de la Mort, puis sur Las Vegas, le barrage Hoover, une petite partie de la Route 66, le Painted Desert, le Grand Canyon et les montagnes Rocheuses dans le Colorado. Ce ne sont là que quelquesuns des sites impressionnants que nous avons vus en chemin, ma MZ et moi.
Dans les grandes villes, on croise tous les types de motos, mais dans le Middle West, les grosses Harley-Davidson dominent. Même chose dans les déserts et les montagnes, où des groupes d’Européens chevauchent les plus grosses américaines qu’ils puissent louer. À en juger par la façon dont ils conduisent nerveusement ces mastodontes d’une demi-tonne, ou pire lorsqu’ils les laissent tomber à l’arrêt, je pense qu’ils auraient mieux fait de choisir une trail-bike japonaise ou européenne. La MZ fonctionnait très bien au Danemark mais curieusement, aux USA, elle a perdu de la puissance pour une raison que je n’ai jamais
CURIEUSEMENT, LA MZ A PERDU UNE PARTIE DE SA PUISSANCE...
identifiée. J’ai passé une semaine à travailler dessus et à tout vérifier, j’ai même ouvert l’échappement pour voir s’il n’était pas calaminé. Franchir des cols à 3 500 mètres d’altitude avec une dizaine de chevaux n’était pas impossible mais un peu plus long que prévu dans des montées sur le deuxième rapport.
La descente à 110 km/h n’était pas non plus un problème car la remorque se faisait à peine sentir, même chargée à bloc. L’un des meilleurs endroits où j’ai séjourné est Guffey dans le Colorado, chez un vendeur de Nimbus nommé Travis. Nous avons échangé des e-mails pendant des années mais nous ne nous étions encore jamais rencontrés en personne. Dans ces montagnes, même les vieux hippies et les « libéraux » comme lui sont armés car il y a beaucoup de cerfs, d’antilopes et d’autres animaux savoureux : j’ai plutôt bien mangé pendant mon séjour. À un moment donné, il a même essayé
de m’apprendre à tirer au pistolet, mais in fine, la faune locale n’a absolument rien eu à craindre de moi ! Une fois quitté les montagnes, il était possible de rouler à 75-85 km/h dans la plaine, aidé par Vayu, le « Dieu des vents » hindou, qui s’est arrangé pour que ceux-ci soient favorables durant la majeure partie du trajet. Si, de temps en temps, il y avait un vent de face ou des vents latéraux forts, je devais parfois rétrograder en 4e et rouler à 70 km/h. Ou essayer de me caler derrière les camions lorsque le vent était vraiment trop fort. La plupart du temps, j’ai simplement choisi des routes secondaires et moins fréquentées. Dans mon plan, ma première destination était le musée de la moto « Twisted OZ » à Augusta, au Kansas. Je l’avais trouvé sur Internet, j’aimais le nom et je suis arrivé en même temps que le propriétaire, Kelly Modlin. C’est un endroit génial, avec de nombreuses raretés, comme une Indian six-cylindres en
ligne ou un long « cigare » noir avec deux moteurs Vincent alimentés par compresseur qui a couru sur le lac salé de Bonneville Salt Flats. Après qu’il m’a fait visiter son musée, je lui ai suggéré d’acheter ma MZ une fois le voyage terminé. Kelly se souciait plus de savoir si les motos de sa collection étaient prêtes à rouler et s’il y avait de bonnes histoires à leur sujet que de savoir si elles étaient 100 % originales. Apparemment, il a aimé l’histoire de la MZ, a accepté mon prix (raisonnable) et m’a fait la promesse de l’acheter.
Routiers stupides
De là, j’ai roulé vers le nord, sur une autoroute où les camions me prenaient pour cible : alors que je m’efforçais de maintenir la vitesse minimale de 70 km/h en montée, je les voyais dans les rétroviseurs, qui fonçaient sur moi à 110-120 km/h et me dépassaient au dernier moment. L’un d’entre eux m’a même contraint à me jeter sur la bande d’arrêt d’urgence. Cet idiot voulait sûrement venger le routier du film Duel de Steven Spielberg… J’ai passé la semaine suivante avec un ami amateur de Nimbus, près de Chicago. Je suis très impliqué dans la communauté mondiale des Nimbus et je connais un certain nombre d’Américains et de Canadiens par ce biais. Ensuite, j’ai visité l’impressionnant musée de l’US Air Force à Dayton, dans l’Ohio, et c’est la seule fois en deux mois et demi de voyage que j’ai été surpris par la pluie. Le climat américain peut parfois être extrême mais j’ai eu la chance. Peu après mon retour au Danemark, des amis m’ont écrit pour me dire que j’avais échappé à des températures de 53 degrés dans la Vallée de la Mort, des précipitations record, des inondations soudaines et même des tornades dans le Midwest… Ce à quoi je n’ai pu échapper, en revanche, ce sont les pépins techniques sur la MZ. À Los Angeles, l’entraînement du compteur de vitesse sur la roue arrière a rendu l’âme mais j’ai facilement contourné le problème en montant un compteur de vélo. Les seuls soucis sérieux ont été deux crevaisons du pneu arrière et un roulement de roue arrière qui a dû être remplacé. Je n’avais pas emporté de démonte-pneus, ni de chambre à air, si bien qu’à ces trois occasions, il a fallu faire transporter la moto jusqu’à l’atelier le plus proche, et cela a coûté un peu cher.
Il y a eu aussi le filetage du cylindre sur lequel l’échappement est fixé qui a lâché. J’ai dû le monter comme sur les motos de tout-terrain avec deux ressorts qui le maintiennent en place.
Une fois le roulement de roue changé dans l’Indiana, je n’ai plus eu de problème. Rouler jusqu’à Detroit, au Canada, puis chez de vieux amis polonais à Toronto et Montréal fut facile. La suspension souple de la MZ a vraiment été d’un grand secours car les routes n’étaient guère meilleures que celles d’Allemagne de l’Est pour lesquelles la moto avait été conçue. J’avais rencontré mes amis polonais au Danemark
MALGRÉ QUELQUES PÉPINS, LA MZ 250 A PARCOURU LES 8600 KM
avant la chute du rideau de fer et à l’époque, ils vendaient des side-cars BMW et Zündapp de la Wehrmacht. C’était émouvant de les revoir après tant d’années alors que nous avions l’impression d’être séparés depuis quelques semaines seulement. En traversant la frontière américaine, j’ai retrouvé d’autres amis amateurs de Nimbus mais aussi le possesseur d’un Ner-A-Car, une sorte de gros scooter, et j’ai finalement roulé jusqu’à New York. C’est là que j’ai officiellement terminé mon voyage, au magasin de motos « Sixth Street Specials », dans le Lower East Side de Manhattan. Lors de mon passage à New York, deux mois auparavant, je leur avais dit que je passerai avec la MZ, et ils ont été très surpris que je tienne parole.
L’Amérique à deux vitesses
Après cela, il ne restait plus qu’un court trajet jusqu’à une bourse d’échanges, située à quelques heures de route au nord de New York, où un ami de Kelly a pris en charge la MZ avant qu’elle ne soit transportée dans son musée du Kansas. Lui aussi a tenu parole. Pendant le trajet à travers les USA, seules cinq personnes savaient ce qu’était une MZ (dont trois qui avaient vécu en Europe) mais lors de la bourse d’échanges, plusieurs personnes originaires de Pologne, d’Allemagne et de République tchèque sont venues me voir, me disant que c’était leur première moto. Un type m’a dit que bon nombre de MZ avait été importées aux États-Unis et lui-même avait vendu des TS à des Cubains en Floride ! C’était un peu triste de me séparer de la mienne, après toutes ces années au Danemark, mais surtout après les 8 600 kilomètres à travers les États-Unis. D’un autre côté, j’étais très heureux qu’elle finisse dans un endroit où elle serait maintenue en état de marche et où beaucoup de gens pourraient la voir.
Lors de ce voyage, la plupart des journées se sont déroulées à un rythme tranquille mais pour d’autres, c’était comme si quelqu’un avait appuyé sur le bouton « avance rapide ». L’Amérique est ainsi faite, et j’aurais facilement pu passer un mois de plus à explorer le sud-ouest, si le temps et l’argent me l’avaient permis.
Si vous voulez en savoir plus, vous pouvez visiter mon blog en anglais : www. mz-across-usa.blogspot.com
UN PEU TRISTE, JE LAISSE LA MZ 250 AUX ÉTATS-UNIS...